croque le jour 26

l’obscur chemin de la joie souviens t’en

serpenta longtemps aux charmilles jolies

sa gravité sur les cailloux fit grincer nos pas 

puis l’avance s’enlisa au fil des décennies

mais où sont nos rires contre l’effroi du temps

croque le jour 20

l’amer elixir d’enfance mit en berne mes cordes vocales

puis le beau du monde me submergea de ses refrains jolis

loin des foules des fureurs cultivant tête et pas

préférant à la rudesse des êtres la splendeur des clairières

je chantai l’oreille tendue vers l’echo très bleu des forêts 

croque le jour 19

s’éloignant le gel accorde un répit à la peau

peut-être est-ce la fin des lèvres déchirées

les voici lisses et riantes malgré l’épidémie

elles vont s’ouvrir avec les fleurs et chanter

seule la peur de l’autre pourrait dégriser les bises

croque le jour 18

il fut toujours maladroit moulinant les paroles 

sans s’y attarder il laissait le bonjour aux oiseaux

rôdait autour des nuages avalait les syllabes 

et câlinait trop longtemps les chats en allant à l’école

sa mère amoureuse du maître fit des mots chaque jour

croque le jour 17

j’ai saisi sa main gantée de froid 

au bord de ses yeux l’hiver avait perlé 

un souffle muet a monté de ma bouche brume

serrant ses doigts sur le quai j’ai suivi son regard 

puis la machine a toussé – choc sec-  sur les rails parallèles

croque le jour 16

quand le gel dans sa sournoise violence frappe à ma porte

je repense à l’effroi qui me prenait aux pieds

grelottant au fond du lit anticipant les griffes des engelures 

ainsi ai-je traversé les crevasses de l’enfance sans songer

que je vivrais un jour dans ce home chaud qui m’est château 

croque le jour 15

mes amis vos poignées de main me manquent

ma paume reste vide de vous pauvres de nous

l’épidémie a interdit de ferveur nos métacarpes

je vais doigts ballants nos coudes s’effleurent misère

où êtes vous ma voix sous le masque dites est-ce bien moi 

croque le jour 14

un soir un matin et dans l’entre deux l’infini

de la nuit bavardage muet où je demeure ôté de moi

où je repose tout rivé à la terre noire intérieure

horizontal ligoté dans mon âge berceau blanc

puis voici ce matin la vie qui déplie le ciel et la lumière méritée

croque le jour 13

une fois né que fait-on et comment et pourquoi

je conseillerais à voix basse de célébrer les aubes

où le gris encourage le bleu dans sa lutte orangée

je me rappelle d’ailleurs avoir lu quelque soir d’hiver

qu’aimer la vie suffisait largement à restaurer l’azur

croque le jour 12

dans l’attente du soleil en travail sous le givre

je tends l’oreille vers les éclats de glace

songeant que ma capuche en cas de léger regel

sera le recours oreiller où j’enfoncerai ma tête 

rêvant alors du sucre parfumé des ombelles de mai