un pétale

la consolation est du côté des fleurs

des doigts giroflées aux effluves légères

car dès qu’il gèle

l’air se fait minéral et novembre désole

où prend-on alors en hiver

ce minimum fragile

un pétale

qui rassure de nous ressembler

vieille affaire du trop doux

joues caresses cheveux morsures

et la tendresse joie d’être un moment épargné par la faux

et les bruits crevants du vrai

tu as vu le carrosse des années

ce désastre

sans l’espoir d’une éclosion renouvelée

je me sens ce novembre 

interdit de chant de souffle

et de peau sans cesse effleurée

un pétale dit-elle soudain

un pétale est un autel pour la rosée

car la peur de vivre au printemps fait sourire

et la brume d’avril

déposera bientôt l’aube mouillée au creux du velours

vermillon

Des cornes et des bœufs (la cathédrale de Laon)

Il y a quelques années, le vent avait fini par user les pointes des cornes, des morceaux tombés menaçaient les passants à tout moment. Les “moines” du patrimoine ont alors décidé de remplacer ces pièces fragiles (quoi de plus fragile qu’une corne de pierre en haut d’une cathédrale orientée à l’ouest au haut du mufle de bœufs massifs?), attentifs à restituer la nature exacte de ces animaux (on aurait pu les prendre pour des chiens), pensèrent à juste raison qu’il fallait par conséquent remplacer les cornes envolées. Je les imagine perplexes, ergotant et navrés, devant les photographies des bœufs qui n’avaient plus figure humaine. Il fallut bien constater que c’étaient les cornes qui faisaient croire à la “réalité” des bœufs; il n’y eut alors rien de plus urgent que de restaurer ces points d’interrogation tournés vers le ciel. La cathédrale aux bœufs sans le signe des bœufs, les cornes, se faisait pauvrette; les touristes allaient crier à l’escroquerie. Où étaient les bœufs promis par le guide ? La diablerie était de taille. Certains protecteurs du patrimoine songèrent sans doute à en refaire en pierre; on les cimenterait avec des colles dont on use dans les cuisines pour faire des joints, le silicone contre le vent d’ouest, ça tiendrait
Toutes ces difficultés que je viens d’inventer ont été réglées avec élégance: on leur a mis des cornes en plastique qui imitent les anciennes, comme on coiffait autrefois les ânes à l’école . Tout est bien. De loin le passant, admiratif de l’édifice du XIIème siècle, songe que vraiment à l’époque les statues c’était du solide.
(Tout dans cette fiction n’a pas été inventé).

Brassens et le désaccord parfait

Que veut ce livre miroitant de chapitres aux titres simplissimes: la parole; le désaccord, etc. auxquels s’ajoute une analyse des chansons, musique comprise? On peut prétendre qu’il révèle quelque secret, mais les amateurs ne s’en laisseront pas compter, ils veulent voir. Alors, l’ouvrant , tout soudain surgit un Brassens connu inconnu; on s’aperçoit qu’on avait en mémoire les chansons qu’on faisait rouler étourdiment à la demande mais qu’on ne s’était jamais arrêté aux syllabes ni aux notes. On avait oublié qu’il était un penseur profond et que sa langue et que sa voix étaient un détour formidable pour comprendre notre présence au monde, notre monde, et que tout compte fait son village était le petit quartier bien asphalté que nous avions en tête . Grâce à ce livre, le trop connu se révèle au plus proche du compositeur chanteur. La lumière de ses chansons voilait  sous sa brume séduisante autre chose d’encore plus attachant. 

Raymond Prunier

Brassens ou le désaccord parfait 

Ed. Mille sources 2022

Pour toute commande: gilbert.beaubatie@gmail.com

ou 05 55 26 27 77

25 € + 3 € de port

Brassens et le rêve

Loin des biographies ce livre est fait pour rêver. Pour rêver comme Brassens le fit pour nous. On rêve autour de sa voix de son allure de ses décalages, puis à la fin on a droit à des commentaires des chansons musique comprise. Tout cela compose un ravissant bouquet dont le parfum, vapeur joyeuse, nous explique ce dont on se doutait sans pouvoir toujours trouver les mots pour le dire. Car cet ouvrage ce sont des mots qui à leur manière s’élèvent aussi à l’unisson du grand auteur compositeur irremplaçable. Le pourquoi du comment de cette magie nous est restitué avec précision et poésie.

Raymond Prunier

Brassens ou le désaccord parfait 

Ed. Mille sources 2022

Pour toute commande: gilbert.beaubatie@gmail.com

ou 05 55 26 27 77

25 € + 3 € de port

Brassens et la grâce (pour un livre délicat sur Brassens)

Bien malin qui nous dira le sens du monde. Même Brassens, surtout le modeste Brassens, serait bien peu capable de le délivrer aux grands distraits que nous sommes demeurés. En deçà de la mort, nous allons étourdiment, croyant  avoir déniché ce fameux sens, alors que les grands absents du passé n’ont fourni à nos inquiétudes que des pis allers.

“Brassens ou le désaccord parfait”, pas plus que les autres livres ne donne une réponse qui satisfasse notre demande de grâce. Et pourtant. La prose musicale de cet ouvrage rôde au plus près des enchantements du maître, par ailleurs si peu maître avoué. 

Ce livre sur Brassens est un dialogue par musique et paroles interposées pour chanter et dire, non le sens, mais la musique du monde. Car si Brassens avait placé sa guitare entre lui et nous c’était pour faire résonner à distance  cette musique qui nous reste; ce sont des musiques parlées, des paroles chantées, des chansons donc, si l’on veut bien garder le sens fort que le moyen-âge accorda à ces productions si touchantes, tellement humaines… et ce n’est pas mon voisin qui me démentirait (Guillaume de Machaut 1300-1377) lui qui fonda la chanson et la musique française tout à la fois.

Brassens a de qui tenir !

L’objectif de cet ouvrage est ainsi de nommer ces airs, de les suivre un à un en les chantant avec Brassens dans un accord désaccord qui se veut parfait et qui l’est bien souvent. 

Raymond Prunier

Brassens ou le désaccord parfait 

Ed. Mille sources 2022

Pour toute commande: gilbert.beaubatie@gmail.com

ou 05 55 26 27 77

25 € + 3 € de port

petits poèmes d’automne 4

la veilleuse vacille

au fil du temps 

au gré du vent 

ironique elle faiblit avec les ans 

mais elle tient

brûle rouge encore

je chéris aussi ses ocres

qu’elle emprunte aux feuilles mortes

brune lampe écarlate tremblante

tu dois tenir encore lui dis-je

saison n’est pas raison

l’ocre de ta base

doit encore supporter mon fragile battant

les éclats sur ma main

sont tavelures qui témoignent des écrits

se disputant ma peau

je souris de les voir se pousser

jusqu’au bord de ces ongles

qui faisaient crisser mes draps

or curieusement

alors que j’approche du but 

je dors tranquille

la veilleuse est allumée

petit poème d’automne 3

33

la glace lance ses premières arias

les sournois courants d’octobre

s’en vont mordre les omoplates 

suivront rhumes pâles  et longs frissons surprises

puis la voix s’enrouera sur la route d’hiver

les pulls ne suffiront bientôt plus

contre les bises jalouses

c’est ainsi qu’elles encombreront

de leur souffle d’acier

nos fragiles cordes vocales

qui voulaient trop chanter le retour du givre

sans fin

et je m’en vais garder
paumes serrées
l’eau petite et comptée
quelques gouttes à peine
cueillies sur les fleurs en corolles
tu plonges dans mes mains
j’aime ta peau dis-tu
(le soleil cogne dur
fenêtre sur le vide)

l’été décidément
c’est l’attente d’un drame
or à noircir ce temps cru
nos ombres je crois vont s’effacer
je compte sur mes doigts
les années décennies
le corps fut à peine chanté
la peau est devenue friable
et la vie intouchable

je sens tes joues
contre mes phalanges mouillées
je voulais te sculpter
et c’est moi que j’évide
ces mots sont les notes risquées
qui sèmeront contre le temps
des germes d’engendrement
sorte de lutte finale
qui n’en finit jamais

(paru en juin 2019 ici même, ce poème me revient dans toute son étrangeté)

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