Un événement poésie et traduction à Vienne

Nie so schwarze Augen gesehen
Dichter und Nachdichter
Ein ausgesprochen ungewöhnliches Zusammentreffen. Vier befreundete Dichter kommen zueinander, die zugleich ihre Nachdichter sind, und tragen ihre eigenen Gedichte sowie jeweils Übertragungen der anderen vor: Alban Nikolai Herbst (Berlin), Helmut Schulze (Amelia), Raymond Prunier (Paris) und Jordan Lee Schnee (New York). Besonders ungewöhnlich ist, daß sie sich teils gegenseitig übersetzen: Schulze Prunier ins Deutsche, Prunier Herbst ins Französische, Schulze Herbst ins Italienische und Schnee den Herbst ins US-amerikanische. So wird der Abend in vier großen Sprachen klingen. Die Lektorin und Kunstdenkerin Elvira M. Gross moderiert.

“Jamais vu des yeux si noirs”
Poètes et traducteurs
Une rencontre absolument originale. Quatre poètes se retrouvent qui se sont traduits mutuellement et qui vont réciter aux autres leurs propres textes ainsi que leurs traductions: Alban Nikolai Herbst (Berlin), Helmut Schulze (Amelia), Raymond Prunier (Paris) et Jordan Lee Schnee (New York). L’originalité de l’entreprise réside dans le fait qu’ils se traduisent les uns les autres: Schulze a traduit Prunier en allemand, Prunier a traduit Herbst en français, Schulze a traduit Herbst en italien et Schnee a traduit Herbst en anglais américain. Cette soirée retentira ainsi des échos de ces quatre langues majeures. La lectrice et spécialiste de l’art Elvira M. Gross assurera la présentation. “

Rendez-vous le jeudi 18 avril à la librairie 777 Domgasse 8 Wien à 19H
Grand événement où l’on récitera entre autres ouvrages des extraits d’un livre à paraître bientôt aux éditions Lumpen de Jean François Garcia , intitulé “Le Chemin”, poèmes de Raymond Prunier, traduits en allemand par Helmut Schulze et illustrés par E. Detton.
Ce sera comme un galop d’essai. A suivre !

Traduction en allemand des poèmes sur le “Chemin des Dames” (Nov. 17)

Helmut Schulze a déjà traduit en allemand le premier poème “Sur le Chemin des Dames” que j’ai proposé ici sur mon blog il y a quelques semaines.

On comprend pourquoi un poète allemand est venu me rejoindre. Tous mes poèmes regroupés sous le titre (Nov.17) évoquent en effet les soldats français et allemands sans forcément faire de distinction ; cent ans plus tard les plaies lentement se referment, même dans nos régions où ont eu lieu ces combats épouvantables. Puissent ces deux ensembles envoyer un signe discret vers l’Europe dont nous rêvons à travers nos langues respectives.

Pour goûter le charme de ces traductions on pourra suivre l’effort de Helmut Schulze sur son blog.

Qu’il soit remercié ici très fraternellement pour son initiative et pour son talent. L’émotion est au rendez-vous de cette aventure peu banale. Toute ma gratitude va vers lui.

Présence / Gegenwart (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Présence

Ce pain que je mords
Le temps où je meurs
Ce vin que je bois
Le sang que je verse
Ce cri que je lance
Dans l’effroi du feu nourri
Et ma chère lointaine aux caresses si longues
Jambes bras visage cœur lieux de mon corps exposé
Qui pourrait l’être à la folle espérance des jupons et des lèvres
Et sont offerts à la mitraille rationnelle d’un crachat de hasard

Connais-tu le Chemin où fleurit la grenade
Et les Dames dis-moi où sont-elles en allées

Il expire le temps des couleurs
Il n’est plus que le bleu à mon âme immature
Les pansements aspirent le sang inexorablement
Je vois monter le rouge de la terreur
Quelque aube vient
Ultime point là-bas peut-être
Dents serrées sur mon brûle-gueule
Fou du siècle sorti de ses gonds
J’attends la verte insouciance des choses
Pousse la porte du jour
Et vois encore le fil du ciel qui lève
Sur la brève évidence du blanc présent
Où je survis

Gegenwart

Das Brot, das ich beiß’
Die Zeit, wo ich sterb’
Der Wein, den ich trink’
Das Blut, das mir fließt
Der Schrei, der entfährt
In der Angst vor dem schweren Feuer
Meine ferne Liebe, endlos lang ihre Liebkosungen
Beine, Arme, Gesicht und Herz, Körperorte, entblößt
Wer könnte das sein, törichtes Hoffen auf Unterröcke und Lippen
Dargebracht dem rationalen Kugelregen einer Zufallsspucke

Kennst du den Chemin, auf dem die Granate blüht
Und die Damen, sag, wohin sind sie gegangen

Es läuft die Zeit der Farben ab
Nur noch das Blau für meine unreife Seele
Die Verbände saugen unaufhaltsam Blut
Ich sehe das Rot des Grauens aufsteigen
Irgendein Morgengrauen naht
Der äußerste Punkt dort vielleicht
Zähne, dich sich festbeißen an der Tabakspfeife
Dich macht das Säkulum zum Narren, dem der Kragen platzt
Ich warte auf die grüne Nachlässigkeit der Dinge
Öffne die Tür des Tages
Und sehe immer noch den Himmel aufsteigen
Über der kurzen Spur des jetzigen Weiß
Wo ich überlebe

Présence – E. Detton

L’ennemi / Der Feind (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

L’ennemi

Les minutes à vivre entre deux attaques
Sont dangereuses
Que fait l’ennemi dans le temps où je rêve où je mange
Ce pain que je mords est-il si différent du sien
Lui aussi songe
Mort blessure faim tabac amours
Les photos sur lesquelles il passe son pouce
Adossé à l’argile des boyaux
Ont de semblables sourires
Sur ce champ jonché de cadavres de casques d’uniformes
L’ennemi et moi pourrions
C’est le Chemin des Dames après tout –
Bâtir un podium de bois blanc
Où nous inviterions nos familles à danser verre en main
Lui la valse moi la java
Histoire de parler par gestes
Puisqu’il semble que leurs mots soient si différents
Des nôtres
Que c’est finalement le vrai motif de la guerre
Ma baïonnette s’enfonce dans tes tripes pour une pauvre affaire de syllabes
Obscures barbares grossières
Mais je ne l’entends pas de cette oreille
Il rôde dans l’air de drôles de mensonges
Mein Freund
Le Rhin ne justifie pas la mort de l’autre
Ni de l’un

Der Feind

Die Minuten, zwischen zwei Angriffen zu leben
Sind gefährlich
Was macht der Feind,während ich träume oder esse
Ist dieses Brot, in das ich beiße, so anders als das seine
Auch er träumt
Tod Verletzung Hunger Tabak Liebe
Die Fotos, über die sein Daumen streicht
Angelehnt an den Lehm der Gräben
Wie sich das Lächeln ähnelt
Hier, auf diesem Feld, die Saat der Leichen Helme Uniformen
Der Feind und ich, wir könnten
Es ist ja noch immer der Chemin des Dames –
Ein Podest errichten aus weißem Holz
Samt Einladung zum Tanz, nicht ohne Glas in der Hand
Er den Walzer, ich den Java
Einfach nur gestikulieren statt reden
Ihre, scheint’s, so ganz anderen Worte
Als unsere
Hier endlich das Eigentliche des Krieges
Mein Bajonett in dein Gedärm – Silbenstecherei
Obskures Barbarengelall
Mag lieber taub sein auf diesem Ohr
Im Geschwirr der seltsamen Lügen
Mein Freund
Le Rhin ne justifie pas la mort de l’autre
Ni de l’un

L’ennemi – E. Detton

Confidences / Vertraulichkeiten (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Confidences

Des cris des cris des cris
La haine aux cordes aux voyelles
Tu vas revenir gros d’habitudes détestables
Cracher boire fumer vitupérer les femmes
Une éducation européenne
Ensanglantée misérable
Tous les chemins mènent à l’erreur
C’est pitié
Les boyaux arpentés
Qui devaient être la voie royale vers la vertu
Cette antique graisse qui fit Rome

Et voici ton squelette ami mâchoire ouverte
Je me souviens de nos chuchotis hachés
Dans la tranchée
Des liquides rouges basculés dans la gorge
Verse encore
Jeunesse ivresse
Qui contera désormais les aveux de ta femme
Vos fols souhaits d’étreintes entre les draps
Je me souviens des cheveux de ta dame
Des tics de langage de ta belle
De ses rires pointus imités sous les balles
De celle qui allait t’épouser te disant
– Je revois son écriture que tu soulignais de ton doigt –
Tu sais je t’aime tant
Ravi tu riais tu riais tu riais
Ta voix ensuite revenait au murmure
Je l’aimerai tant disais-tu entre tes dents

Dussé-je en crever

Vertraulichkeiten

Schreie sind Schreie sind Schreie
Im Haß sich verstrickende Selbstlaute
Heimkehren voll widerwärtiger Gewohnheiten
Spucken Trinken Rauchen Frauen Beschimpfen
Eine europäische Erziehung
Erbärmlich und blutig
Alle Wege führen in den Irrtum
Schade drum
Die vermessenen Därme
Die der Königsweg zur Tugend sein sollten
Das antike Fett, das Rom gewesen

Und hier, Freund, dein Skelett, offener Kiefer
Ich erinnere mich an unser abgehacktes Flüstern
Im Schützengraben
Rote Flüssigkeiten, die in den Hals eindringen
Immer noch fließen
Jugend Trunkenheit
Wer soll jetzt erzählen die Bekenntnisse deiner Frau
Laken umarmen und Phantome liebkosen
Ich weiß noch die Haare
Die Sprachmacken deiner Schönen
Ihr scharfes Lachen, das im Kugelhagel imitiert wurde
Derjenigen, die dich heiraten wollte und dir sagte
– Ich erinnere mich an seine Handschrift, vom Finger unterstrichen –
Du weißt, ich lieb’ dich sehr
Entzückt lachtest du und lachtest und lachtest
Dann geriet deine Stimme wieder ins Murmeln
Dich lieben würd’ ich ungemein, zwischen Zähnen herausgepreßt

Und sollt’ ich dran krepieren

Confidences – E. Detton

En Silence / In aller Stille (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

En Silence

Une fois dans mes meubles rentré
Je vendrai à la foire les armes exaspérantes de mes ancêtres
J’empoignerai la poêle et nous ferai des œufs
Je t’aimerai
J’apprendrai le maniement du fer à repasser
Tu m’apprendras
Tandis que je lisserai chemises et robes de lin
Tu me liras les livres des rois
Il était une fois
Tu seras ma marquise
Je prendrai le temps de toucher nos peaux à travers les tissus
A défaut d’arpenter les boyaux de la terre
Nous marcherons de conserve à travers les craquelures de l’hiver sur les hauteurs rouges
Sans rien dire nous nous découvrirons là-haut
Tu oublieras tes peurs
Au vide du silence
J’enfoncerai mes terreurs
Au plein du silence
L’horizon au bout des bras nous irons cueillir les violettes de mars et d’avril désarmés
Tu murmureras
Ne marche pas si vite
Je ferai comme tu dis
Je ne dirai pas un mot du canon
Des bottes des couteaux des crimes de la boue
Je serai sage
Te serrant la main toujours marchant j’écouterai ton cœur
Paris aux chansons militaires et triviales
S’endormira sans nous
Et nous irons vers l’étoile miroir
En silence
Jusqu’au bout du silence

In aller Stille

Wenn ich dann wieder bei mir bin
Trag’ ich zu Markte, was mir an Waffenschrott die Vorderen gelassen
Ich schnapp’ mir die Pfanne und mache uns Eier
Dich lieben werde ich
Lernen werde ich zu bügeln
Du wirst es mir beibringen
Wenn ich dann Hemden und Leinenzeug plätte
Liest du mir vor die Bücher der Könige
Es war einmal
Du wirst meine Marquise sein
Die Zeit mir nehmen, daß Haut und Haut durch Stoffe sich berühren
Oder auch: die Eingeweide der Erde vermessen
Gemeinsam wandern, wenn der Winter kracht, auf den roten Höhen
Ohne etwas zu sagen, uns dort entdecken
Deine Ängste dann vergessen
In der Fülle des Schweigens
Meine Schrecken versenkt’ ich
Dahinein, wo Stille wohnt
Am Horizont unserer Arme fingern nach waffenlosen Frühlingsveilchen
Du wirst sagen
Geh nicht so schnell
Ganz wie du willst
Kein Wort mehr über Kanonen
Stiefel Messer Gemetzel im Schlamm
Ich werde klug sein
Immer die Hand dir drücken, gehend hören, wie dein Herz schlägt
Paris, seine Chansons so zwischen soldatesk und trivial
Wird auch ohne uns einschlafen
Und wir werden gehen zum Spiegelstern
Schweigend
Bis ans Ende der Stille

En Silence – E. Detton

Imprécations / Verwünschungen (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Imprécations

Quand j’emprunte le Chemin des Dames
Je mets des semelles légères
Je leur demande l’autorisation de poser mes pas sur le champ
Je redoute en effet d’effacer les traces
En mettant mes pas dans les leurs
– Mes amis
Si vous saviez comme on vous aime cent ans après
– Merci dit une voix on a déjà connu ça au début
Les fleurs les corps féminins les baisers qui se pressent vers nous
Des promesses d’amours éternelles
Dont aucune ne fut tenue
Des mains des bagues de fiançailles
Le long feu a tout tordu et brûlé
Si tu savais
Les folies des attaques ont fait leur crevant travail de sape
L’épouvante grava ses tornades grises au fond des crânes
Les piques grondées des acouphènes ne nous ont plus jamais laissés en paix
Pas d’armistice pour les bousculés
Je n’ai pas signé dit encore la voix
Je n’ai pas signé
– Tu ne sens pas comme mes pas se font aimables
La douceur de mon chant est à toi dis-je
– Garde ta tendresse hurle la voix en s’éloignant
Ma haine brûle toujours intacte
Rêve debout dans ta paix ivre et grasse
Moi je reste auprès du feu dans l’enfer des vallons
Entretenant les braises jusqu’à la nuit et l’envol de mes cendres
sous le vent de l’histoire

Verwünschungen

Für den Chemin des Dames
Sind mir leichte Sohlen lieber
Ob ich, frag’ ich sie dann, übers Feld gehen darf
Es könnte ja sein, daß ich Spuren verwische
Wenn meine Schritte in die ihren geraten
– Mes amis
Ihr ahnt nicht all die Herzen, in denen ihr wohnt, hundert Jahre sind’s
– Das Merci einer Stimme, die hatte man schon gehört
Blumen, Frauenkörper, Küsse, drücken sich an uns
Verheißungen ewiger Liebe
Hielten so lange wie an den Händen
Die Ringfinger die Verlobungsringe
Lang’ aber hielt das Feuer an, verbrannte alles
Ach, wenn du wüßtest
Im Irrsinn der Angriffe das aufreibende Ausheben der Laufgräben
Orkanartig bohrte sich Schrecken tief in die Schädel
Das Ohrensausen, ein ewiger Donner, das uns nimmermehr ließ
Kein Waffenstillstand für solche, die’s eilig haben
Und ohne meine Unterschrift, sagt die Stimme
Ich, sagt sie, hab’ das Ding nicht unterzeichnet
– Merkst du nicht, wie meine Schritte freundlich werden?
Mein sanftes Lied, ganz dir zugewandt
– Ach, laß den Schmu, so laut die Stimme, die sich entfernt
Mein Hass brennt unversehrt
Träum nur fort in deinem behäbige Frieden
Ich bleibe beim Feuer in der Hölle der Täler
Halte die Glut bis zur Nacht bis zum Flug meiner Asche
Im Wind der Geschichte

Imprécations – E. Detton

Vers le front / Zur Front (déc.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Vers le front

Du grave au suraigu vive expiration verticale
Le train siffle dans novembre achevé
Et tu frémis au seul souffle de la vapeur
Alarme alarme
Tu relèves ton col
Mince protection contre les froids à venir
Tu écartes une escarbille fichée au coin de l’œil
Les doigts déjà noirs pressent les paupières
Soudain plus rien qu’une brume épaisse
Qui rampe bourrue contre tes bottes
Elle te monte au manteau
Te prend les tripes
Ton corps attend sur place que la vapeur se fasse filiforme
Des toux d’automne et de tabac se chevauchent derrière toi
On s’insulte en se passant par les fenêtres des sacs disputés
Rien ne t’échappe comme si – mémoire nuit noire –
Le train va partir il est parti
Tu restes un moment sur le marchepied face au vent
Qui noie le corps de toute sa glace rouge
La mécanique engendre un thrène baroque fatal
Vibrations d’un gigantesque insecte nocturne
Tu t’engouffres dans le couloir qui pue le tissu humide et les habitudes crasses
Et n’entends plus sur fond de craquements assourdis
Que les rames lentes de la barque
Qui de sa proue mord l’espace vague
– Cadence muette –
Et résigné
Tu baisses le front

Zur Front

Tief atmend, schrill ins Vertikale dann pfeift Im ausgehenden November der Zug Dein Schaudern beim bloßen Hauch von Dampf Alarm Alarm Du ziehst den Kragen hoch Dürftiger Schutz vor der Kälte, die kommt Reibst dir Flugasche aus den Augen Bereits schwarz geworden, die Finger Plötzlich nichts als dichter Nebel Macht sich mürrisch über die Stiefel her Zieht sich am Mantel empor Benimmt dir die Eingeweide Ausharren im Körper, dass sich der Schwaden verzieht Hinter dir Herbsthusten, Tabakhusten, das überlappt sich Rüpelworte, als man sich streitige Taschen durchs Fenster reicht Nichts entgeht dir, wie als wenn – schwarze Gedächtnisnacht – Der Zug fährt an, ist abgefahren Dann auf dem Trittbrett ein Weilchen noch im Wind Umschwemmt als roter Eisschwall Haut und Haar und alles Und die Mechanik singt dazu – barocke Threnodien Schwingungen eines gigantischen Nachtinsekts Du eilst in den Gang – Gestank nasser Kleider, schmutziger Gewohnheiten Vor dem Hintergrund dumpfen Knatterns sind nur noch Zu hören die langsamen Ruder des Bootes Die den Bug ins Vage vorstoßen lassen – Stumme Kadenz – Und resigniert Läßt du die Stirne sinken
Vers le front – E. Detton

Permission / Fronturlaub (nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Permission

On la lui a accordée
Un an ou deux qu’il l’attendait il ne sait plus
Il sent
Dans le froid de la salle où la décision lui a été notifiée
Voix moqueuse d’un officier à un officier
Qu’il va lui falloir s’armer de sang froid
Pour accueillir l’abîme de paix
Qui court sous ses pas au-devant de lui
Un silence mord de partout
En lieu et place des actes hideux
(Combien en a-t-il fait tuer)
Des mots reviennent charmants
Joie caresse tendresse sourires
Il ne leur octroie aucune réalité
Il sait qu’ils existent enclos dans sa mémoire
Il sort de la mairie
Livret en main il descend les marches
Le couchant de novembre lui explose au front
Des larmes inondent le col de la vareuse
Ses pas sur le gravier lui rappellent l’allée de la maison de Mireille
Des soleils vont accourir bientôt plus tard les mimosas – mais il sera déjà reparti
Le stupéfiant fracas de la méditerranée
Attention à ne pas devenir fou
Ah oui il va se raser tout le bas du visage
Glabre propre grave vrai
Il pourra enfin toucher le piano Mireille les livres
Il se voit très gêné muet rougissant quinze jours durant
Jusqu’à ce que
L’antique machine le reprenne
Dans ses mâchoires d’acier de boue de pluie.

Fronturlaub

Und dann bekam er ihn
Zwei Jahre drauf gewartet, er weiß es nicht mehr
Er hört
Im kalten Raum, wo man’s ihm sagte
Den einen Offizier sich lustig machen
Es solle gefälligst aufpassen
Daß ihm der Frieden
Nicht den Boden unter den Füßen entziehe
Rundum beißende Stille
Statt scheußlicher Taten
(Wie viele noch? Die fallen – müssen?)
Und dann Retour charmantes Getue
Freude Tätscheln Schulterklopfen Lächelei
Es kommt ihm wie nicht wirklich vor
Nur, daß es im Gedächtnis haften geblieben
Er verläßt das Rathaus
Wehrpass in der Hand und die Treppe hinab
November-Sonnenuntergang, der auf seiner Stirn explodiert
Tränen auf dem Kragen der Matrosenbluse
Schritte auf Kies wie auf dem Weg zu Mireilles Haus
Sonnenräder werden kommen, später dann Mimosen – aber da ist er wieder fort
Unglaublich dröhnt das Mittelmeer
Pass auf, daß du nicht verrückt wirst
Oh ja, daß er sich rasiert, wird ihm keiner nehmen
Glatt proper gravitätisch wahrhaftig: Er
Endlich das Klavier berühren und Mireille, die Bücher
Und dann zwei Wochen lang verlegen, stumm, das Erröten
Bis die alte Maschine
Ihn wieder aufnimmt
In ihre Stahlbacken inmitten Schlamm und Regen
Permission – E. Detton

Crève-Chœur / Kummerchor (nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Crève-Chœur

Sur le modèle de leurs granges
Les hercules de chez nous dressèrent églises et abbayes
Qu’ils tassèrent au vallon
Pour faire joli et méditer
Pieusement dans l’ombre
Des siècles durant
Leurs paumes chaudes transmirent à la pierre leur amour de la vierge
– Rêvée dès l’enfance auprès d’âtres éclatants –
Tranquille la belle voluptueuse
Sourit longtemps
C’était maman et mon amie mêlées
J’étais l’enfant sur le bras gauche
Protégé par les plis élégants de la Madone
Puis un jour sans prévenir sans pourquoi
De graves brutes ferraillantes se ruèrent sur les blocs savamment agencés
Et cette intelligence monumentale s’en fut au ruisseau
Ça croula dans le flot
Obus mitrailles cris en écho peines inconsolables
Tout fut ligué contre les chœurs ouvragés
Chapiteaux catapultés tympans crevés
Le sourire de l’ange s’ouvrit sur le ciel dépeuplé
Nefs et vitraux sombrèrent
Ce qui éclata dans les cloîtres bascula dans l’outrage cru
Et nous voici aujourd’hui
Interrogeant les ruines dans les après-midis de novembre
Le val est clair mais l’ombre des piliers flous
Dressés dorénavant sur le vide
Chante en mineur les psaumes désaccordés du silence.

Kummerchor

Nach dem Vorbild ihrer Scheunen
Errichteten unsere Kawenzmänner Kirchen und Abteien
Die sie ins Tal stellten
Es hübsch zu machen und zu meditieren
Fromm im Schatten
Der Jahrhunderte während
Ihre Handflächen dem Stein ihre Liebe zur Jungfrau übertrugen
– Erträumt von Kindheit an neben dem Knistern der Kaminfeuer –
Ruhig lächelte die sinnliche Schönheit
Eine lange lange Zeit
In ihr vermischten sich Mutter und Freundin
Ich war das Kind auf dem linken Arm
Im Schutz der eleganten Falten der Madonna
Eines Tages dann – ohne Vorwarnung ohne Grund –
stürzten sich Berserker auf die wohlgefügten Blöcke
Und was Meisterhand erschaffen, fiel in den Bach
Zerbröckelte im Wasserlauf
Granaten Maschinengewehre der Schreie untröstliches Echo
Alles vereinte sich gegen die kunstvollen Chöre
Katapultierte Kapitelle geplatzte Tympana
Das Lächeln des Engels dem entvölkerten Himmel zugewandt
Schiffe versanken und Kirchenfenster
Was in den Kreuzgängen zerbarst, kippte um in wilder Empörung
Und wir heute hier
Befragen die Ruinen an den Nachmittagen im November
Das Tal ist hell, vag nur erheben die Schemen
Der Pfeiler sich über der verbliebenen Leere
Verstimmt gesungene Psalmen der Stille in Moll

Crève-Chœur – E. Detton

Une lettre / Bis dahin (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Une lettre

Solange
Chère femme
Dis aux petits que je marche vers le front de la loterie majeure
Ils comprendront
Ne leur parle pas d’honneur
Ni de sol à défendre
Nos vingt-huit arpents nos trois vaches
Ne valent pas ma vie
Je m’ennuie tant de vous
Lorsqu’aux étoiles se mêlent les fusées éclairantes
Larmes suspendues sanglots au ciel de novembre
Je vois notre passé
Si je tire le gros lot (promis)
Nous irons pique-niquer là-haut
Soyez patients
Il viendra bien le temps de la guerre démodée
Elle dégoûte tellement
Avec ses bottes ses rats sa boue ses effluves folles
Dans cent ans je le jure ils auront nos crimes en horreur
Pour le bébé que tu attends
Attends
Ne l’accouche pas trop tôt
Ce monde ne le mérite pas encore
Quand il viendra (avec la paix)
Il sera le seul ange du temps de grâce très pure
En attendant
J’entends le claquement des culasses
Il est douteux que je t’embrasse un jour prochain.

Bis dahin

Liebe Frau
Sag den Kleinen, ich sei an der Front der Großen Lotterie
Sie werden verstehen
Sag ihnen nichts von Ehre
Nichts von Boden und Verteidigung
Unsere achtundzwanzig Morgen unsere drei Kühe
Sind nicht mein Leben wert
Ich vermisse euch sehr
Wenn Sterne und Fackeln sich vermischen
Hängen Tränen, ein Schluchzen am Novemberhimmel
Ich seh’ unsere Vergangenheit
Wenn ich das große Los ziehe (versprochen)
Machen wir Picknick da oben
Habt Geduld
Irgendwann kommt der Krieg aus der Mode
Nichts als Ekel
Diese Stiefel, diese Ratten, dieser Schlamm und Gestank
Hundert Jahre und sie fassen’s nicht mehr, was wir verbrochen
Auf das Baby, das du erwartest
Warte
Entbinde es nicht zu früh
Die Welt verdient es noch nicht
Wenn es dann kommt (mit dem Frieden)
Wird es sein der einzige Engel in reinster Gnadenzeit
Und während ich warte, knacken die Gewehrverschlüsse
Ob ich dich jemals wieder küssen werde…
Une lettre – E. Detton

Les fiancées d’Hurtebise / Die Bräute (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Les fiancées d’Hurtebise

Quand la brume s’y met
Comme on le dit de la gale et des poux
Des silhouettes vacillantes se pressent en foule au Chemin des Dames
Ce sont les fiancées d’Hurtebise
Qui chaque novembre reviennent maudire leur injustice
Promises
Amoureuses
Amantes
Elles soufflent devant elles leur tempête virginale
Chaque pas qu’elles posent fait trembler la terre
Où reposent à jamais leurs hommes perdus
Elles n’implorent ni dieu ni ciel
Elles avancent au rythme de leur colère
Et gare à celui qui traîne au Chemin
Le voilà bientôt pétrifié de giboulées noires
Englouti par le blizzard de minuit
Des vagues de jeunes femmes se succèdent
Grondent crient hurlent
Où sont nos promis nos amants et leurs corps

La bise mord voracement mes joues
Je me plaque contre le mur du cimetière
Et prie le ciel
Que la tornade m’épargne.

Die Bräute

Wenn der weiße Nebel steiget…
Wunderbar? Nein, wie Krätze und Läuse
Ein Stoßen und Drängeln hebt an auf dem Chemin des Dames
Die Bräute sind’s von Hurtebise
Immer wieder im November, sie fluchen und fluchen
Sie, Verlobte
Sie, Liebende
Sie, Geliebte
Ungewitter, jungfräulich, wirbelt
Aus jedem Schritt, lassen Erde erzittern
Die in ihr liegen, die Männer, ihr war einmal
Flehen weder Gott noch Himmel an
Ihr Schreiten skandiert ein Fuchsteufelswild
Und weh dem, der sich vertrödelt auf dem Chemin
Schwarz gehagelt, von Schloßen erschlagen
Verschluckt vom Mitternachtssturm
Junge Frauen, immer wieder, wie Wellen
Knurren und schreien und heulen
Wo die Verlobten, was Leib uns und Lieb’ ist gewesen?

Unersättlich der beißende Kuß in die Wange
Ich lehne mich gegen die Friedhofsmauer
Sonst bin, in dem Wirbel, ich vollends verloren

Les fiancées d’Hurtebise – E. Detton

Après / Danach (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Après

Après la guerre
Au retour de l’âge d’or donc
Attentif à tes pupilles fenêtres
Je redécouvrirai enfin les espaces de tes rêves blés prairies faîtes et halliers
Éclats bleus éclats blancs
Miroirs graves des étangs
Puis j’écraserai d’un baiser
Chaque volet de tes paupières velours
Pour saluer l’oubli des obus et le repli des fusils
(Leurs consolations je n’en veux pas )
Je veux tes yeux
Vivre à la lumière de ton estime
Etre libre avec toi
Croquer tes joues et à travers tes boucles
Au courant de nos haleines éperdues
Souffler ma peine qui s’éteindra d’un coup
Nous exigerons alors autre chose une autre présence un autre quelqu’un
Un enfant peut-être
Dont le corps très chaud palpitera
Fin réelle des ténèbres
Survie des vies
Qui étaient nôtres si peu.

Danach

Nach dem Krieg
Zurück im goldenen Zeitalter
Mit deinen Augen als Fenster
Deine Träume wieder beschreiten: Weizen- Wiesen- Dickichtsein
Blaue Streifen weiße Streifen
Schwarze Spiegel teichgeboren
Deine samt’nen Lider
Meinen Küssen opfern
Ade Granaten, ade das Laden und Abfeuern der Gewehre
(Wie auch sollte mich das trösten?)
Ich seh’ doch deine Augen
Leben hat Wert dein Licht
Frei sein mit dir
Anliegen an deinen Wangen
Atem, der spielt mit verlorenen Locken
Und meinem Kummer, der plötzlich ausgelöscht sein wird.
Um dann etwas anderes zu wollen, ein anders anderes
Ein Kind vielleicht
Dessen warm pulsierender Körper
Das wahre Ende der Finsternis
Leben Überlebende
Die unsere waren für so kurze Zeit
Après – E. Detton

Un père / Ein Vater (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Un père

Il avait fait cent mille pas
Il avait même tenté de dormir deux cents nuits
Depuis la seconde où il l’avait appris
Mais il était resté sur la place à jamais
Debout
Stupéfait
Granitique
Sourd à l’instant
Aux chants des oiseaux et surtout aux pas des enfants
Aux ris du soleil contre la grille aux gonds secs
L’horloge aurait dû arrêter de carillonner
Quand le maire avait osé dire – neutre féroce grave –
Il est mort ton gars ton soldat
D’autres mots s’étaient bousculés
Héros médaille champ d’honneur
Il avait repoussé le maire des deux mains
Il avait senti qu’’il n’oserait plus dire
Mon fils
Il le revit éclatant de rire dansant sur les labours
S’essayant contre les flaques aux folies bicyclette
C’était fou
Il avait fallu ensuite
Rouler une cigarette acheter le journal boire avec femme et amis
Toutes choses à jamais impossibles impossibles impossibles.

Ein Vater

Er hatte sogar versucht, zweihundert Nächte zu schlafen
Seit der zweiten, da er’s erfahren
Aber er blieb auf dem Platz für immer
Stehen
Benommen
Steinern
Taub geworden
Dem Gesang der Vögel und mehr noch den Schritten der Kinder
Den von der Sonne angestrahlten quietschenden Scharnieren
Die Uhr hätte nicht weiterschlagen dürfen
Als der Bürgermeister zu sagen wagte – sachlich grimmig gewichtig –
Tot ist dein Junge dein Soldat
Andere Wörter drängelten sich vor
Held Medaille Feld der Ehre
Er stieß den Bürgermeister mit beiden Händen von sich
Er spürte, er würde sich nicht mehr trauen zu sagen
Mein Sohn
Er sah ihn wieder lachend und tanzend beim Pflügen
Wie mit dem Fahrrad er Pfützen aufspritzen ließ
Zum damisch werden
Dann dauerte es
Eine Zigarette drehen die Zeitung kaufen ein Glas mit Frau und Freunden
Alles auf immer pas possible pas possible pas possible

Un père – E. Detton

Monument aux Vivants / Denkmal für die Lebenden (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Monument aux Vivants

Au milieu du village sous l’arbre de la liberté
Lisant leurs noms sur le marbre griffé des décennies
Je redoute de lire le mien propre
Mais non dis la voix de Paix c’est fini
Ça bat sous ton pull
A gauche
Ici pourtant sous mes yeux un presque homonyme
Avec sans doute femme ceinturons enfants habitudes marteaux préjugés tournevis pinces coupantes
Et obéissance à la loi et colères justifiées et chansons préférées et messes du dimanche
Habitudes rituels
Je te vois je te nomme je t’appelle
De ma voix fort banale couverte par le raclement des bennes lestées de betteraves
Laissez-moi lire je vous prie
Laissez monter de mes lèvres vivantes
La buée qui se mêle aux brumes de novembre
Chaque syllabe de vos noms évoque un être de sang
Qui vénérait la vie
Moi vivant promis
Il n’y aura pas d’oubli
Toi et toi mes amis
Et parfois miracle l’un d’eux me répond
Même prénom que moi quelle joie
Sa mère son père l’appelèrent comme on le fit de moi et le silence en est allégé
Un vrai dialogue s’installe au goudron de la place
Monument le mot le dit
C’est ce qui reste quand on va tout oublier
Cela demeure je suis là je suis là
Souvenir vivant très présent
Qui reviendra vous saluer tous les jours.

Denkmal für die Lebenden

Mitten im Dorf unterm Friedensbaum
Ihre Namen auf Marmor, an dem Jahrzehnte genagt
Und ein bißchen Angst, meinen eigenen dort zu finden
Aber nein – so die Stimme des Friedens – es ist vorbei
Was da schlägt, schlägt links unter deinem
Pullover
Hier vor meinen Augen ein fast Gleichnamiger
Hatte ganz sicher Frau Gürtel Kinder Gewohnheiten Hämmer Vorurteile Schraubenzieher Kneifzangen
Und Gehorsam dem Gesetz gegenüber, einen gerechten Zorn, Lieblingslieder, Sonntagsmessen
So Gewohnheitsriten
Ich seh’ dich, nenn’ dich, rufe dich
Und meine Alltagsstimme geht unter im Lärm der Anhänger voller Zuckerrüben
Laßt, daß ich lese, laßt, bitte,
Daß aus meinen lebendigen Lippen steige
Der Dunst, der sich vermischt mit Novembernebel
Jede Silbe eurer Namen ein Wesen aus Fleisch und Blut
Das Leben verehrend
Ich, der Lebende, verspreche
Es wird kein Vergessen geben
Du und Du, meine Freunde
Und zuweilen das Wunder einer Antwort eines von ihnen
Der Vorname wie meiner, welche Freude
Seine Mutter, sein Vater nannten ihn, wie mich die meinen nannten, so leicht jetzt die Stille
Daß sich entspinnt ein Zwiegespräch mit dem geteerten Platz
Denk-Mal das Wort, es sagt’s ja schon
Das ist, was bleibt, wenn wir alles vergessen
Das bleibt und ich bin da, bin da
Hier und ungeheuer jetzt Angedenken
Ich komm’ wieder vorbei, Tag für Tag euch zu grüßen

Monument aux Vivants – E. Detton