sylvestre

je t’attendais

je sais bien que tu tournes comme tu peux 

mais là fin décembre

je me demandais 

avec mes 75 ans sur les bras

si tu cesserais enfin de te dérober

à mes yeux à ma peau

et voilà que soudain

triomphant 

tu arroses mes pas donc mes pensées

comme si le printemps déjà avançait son nez rouge

la peur ancestrale vaincue

je tapotais sur la vitre croisée

appelant les oiseaux  à t’enchanter

pour te décrocher de ce lieu du ciel 

où tu t’oblitérais

bon vieux soleil

mon ami d’écriture 

te voilà avec des théories d’ombres douces

tenancier du bar des nuances où l’on rêve

les décombres de l’automne enfin mort

jonchent le sol où tout froisse

nous n’irons plus au déclin

scruter les rougeoiements entre les troncs 

– nos vitraux naturels –

l’oppression lente a cessé de peser

de descendre en décembre

naissant comme à Nazareth

le savoir va s’ouvrir tout neuf

la peine versifiée ne va plus régresser 

le pire sera emporté par avril proche

mélancolie comme brume 

vont lever enfin sous ton éclat 

leur paresse facile

et nos poumons vont exploser de rires

interminables

brins d’hiver

branches nues

la peau du gel leur pèse

sève coincée au pied des troncs 

elles éprouvent les effets de l’an

se souviennent amères

des batailles là-haut entre brindilles

quand la joie les chantait sous le vent

applaudissements bourrasques lointaines

et les voici gourdes

dans la prison du froid

encloses au désamour des feuilles perdues

où est passée la verticale fierté

et ses fouillis sonores

ce ne sont que squelettes qui chuchotent 

patience patience

bientôt reviendra la jeune chair

pincées de lumières flûtées 

retours des boutons 

une douce magie engendrera des pointes rouges 

dès le sylvestre mystère

et allumera prestement les bosquets