Le vol brisé

La tourterelle s’élance de la haie, traverse le havre du jardin caché où trône – toutes larmes dehors – le saule pleureur ; le couchant dore les feuilles un peu mouillées et les fruits bouclés, cheveux d’un autre âge entortillés à loisir ; l’oiseau les effleure doucement, sûr de lui, j’admire le col audacieux qu’on dirait dessiné à la craie et le velours à peine visible des plumes fluides où le cœur de la bête cogne habituellement son chant monocorde, prenant.
Le temps se suspend comme le corps léger de l’oiseau pacifique, rien ne bouge, aucun vent, nul bruit, calme grave des branches paralysées, et de son unique vol la tourterelle dessine une présence ombrée de bleu, c’est un pinceau de maître dans l’éden improvisé de mon jardin secret. Je frissonne ; sa courbe à elle seule est une baie de lumière mouillée, arc en ciel de lois ineffables, douloureuses à force d’être parfaites. L’émotion fait papillonner mes cils, jamais pareille vérité coulant de la source du temps ne me sera plus accordée… son unique courant d’air déplacé ne change rien à l’azur déclinant, mais il est cependant suspendu, immuable, éternel. Comment ce qui tombe peut-il être arrêté ? Comment ce qui vole peut-il…
À l’instant où elle va, sur une branche qui touche terre, poser ses pattes, dans ce mouvement de recul où les ailes accélèrent leur battement vers l’arrière provoquant un sur place magique, hors gravité, le corps se redresse, verticalement offert, fragile, au plus souple de son vol finissant, à cet instant donc un matou se précipite sur elle, l’arrachant au vide de toute sa gueule, du plus grave de ses griffes.
Dans l’encadrement de la fenêtre, serrant la barre de rideau que je suis en train de poser, je saute par l’embrasure, frappe le dos du chat qui s’enfuit en hurlant sous la haie du voisin. Le cœur me bat autant qu’à elle. Je jette la barre, saisis l’amie des deux mains, sans serrer. Les plumes n’ont presque rien, un peu de sang à la patte gauche. Aucun son, la mort effleurée a étendu sa loi à toute la contrée.
Tu comprends, ce n’est pas si simple, ils n’aiment pas ça, ils mordent, tu vois, ils griffent, ils veulent tuer, cela les amuse, ils ont peur de ton plumage parfait et de ton chant, les idiots, qu’ils trouvent monotone, alors que chaque fois est la première, et surtout tu voles, tu comprends, tu voles, et le chat n’est qu’un parmi des milliers qui en veulent à ta perfection entre ciel et terre, tu es un défi, comprends-le, nul n’est parfait, pauvre enfant, reste là-haut dans la géométrie qu’aucune main ne saurait tracer, donne-nous ton modèle, mais ne t’approche plus jamais des branches basses, promets-le.
Elle fait mine de s’envoler, se dégage de mes mains, je la relâche, elle se pose sur les troènes.
Je remonte la barre des double rideaux et depuis lorsque le tissu gris rose frissonne sous le souffle de l’espagnolette, je la vois, je l’entends, ses ailes frémissent, son aventure revient, la vie, presque rien, un peu de sang, ce même sang qui bat là sous le tissu de ma chemise quand, allongé, je rêve près de la croisée d’une perfection à venir.

La loi du voisin

L’orage a laissé des langues de brume ; poumons ouverts, j’aspire l’air souple sur le pas de ma porte qui, sans doute à cause du blindage, semble craquer dans mon dos. Les nuées basses s’attardent sur le clocher masquant presque le coq d’acier et pris par l’envie de le voir sortir tout entier, je me retrouve dans la rue déserte ; même les chats et les oiseaux ont délaissé leurs querelles pour goûter à l’abri des lauriers le calme humide de la tombée du jour. Un gravier grince derrière moi, le crissement vient de loin mais les pas traînants se rapprochent sans précaution et je les reconnais, cet abruti de Baptiste, je vais être obligé de lui dire bonsoir. Non, on ne se parle pas, si, peut-être un bonsoir parce qu’on est seuls, on n’est pas des sauvages… enfin, c’est à voir. Je fais semblant d’ignorer sa présence, je m’éloigne lentement de mon pavillon, je pense à la porte ouverte et je songe que sauf Baptiste, il n’y a personne, non, aucun risque, oui, c’est embêtant quand même, à quoi bon une porte blindée si c’est pour la laisser ouverte etc. Et voilà l’abruti qui me salue dans mon dos, je me retourne, feins l’étonnement, on ne se serre pas la main, lui enchaîne aussitôt, que ça soulage après l’orage, que la foudre a frappé la Duchesse sur les hauteurs, que c’est bien fait pour eux, qu’ils n’ont qu’à payer leurs impôts, que c’est une punition du ciel, que c’est tant mieux, que s’il était le fisc il y a longtemps que… son visage est de pierre, regards fixes de malade. Je demande, voix forcée : Ça ne va pas ? – Ah, si, très bien. J’explique que je ne le savais pas si légaliste… pour tout dire je n’avais jamais entendu le son de sa voix ou à peine et il repart de plus belle, fustigeant l’inertie des pouvoirs publics, la misère du système d’adduction d’eau. Je décroche de ses propos, fixant ses lèvres parlantes qui bougent à peine, et sa calvitie bien avancée, le front dégagé mais curieusement abaissé sur ses yeux noirs, si noirs qu’un frisson me saisit et j’entends sa péroraison répétée deux fois : – Et pourtant je paye mes impôts !
J’étais sorti pour me détendre, les textes du jour m’avaient emporté dans un vaste silence tendu aggravé par l’orage en fusion, le travail avait été lent, frustrant, je n’aspirais à rien d’autre qu’à la fraîcheur et je tombe sur ce granit, cette statue, cet à peine vivant qui clame dans la rue vide : Vous vous rendez compte, voisin, nous sommes les seuls dans le village à payer des impôts. – Comment le savez-vous ? – J’ai mes sources, dit-il en posant l’index sur sa bouche, j’ai mes sources. Pour le plaisir de le bousculer un peu, je lui avoue en souriant que j’ai été victime d’un redressement fiscal. Il me confie dans un souffle que cela n’arrive jamais par hasard, que forcément j’ai été dénoncé. – Pas par vous, quand même, dis-je en forme de boutade. Il ne répond rien, ne rit pas, n’esquisse aucun sourire, tête butée, braquée, féroce. Le doute me prend, je demande en lui effleurant presque la chemise quadrillée comme une prison : – Vous avez déjà dénoncé quelqu’un ? Ses traits ne bougent pas d’un pouce lorsqu’il lance : – Oui, bien sûr, le travail au noir du samedi. Je sors avec mes jumelles, je regarde ce qui se passe et j’appelle les autorités dès que j’ai un soupçon. – Ils doivent vous bénir ! – Qui ? – Les gens que vous dénoncez ! – La loi, cher ami, la loi et elle seule… sinon où va-t-on, je vous le demande, où va-t-on ? Lèvres serrées, il me fixe sans broncher.
La tempête se lève : mon voisin, je le croise tous les jours, mon voisin m’a dénoncé aux impôts, mon voisin est un corbeau à l’affût de l’illégal, les yeux morts de mon voisin, le visage mort de mon voisin, et ma peur soudain, non, la terreur face à ce dingue, une affreuse terreur, les bras me tremblent. Au fait, qu’est-ce qui m’en empêche ? Personne dans la rue. Ah oui, sur mon dos la veste avec laquelle hier j’ai taillé les rosiers, et les gants à gauche, dans la poche, et le sécateur à droite. Nous avons avancé et maintenant je le soutiens un peu sous les bras, il est lourd le bougre, le puits près de l’église, oui, bien sûr. Je laverai le sécateur, les gants, la veste. Demain, ou même ce soir.

– Tu t’es bien baladé ?
– Oui, chérie, j’adore ce calme après l’orage. C’est tellement rafraîchissant.

La leçon de mai

Quelle visiteuse a ainsi changé de fond en comble arbres et pays ? La métamorphose se poursuit si bien que je ne suis plus très sûr si c’était bien le rameau maigrelet dont la faiblesse m’inquiéta cet hiver ; le voici lourd d’éclats rouges, mélancolie stupéfiante des heures fastes où je me dis : voilà ce que tu attendais depuis si longtemps et les toits souriant de tout leur miroir approuvent le chant de leurs plis neufs, découpant sur l’azur (qui s’étire au maximum des horizons) de franches tailles au couteau de lumière. Je dis mélancolie parce que le but est proche, tristesse à nue de la splendeur où chaque brin d’ivraie est une verticale parfaite, bouquets d’herbes et bosquets solidement installés tandis que là-bas les trains grincent dans le vide et que mes contemporains soupèsent vers le soir gains et pertes dans des bureaux climatisés.
Je me demande ce qu’est ce temps qui vibre sur lui-même, alors qu’à l’écoute des chemins de traverse maigres et crevés, je vois que cela croît et continue de croître tout en souplesse. Qu’ai-je à mélancoliser sur le cru du temps ? Es-tu vraiment certain d’être à l’heure de la belle saison ? Je crois que c’est la saturation, le toujours trop de vert qui vire argent puis gris ; parfois, sur fond de sapin, la surprenante bleue vient en robe s’étaler jusqu’à l’orée des blés prenants qui couvent déjà leurs épis, surveillés de près par les coquelicots aux appels pressants ; les coquelicots… leur grâce trop puissante poussait autrefois aux attaques meurtrières, la guerre était au printemps, mais ce n’est plus de mise, et l’on songe à Monet, à mon cœur qui ne bat que pour la saison, le sang est un peu vif et le corps qui suit s’abandonne à la cueillette frivole (au lieu de mourir les armes à la main), comme s’il fallait prendre en charge ces débordements et en alléger la terre un peu folle.
Quand j’observe le ciel déclinant, j’entends des voix éraillées qui déplorent sa vacuité ; mais ne fut-il pas toujours vide ? Le fuite des dieux est notre chance, je n’ai aucun goût au regret, nous allons le remplir , il n’y a vraiment pas là de quoi fouetter un chat, et notre époque est si douce en nos contrées qu’il y a beau temps qu’on ne fouette plus les chats en toute bonne conscience ; tu vois, ce n’est pas un hasard si les dieux viennent refaire un tour, ce miracle de mai, cette mélancolie insinuée, l’absence, le silence, le vide, c’est le revers du trop plein, tu ne t’appuies sur rien et observes avec étonnement la croissance, sans pouvoir répondre au pourquoi. Mais pourquoi y aurait-il un parce que ? L’ébouriffante nature est sans question, elle n’est que réponse, et c’est toi-même qui y dépose le voile funèbre de l’interrogation creuse. Vivre, écrire, c’est chanter la belle et l’aimer comme telle.

La petite de mai

J’aurais pu la photographier, mais le vent tiède à l’arrière-goût très frais et le parfum poivré auraient fait défaut. Je la dépose là en plein soleil, chapeau azur de printemps septentrional, et j’admire sans plus parler son balancement proche des tiges de lilas livrées au noroît qui souhaite belle traversée aux petits esquifs de vie dont elle est la représentante éblouie et drôle. Elle murmure par devers soi mille mots qu’elle n’ose encore prononcer ouvertement et l’on entend sous les appels des mésanges, sous les froissements des limbes fins, un éveil fluide de son pharynx délivré, la langue relâchée de sa longue mémoire de neuf mois. La peau des joues se détache sur le fond des lilas blancs, fruits de l’autre saison posés en l’air sur le velours de son visage étonné si bien que lorsqu’elle sourit en m’apercevant, je croise ses yeux argentés et je suis contraint une seconde de battre des cils pour approuver la joie tranquille où elle s’abandonne, berçant d’avant en arrière son corps encadré du rouge vif de son blouson à fermeture éclair. Il me faut remonter loin dans ma mémoire pour retrouver cet instant de douceur totale, d’abandon presque douloureux à la musique croissante de mai, nostalgie d’un temps où j’ai vécu la même scène, et pourtant différente, avec sa mère, son oncle, sa tante, lorsque je les posais pareillement au milieu des pâquerettes et renoncules, histoire de peser dans l’air le poids de la responsabilité fabuleuse qui m’était échue en leur faveur.
Qu’il n’y ait pas de dieu, que l’univers soit indifférent, tout était balayé et tout l’est vraiment non parce que je suis fort mais parce que cet être frêle au jardin des délices fait craquer la coquille dans laquelle notre moi s’enkyste fatalement et rien n’est plus dynamisant que la vie tendre de la petite où le sucre des dermes, le sien le mien, respirent ensemble dans une vapeur de syllabes complices où je ne suis qu’encouragement, suspendu à sa voix incompréhensible aux mortels mais tellement évidente dès qu’on se jette dans la suspension du temps où tout est en place pour la paix intérieure, prière laïque qui répond à l’ensemble des questions que l’on se pose ailleurs à d’autres moments.
Même lorsque la petite feint de se taire, les hirondelles, les merles, et les bruissements de vagues des hauts thuyas oubliés arrosent le silence relatif de leurs présences intermittentes où je n’entends en réalité qu’une vibration tendre que la chaleur nouvelle s’obstine à couver au creux de ce jardin caché. La petite est si sûre d’elle qu’elle saisit ce qui passe à sa portée et même si je lui ôte de la bouche fleurs et brins, la pâquerette au coin des lèvres lui reste un bref instant, la langue et la nature se mêlent l’une l’autre, antique affaire des mots et des fleurs qu’elle ravive avec une candeur de très haute volée. C’est alors que je recompte mes années, puis la couvant du regard je lui dis d’une voix aussi grave que possible : « C’est vrai, petite, que pour toi c’est le premier printemps ! »

Eloge du supermarché

Ça souffle : « Ah là là ! », un grognement, grincement de tôle puis la portière claque, le moteur vrombit et la tête bouclée s’enfuit, silhouette entraperçue, elle a fini ses courses et je demeure là, attentif aux nuages que la voiture traîne à sa suite. J’ai encore sa plainte à l’oreille, je la connais par cœur, les parkings de supermarchés résonnent chaque jour ouvrable de ce gémissement.
Au fait, de quoi se plaint-on ?
De tout temps, l’humanité a rêvé de manger à sa faim. Les désastres agricoles, les famines n’ont jamais cessé et s’il fallait faire l’histoire de l’homme du commun, de l’autre ou de moi, il y a deux cents ans ou deux mille ans, je n’évoquerais naturellement pas la révolution – cet intermède agité entre la royauté et l’empire – , ni l’empire romain, mais une majorité de gens arrimés à la terre avec pour seule visée : se nourrir. Le passé est empli du caquetage des poules et du raclement des socs de charrue tirés par des bœufs ou des chevaux à la peine. Le reste, les rois, les guerres, ce sont de pauvres faits bien maigres voire ridicules – les colères de Napoléon, non mais franchement ! – enfin tout un bagage scolaire bien encombrant et à peu près aussi faux que les amours contrariées de Junon et Jupiter. On sait seulement qu’il y eut des massacres à foison.
Non, la vraie tâche, c’est de trouver de quoi manger et plusieurs fois par jour et ce fut donc l’obsession majeure de l’histoire des humains. On la trouve parfois au détour des bons livres ou des tableaux fabuleux mais maintenant que chacun dans nos contrées mange à sa faim, on fait semble-t-il l’impasse sur ces cris qui montent de tous les temps et qui hurlent à la faim.
Le supermarché est l’accomplissement de ce rêve ancestral. On pointe à juste raison les miséreux qui chez nous ne peuvent se nourrir, mais l’immense majorité se gare au parking, remplit son caddie, paye, décharge le caddie, et monte dans sa voiture en maudissant cette nécessité. Le pays de cocagne est devenu corvée.
C’est très plaisant, même si je plains beaucoup mes contemporains d’éprouver pareille lassitude enfantine, car ce soupir dirigé contre la corvée est de toute évidence une absence de regard sur notre condition présente. Le supermarché, il est vrai, est le degré zéro de la vie de l’esprit ; c’est sans doute pour cela qu’il me plaît tant. La musique balancée comme on devine – le battement de cœur, systole diastole est le dernier rythme possible – , et cette invraisemblable profusion d’objets à dévorer : difficile de faire plus prosaïque, plus parlant à nos désirs élémentaires, tout est flatterie, clinquant, salivant, attirant et médusant. Le marketing inventé par le neveu de Freud (E. Bernays) me tire par la manche de tous côtés ; pas un pas sans que je sois happé, débordé par la pulsion première, celle de la dévoration possible. Mon choix est induit, je perds toute liberté et ce sentiment de nullité ballottée m’enchante de sa vide ironie ; parfois, au rebours de ce propos, je surprends un sourire gourmand aux lèvres d’une cliente, d’un acheteur, comme s’il y avait quelque gloire à être là, à user de son pouvoir d’achat, comme un prince, comme un roi.
Je me souviens que Louis XIV avait pour plaisir favori de boire un chocolat le matin ; c’était alors un signe de gloire, de puissance absolue, de goûter ce breuvage rare et exquis ; et face au rayon des chocolats d’aujourd’hui, je l’imagine en riant, le visage écœuré, dégoûté de constater que son délicieux plaisir est livré en mille variantes au tout venant de la plèbe dont je me sens membre à part entière.
Je pousse le caddie vers la sortie, vide les courses dans le coffre, récupère ma pièce et repart le cœur content (!) en slalomant lentement au milieu des allées encombrées de clients affairés et funèbres. Je quitte le lieu comme on tourne le dos au cimetière : le rêve de bien se nourrir qui fit l’aventure des hommes et qui se trouve réalisé, vire à l’aigre. Est-ce le sort de tous les rêves ?

parler

la mine qui creuse ces paroles
n’est en rien cavalière
ni emphatique
elle essaie avec calme et joie
de repousser le temps
sur les marges
et rien ne me plaît tant cher ange
que cette lutte discrète
pour l’emplir
car la liberté grande qui m’anime
pourrait bien me perdre
dans son désert
chaque pas que je fais en progrès
alimente l’envie de parler
plus encore
cher ange perdu au printemps
je te retrouve entouré
de parfums
puisque tu es là souhaite-moi
parole et bon vent
le chant à venir
la mesure et la loi que je porte
sont garants que ce temps
passé à écrire
sont en ta compagnie la lumière
issue de solitude
bienheureuse
pousse avec moi de tes ailes le blanc
qui à chaque pas
me fait trébucher
ajoute à mes efforts concentrés
l’énergie favorable
à ma main
la vie est là aussi au bout du style
qui creuse et impose
une parole

marelle

le silence emplit la cour
je marche sur le gravier
pendant que des corbeaux
froids s’abattent aux confins
des parois de béton
et l’on entend la voix
de craie des maîtres gris
qui crisse de savoir sec

l’appel de quelque chose
d’autre marque sautée
cascade dans ma cervelle
les univers se troublent
je rêve de fondre sur place
comme on se jette à la rivière
l’amour n’ouvre sur le tangible
que quand on joue à la marelle

ciel et terre sur l’asphalte
éveillent un rêve stimulant
galets et danses habiles
animent de vrais faux-pas
où l’on joue sur le langage
des avenirs d’acier trempé
et les voix enfin chantonnent
des issues contre l’abandon

Quiétude

Il est des pauses en début d’après-midi de mai qui suspendent et le temps et le vent cependant que parvient par la croisée ouverte le parfum des bouffants chèvrefeuilles qui là-bas s’entassent tranquilles sur des grillages de fortune, murmures de jaunes plus que pâles accrochés aux limbes gris dans l’ombre des toits stridents, et le calme s’avance sur des pizzicati de cordes que j’entends très pointues tandis qu’un vieux hautbois souffle en majeur la mélodie hors temps que la mémoire suggère pour ouvrir l’espace encore et je me dis que le jardin à portée de main donne à écouter plutôt un cor anglais, plus grave, plus terreux, héritier des immenses friches qui furent autrefois décorée de moulins naïfs et guindés, à deux pas de l’endroit « où s’épousent les chênes et les peupliers d’argent ».
Tiens, c’est le Hölderlin de « En souvenir de » qui me retrouve au plein de cette quiétude et je sens que l’esprit s’élargit, il parle dans le poème d’un voyage vers les Indes, c’est bizarre, je ne m’attendais pas à le retrouver ici, cher ami, le cher ami qui chante au bord de la Garonne, près de Bordeaux, qu’il orthographie Bourdeaux ; si la quiétude me suggère cette rêverie c’est que le poète voit le monde de très haut – il s’agit sans doute du bec d’Ambès – et qu’il voit surtout très loin. Or, il ne bouge pas et son rêve s’élargit encore pour se clore sur une pointe connue que l’on se murmure souvent entre amis, comme une formule magique ; mais je préfère citer la dernière strophe en entier, espérant qu’on y entendra ce qu’il y a de plus beau :
« Mais les hommes sont maintenant
Partis chez les Indiens,
Là-bas par la pointe venteuse,
Au long des vignes, là
Où la Dordogne descend,
Où se conjugue, ample comme la mer,
À la Garonne magnifique
Le fleuve, et part. Mais la mer
Prend et donne la mémoire,
Et l’amour aussi attache assidûment les yeux,
Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure. »

La noblesse et l’angoisse

Quoi de plus comique que la noblesse ? Des siècles durant, des femmes et des hommes se sont crus d’une nature supérieure : sang bleu, générations successives, héritages divers en formaient les attributs. La particule « de » qui rattache à une terre – le moindre « fossé bourbeux » (Molière) faisant l’affaire – on était plus grand, plus fort, enfin on possédait en plus ce rien indéfinissable qui coulait dans les veines. Cela donnait droit à des pensions, un château ou un manoir, on appliquait à ce hasard des vertus morales et il a fallu attendre le XVIIIème siècle pour que l’on commence à remettre en cause cette immense absurdité du « bien né ».
C’est un rêve d’enfant : tout enfant se croit fils de roi et Proust nous décrit longuement la rapide déchéance de ces rêves risibles tout en observant avec acuité les préjugés de cette noblesse défaite de justifications rationnelles. Plus c’est absurde plus c’est puissant. Adossée au vide, la noblesse s’effondre sous les coups de boutoir du premier conflit mondial. On se demande cependant avec perplexité comment de pareilles stupidités ont pu être colportées si longtemps dans les populations de nos pays.
C’est qu’il faut à l’être humain ces grandes figures qu’il a côtoyées dans l’enfance ; les adultes ont tous les droits, ils forment la principale préoccupation des petits : les adultes habillent les rêves des petits d’une grandeur réelle, hautes ombres dominantes et qui rassurent, permettant à l’enfant de dormir en toute quiétude. Mais le petit une fois adulte et formé par cette dépendance ne peut accéder à lui-même sans se défaire de cette emprise rêvée, ce qu’il a bien du mal à faire lorsqu’il n’a joui d’aucune éducation digne de ce nom, et son imaginaire habité de grandeur ne peut finalement qu’approuver un monde dans lequel la noblesse domine. Tous les textes libérateurs de Voltaire, de Rousseau, de Kant et de tant d’autres consistent à éduquer l’esprit, à lui faire toucher la peur d’être libre et à le défaire de cette angoisse inutile.
La noblesse et l’ignorance – couple infernal qui permit la transmission des pires préjugés – ont été vaincues par l’éducation : celle-ci n’est rien d’autre qu’une lente sortie de l’enfance où la raison vient mettre un peu d’ordre dans les délires puérils de nos rêves ancestraux. En cette période de crise civilisationnelle, quoi de plus important que de rappeler cette évidence : l’éducation est sortie de l’imaginaire naïf, elle peut se faire dans la douceur persuasive et a un rôle capital à jouer. Enseigner est alors un métier à nul autre pareil, le plus important sans doute puisqu’il remplace l’angoisse de vivre sous la domination par la liberté de l’esprit.

Kafka, Le Château et nous

Il n’aime pas la métaphore et écrit, dans le silence neigeux du village où l’on s’efforce de le guérir de ses difficultés respiratoires qu’il sait fatales, l’histoire d’un homme à peine nommé (la lettre K est figuration d’un être dont bras et jambes arpentent et désignent le vide) qui veut trouver sa place puisqu’il a été appelé au village en qualité d’arpenteur : il ne sème que troubles et confusions diverses – l’arpenteur est agent d’un remembrement probable, ce qui dans une société rurale est l’équivalent d’une révolution.
Si je ferme les yeux, si je songe à ma propre vie, puis aux images suscitées dans ma mémoire – réussites, hontes, rebuffades – et que je leur accole celles qui sont décrites dans le roman au cours de conversations interminables,  je constate avec étonnement que la superposition joue à plein, jointement de mon réel vécu et des scènes contées dans la fiction. Je ne force pas le trait : les situations sont certes dissemblables, mais le fond de l’affaire correspond en tous points à ce que j’ai éprouvé durant toute ma vie provisoire… Provisoire, voilà bien par exemple la sensation que j’agite en moi lorsque je songe à mon existence, de même que j’ai toujours cru à la réalité d’un château. Je vais tenter d’être clair à propos de ce fameux château : tout enfant rêve d’être fils de roi, château, tout jeune homme espère que la vie le comblera, château, tout homme exige que le monde le reconnaisse tel qu’il est, K. et le château, tout citoyen a été pris dans les rets d’une administration aveugle contre laquelle il a tempêté, château encore, château toujours. (La quasi-totalité des villes et des villages de nos contrées sont dominées par un château ou les ruines d’un ancien bâtiment qui fut le lieu du pouvoir.) Or, nous savons bien que nous ne saurons jamais ce qu’il est advenu de nos rêves, de la grandeur espérée, de même que nous ne saurons jamais si ON nous a admis tels que nous sommes : le château de Kafka n’est pas une métaphore mais un mot qui regroupe tous ces rêves incertains. On notera que « bâtir des châteaux en Espagne » (ce que nous avons pu rêver… c’est incroyable !) se dit dans la langue du texte : « Luftschlösser bauen », mot-à-mot : construire des châteaux en l’air, or, c’est exactement ainsi que K. voit le château et c’est ainsi que le conteur nous le présente. Le héros, K., est un SDF qui ne cherche pas seulement à exercer un métier, il exige qu’on le reconnaisse officiellement : qui n’a rêvé d’être pris pour ce qu’il est réellement, non pas un rôle social seulement, un rouage parmi d’autres, mais un être humain qui devient ce qu’il est dans toutes ses dimensions ?
K. étouffe. Kafka aussi, physiquement c’est sa maladie, mais aussi dans le monde qui l’entoure. Aller au château (qui est le désir central du récit), c’est chercher une justification à sa vie, et je sais bien que cette recherche n’a pas de fin, que tant que je respirerai cette quête sera à la fois interminable et vaine. D’où le caractère fragmentaire de l’œuvre, sa non fin qui est la vraie fin de notre existence. Max Brod, l’exécuteur testamentaire et ami de l’écrivain, nous révèle dans une postface ce que Kafka avait envisagé comme fin possible : K. meurt et tandis  que les habitants du village se rassemblent autour de lui, un ordre du château parvient trop tard pour reconnaître l’existence de l’arpenteur. Ironie de toute existence, où tout advient trop tard, comme pour l’homme de la campagne dans la parabole : « Devant la loi ».
Reste le château, notre vrai moteur, forcément imaginaire, et dont Kafka ne fait pas la critique loin de là puisque c’est notre condition, château autour duquel volent des choucas, dont le nom tchèque est Kafka… et lorsque des corbeaux s’abattent dans mon jardin, je souris en pensant au récit de Kafka, comme s’il venait me rejoindre un instant dans le petit silence de mon impasse.

parfums

aller au bois c’est fouler des parfums
je sais bien les nuances mais l’œil est écart
alors que le miel poivré des chèvrefeuilles
rend grâce à notre corps qu’il embaume
impalpable comme le temps mais plus proche

le pas le sait avant que je le veuille
et le gris des halliers ne vaut pas la fragrance
alors que le ciel moiré s’ouvre entre les feuilles
il est une trace qu’on inspire sous le dôme
sur la table du vent où l’on progresse

vivre au bas du vallon d’une avance mouillée
que rien ne gâte est une danse de la peau
alors que le fiel des soirées où seul sur le seuil
je songe sur la place qui dort sous les aulnes
déjà faible souvenir auquel je m’accroche

il n’est de foi qu’à la houle sans fin
et rien ne pense que les odeurs rares
alors que l’appel soigné du bouvreuil
lève un silence encore face à la somme
incalculable des ententes qui s’approchent

la loi des roulements qu’on cueille
au creux des mains vient et repart
alors qu’elle et lui s’empoignent dans l’accueil
franches présences où dans la nuit se frôlent
des doigts amples au vent des porches

instants

l’éclat crème de la croisée close
suggère un chant si banal et droit
que la tension de la peau qui me tenait
s’efface laissant place à des pas
ponctuant les secondes velours et joie

plus de glas même au loisir ouvert
où j’erre passant le chenal du jour
voici que l’action découvre le beau et que naît
sur cette place un sens que je n’attendais pas
situant ma ronde du jour dans la loi

le la du thème se défroisse et j’ose
penser que la terre s’installe à son tour
dans la révolution du beau là sur la haie
où la glace mordait avant que le froid
et l’an fondent pour s’enfouir ici ou là

l’aplat des ciels se creuse et pose
sur l’air un franc et calme émoi
où la passion très tôt renaît au vrai
grâce aux instants où l’on s’embrasse en joie
remuant les atours du bout des doigts

l’éclat des mêmes pensées roses
allège le temps souvent pâle et froid
si bien que la maison des os qu’enchaînait
l’acide des ans se tasse et se tait loin de moi
n’inquiétant plus ni ce jour ni ma joie

Gifles, fessées et autres tortures

Lorsque le fort mésuse de sa puissance sur le faible on le qualifie à juste raison de lâche. Il en profite… et l’on s’indigne et l’on se demande comment une pareille chose est possible dans une société policée. Battu comme plâtre pendant mes dix-huit premières années, je sais qu’il n’y a guère d’action plus destructrice pour un enfant que de le battre ; les parents qui le pratiquent souvent ou de temps en temps ne considèrent que leur propre colère et ne voient pas la destruction profonde qu’ils provoquent chez l’enfant. Je ne me référerai pas aux psys et autres –logues, pour eux c’est l’évidence ; pour demeurer optimiste je citerai René Char (Les Matinaux p.58) où « L’adolescent souffleté », malgré les coups, se retrouve à la fin engagé dans une voie possible ; s’il s’éveillait malgré tout « il se tiendrait droit et attentif parmi les hommes, à la fois plus vulnérable et plus fort ». Je ne connais aucun texte qui soit plus émouvant et précis dans sa description du processus de récupération de soi après les coups. Il n’en demeure pas moins que battre un enfant est un crime impardonnable qui dans un ou deux siècles apparaîtra comme une ignominie stupéfiante, un moyen-âge de carte postale où les parents étaient de sombres brutes.
J’entends la superbe de la doxa, ce visage bonhomme ou bonne femme, gras et plein d’assurance qui, souriant, vient vous dire avec aplomb qu’une bonne gifle ou une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne. Ils évoquent ce faisant leur propre expérience d’imbécile superbe qui fut parfois châtié jadis et dont ils prétendent qu’ils n’en ont gardé aucun traumatisme : que ne voient-ils dans ces coups les prodromes de leur propre bêtise prudhommesque et les stigmates de leur suffisante insuffisance ! S’ils prêtaient l’oreille – c’est leur supposer une attention à l’autre qui justement leur fait défaut et les amène à cogner sur les petits – s’ils écoutaient, ils entendraient les remuements des coups qu’ils reçurent, les insomnies et terreurs qui furent engendrés par les ridicules engendreurs.
Les coups marquent pour la vie et de manière si profonde qu’il est difficile d’y être attentif, une fois l’enfance terrible écoulée. On refoule, on ne tient pas à y resonger et il faut bien des années et des recherches intérieures pour s’avouer à soi-même : eh oui, j’ai été un enfant battu. La plupart du temps, une fois adulte, celui qui fut un enfant battu et qui se souvient vaguement l’avoir été relativise (« oui, oh, un peu de temps en temps, mais c’est une broutille ») et trouve mille excuses à ses parents de ce comportement ignoble. Il le répète d’ailleurs avec ses propres enfants, c’est bien connu, mais surtout, il cache à sa conscience la terreur subie quotidiennement. Je sais que les parents ont mille « bonnes » raisons pour le faire : situation sociale dégradée où l’enfant est le seul lieu possible de vengeance pour les humiliations subies au quotidien, frustrations économiques et autres « bons » motifs du genre : leurs propres parents les battaient etc. Il n’empêche : le mammifère humain est parmi les êtres vivants celui qui met le plus de temps à devenir adulte et il a besoin durant ses dix huit ans de maturation de l’inverse exact que je résumerai en peu de mots : amour, amour, amour. Plus on donnera de tendresse plus –comme une plante qu’on arrose régulièrement – la croissance sera aisée et la vie adulte ouverte au maximum du bonheur possible. Les coups sont dans ce cadre des cicatrices ineffaçables, des blessures inexcusables, des manquements absurdes au plus élémentaire respect de l’autre (l’enfant).
On s’inquiète à juste titre des femmes battues (voir ma pièce « Des Illusions, Désillusions »), mais qui ne voit dans cet acte monstrueux la suite des coups vécus dans l’enfance ? Ce qui vaut pour les femmes vaut pour les enfants. Rien ne justifie cette barbarie et on peut gager que si un jour les coups envers les petits venaient à être éradiqués, les êtres humains vivraient dans une plus grande harmonie. Car le respect dû aux enfants apprendrait aux adultes que l’autre en général est digne comme soi-même d’être respecté. Mais le parent violent justement ne se respecte pas lui-même, tout est là, et s’il se voyait faire (ce qui est le minimum que l’on attend d’un être humain) il prendrait conscience de l’absurdité criminelle de sa brutalité.
Pour en finir provisoirement je reproduirai ce passage éloquent de Montaigne (Livre II, XXXI) :
« Entre autres choses, combien m’a-t-il pris envie, passant par nos rues, de dresser une farce, pour venger des garçonnets que je voyais écorcher, assommer et meurtrir par quelque père ou mère furieux et forcenés de colère ! Vous leur voyez sortir le feu et la rage des yeux… et avec une voix tranchante et éclatante, souvent contre qui ne fait que sortir de nourrice. Et puis les voilà estropiés, étourdis de coups ; et notre justice qui n’en fait compte, comme si ces boiteries et claudications n’étaient pas des membres de notre chose publique.
Il n’est passion qui ébranle tant la sincérité des jugements que la colère. Aucun ne ferait doute de punir de mort le juge, qui, par colère, aurait condamné son criminel ; pourquoi est-il  alors permis aux pères et aux maîtres d’école de fouetter les enfants et les châtier étant en colère ? Ce n’est plus correction, c’est vengeance. Le châtiment tient lieu de médecine aux enfants : et souffririons-nous un médecin qui fût animé et courroucé contre son patient ? »
Je suis naturellement en faveur d’une loi qui réprime de tels agissements. Le privé ne justifie pas tout et rien n’est plus urgent que de mettre un terme définitif à ces cruelles perversions encore admises dans nos contrées qui se prétendent civilisées.

La lettre à “Son”

Le petit devenu grand, croissance heureuse, éclate de rire dans ma mémoire, enfant aux mille jeux abreuvé de mille contes, hanté par la joie qui lui brille aux yeux lui donnant une force ravageuse qui suscite l’amitié spontanée ; il glisse sur l’océan du temps, ne marche dans aucune combine sociale qui pourrait le normaliser, vit à Londres, la ville aux cent peuples, skater, il flotte au-dessus du plancher des vaches, refuse de traîner les pieds, court pour dépasser le temps afin de s’en rendre maître.
Et te voici trentenaire ; avec toi cependant rien n’est jamais triste, les déconvenues même prennent des allures de soulagement, tu es d’une indifférence magnanime envers tes propres petits déboires, un haussement d’épaules suffit, surtout ton rire, ton sourire qui attire l’autre et dans le même temps l’inquiète, car en ce temps de gueules d’enterrement tu fais figure d’original, alors qu’au contraire tu es nature, frais, empressé vers l’autre qui n’en demandait pas tant, en bref, lorsque tu es dérangeant c’est là où tu es le plus toi-même et pourtant il te suffit de paraître pour que ton éclat s’impose, grandeur et modestie mêlées. Tu es solaire.
Je sais pourquoi : tu as été élevé avec la plus grande liberté, l’indépendance d’esprit a vite été ton empreinte et nous avons tenté – tout en rappelant constamment la loi – de t’ouvrir au maximum sur le langage et la joie de vivre ; nous n’avons jamais donné raison à tes incartades contre le monde, mais en secret – et tu le savais – nous te comprenions parfaitement. Et puisqu’il est question de révolte, le père que je suis, ton père, s’étonne en toute ironie de n’avoir jamais connu la fameuse révolte du fils contre le père ; il y a là un manque qui m’amuse car enfin tous les ouvrages sérieux de la doxa présentent cette hostilité comme nécessaire. Mon amour pour toi enfant, s’est vite mué en admiration devant ton insatiable curiosité et ton refus systématique des normes ; courber la tête, ça jamais, et c’est ainsi que nous avons franchi avec toi tes dix-huit premières années ; le nuage d’amour qui t’entourait de toutes parts est devenu confiance ; nous t’avons fait confiance, une confiance aveugle, totale, et tu nous as rendu au centuple ce don accordé de plein gré.
Te voilà un homme, un adulte au plein sens du terme, responsable, devenu ce que tu es, nullement contraint par les obligations du quotidien et si je pouvais te donner quelques conseils – mais en matière de bonheur ce serait plutôt à toi de m’en donner – je dirais ceci : continue de donner, garde ta fraîcheur, use et abuse de ton rayonnement, ne renonce jamais à chercher le bonheur et moque-toi du reste. Que ton rire submerge ceux que tu côtoies partout où tu passes et garde tes distances avec le monde qui nous tire vers le bas, le commun, le prêt-à-vivre. Ta puissance qui n’écrase pas est ton plus bel atout, reste ouvert et confiant, sois toi-même toujours, cher Son…