fièvres 22 la grâce (mars avril 2020)

la grâce

un jour que j’allais – guide oblige – 

sur les ruines d’un prétendu château

à l’aplomb discutable

j’entendis une jeune voix me héler

sous les frondaisons attenantes 

je lui fis comprendre que la saison 

l’épidémie mon âge et le sien 

rien ne pouvait aider au dialogue 

je fus charmé de son rire d’argent 

elle prétendit qu’elle errait 

dans l’ennui du confinement

et qu’un grand-père (moi) faisait l’affaire 

pour partager la pomme que j’avais en main 

j’en mordis une moitié lui tendis l’autre

elle refusa de loin en riant 

une blague dit-elle 

émouvant château dis-je 

vous n’y êtes pas du tout reprit-elle 

et me désigna des deux bras 

une trouée entre un tremble et un chêne 

je m’avançai 

un point posé sur l’horizon 

elle tendit son doigt

tenez fixez ce point avec vos jumelles 

ce que je vis était la plus belle chose du monde 

briques et meulières mêlées

cernées de cytises et de lilas 

toit gris miroitant soleil noir

château de l’éternel printemps 

il souriait très loin encadré de ses deux tours 

c’est le château de la grâce dit-elle ne le lâchez pas 

j’écartai un moment les jumelles 

elle avait disparu 

en les réajustant

je vis que le château lui aussi 

s’était évaporé

fièvres 21 maisons (mars avril 2020)

maisons

21

maisons 

je me souviens du jasmin délicat

qui croissait tranquille en ce mai d’élégance lointaine

contre le crépi ocre jaune 

nous obéissions au gravier du ruisseau 

qui mordait sous nos pas

l’hôte avait laissé la clef sur la porte

et le chemin mon dieu ce chemin

qui menait à la vie hélas quotidienne

il avait fallu songer au présent 

laisser au porche rouge de fleurs  les rêves

organiser penser futur entrer sortir

j’ai encore à l’oreille les grincements

des gonds de la serrure et des corps

les graviers basse continue du temps 

au fait où crissaient-ils

maisons saisons ont été traversées

de mes mots de mes pas de mes mains

parfois les persiennes paupières battaient 

soir et matin

le monde était loin nous étions protégés

et du fond du salon je rêvai mille autres vies

désormais l’épidémie s’enflamme 

d’ennemis invisibles 

alors je chante à tue-tête entre les murs 

j’oublie la vilaine folie d’avril 

j’attends le joli mai qui souffle au seuil 

le priant de faire mourir les poisons de l’air 

j’attends aussi qu’il me laisse

– c’est beaucoup demander – 

respirer le parfum du jasmin 

qui va s’élever sur l’échine du mur 

ami gorgé de mon passé 

invisible et suffocant de finesse

fièvres 20 fenêtre (mars avril 2020)

fenêtres

20

fenêtre

au delà de ma fenêtre aux rideaux rouges 

il y a le monde

empoisonné d’avril 

j’aime avec tes joues toucher le lila sombre

mais les chemins qui vont au bois 

le mal les rend affreusement barrés 

notre futur fuit par tous les jours tassés 

tes yeux m’échappent ma vie aussi 

je respire mal serrant le tissu écarlate 

je m’absente des jardins des toits des rires 

guettant les signes purs de la belle saison 

ma peur s’effiloche lentement 

j’entends la brise frissonner au peuplier 

ce sont les vagues de toujours 

qui calment le feu du temps   

une autre vie s’en vient 

elle s’avance sur des pas d’oiseaux

qui sautent sans bruit sur les branches 

là où les jeunes troënes s’interpénètrent 

éclairant l’intérieur des brindilles anciennes

ça pépie comme un cri le monde s’anime 

les envols s’éparpillent insoucieux

de nos misères provisoires 

je me tends pour les appeler

il me vient que je pourrais chanter 

tout pousse à la chansonnette murmure

par devers soi enrichie du léger 

de l’éther encombré 

et des siestes jolies où l’on rêva 

d’un monde meilleur un peu 

à l’instant où je ressaisis le rouge

le battant de la fenêtre

bascule miroir 

un visage me surprend suspendu 

il sourit

fièvres 19 cathédrale IV(mars avril 2020)

cathédrale IV

habitués de nos pays aux cieux crèmes

les croisés virent là-bas tout autre chose 

une lumière écrasante mille nuances 

à cause du désert des éblouissements 

qu’ils prirent pour une révélation 

le dieu ne pouvait être que lumière 

ainsi les vitraux ces micas du levant 

mirages fabuleux 

après mille et un jours au bord de la bleue 

ces expérimentés imposèrent les chatoiements 

et ce sont eux qu’on lit au pavement 

quand l’aube consent à naître hors nuages 

miracle des vitraux purs doublement orientés 

par l’est et le souvenir du tombeau de dieu  

et c’est Jérusalem qui éclate sur la pierre calcaire 

bonjour dieu autrement dit la nature 

et notre présence parmi les fleurs 

en plein printemps amie donne-moi la main 

la peine de vivre au poison de la saison

mars avril mai ensoleillés et pourtant tout couverts  

du deuil de la respiration 

sommes-nous trop nombreux

oh la vie la vie la vie 

quand pourrai-je librement cueillir 

bleuet muguet coquelicot 

une vilaine occupation virale attristant nos pas 

les vitraux pénétrés de nos rêves

donnent à notre présence une autre grandeur 

ma mie ma main ma peur murmurée 

se soigne aux accents des diaprures 

projetées au fond de cathédrale 

là où personne ne va plus 

chevet qui attend un signe depuis deux mille ans 

et que les poètes se transmettent de génération en génération 

fièvres 18 cathédrale III(mars avril 2020)

cathédrale III

ses formes géantes me dépassent

elle me rassure 

l’ombre d’aube

le porche rose du soir aux yeux cernés

sont à l’image des êtres majeurs qui m’engendrèrent 

je revois au parvis mon enfance petite

je trébuche aux pavés comme l’enfant qui s’essaie

l’émotion est aux hésitations que je reconnais

tel fut mon pas un jour

la pierre rugueuse est un peu leur peau d’adultes

contre laquelle j’eusse aimé parfois donner du poing 

mais qui fut tendresse sans doute et force

et reçut mes chagrins

cette sécurité qui me retint au bord du vide

à laquelle je m’accrochai

sur le balcon des bras là haut le promenoir

ce qu’on appelle la foi est tellement touchant 

l’enfant au parvis et la pitié de soi balbutiant des ave

ce vaste édifice me toise comme ils le firent 

aujourd’hui c’est lui qui me prie

il me demande d’être adulte

il me supplie de loin je l’entends

les neufs cents ans ce sont mes six décennies et plus

le passé de la cathédrale et mon passé c’est tout un 

le chant des tours c’est babel

c’est le rose des humeurs et des langues

les mille voix des vies croisées 

qui m’édifièrent 

vont comme vagues à travers la plaine

l’océan du temps j’en suis le maître

voilà ce que dit l’édifice

et les fameux boeufs mon dieu 

mais c’est pour me dire le travail

que vivre est une tâche

aussi dure aussi gracieuse que la pierre taillée

qui se dresse sous mes yeux jusqu’au vertige

fièvres 17 jardin (mars avril 2020)

jardin

jadis empli des aigus cabriolés des enfants

le jardin resplendit ce jour pour presque rien 

il ne se ressemble plus 

il a cette grâce un peu des anciennes gloires 

je cultive la prestance de ses arbustes 

qui cachèrent des visages malicieux 

mais les roses à foison disent les murs sans échos 

me reste cette brise un peu fraîche 

flot continu de consolation nord ouest

rappelant joies et peines du jour le jour 

c’était au temps où l’on naviguait à vue 

je crois que le silence épidémique qui m’y enferme 

lui donne des allures de royaume des ombres

il me leste la joie de vivre 

regrets souriants

tous les verts se rassemblent à la fenêtre 

où j’attends dans le silence le retour des échos du monde

qui miment si parfaitement

les diastoles systoles de mon corps vif autrefois 

une branche m’effleure en marchant 

c’est le bras de ma fille petite 

un caillou me fait trébucher 

c’est mon bambin en peine

je me penche je ne marche pas je glisse

courbé vers les ombres

ma voix dit dans la nuit

n’aie pas peur on verra demain 

je me redresse

le rire d’un merle en noir et blanc

a la mélancolie sûre d’un tissu qu’on déchire 

des soupirs rampent sous la haie

au milieu des tulipes graves et des crocus aigus

c’est dans cet antan toujours repris

que m’arrête le roucoulement des tourterelles 

rengaine recours qui dans sa chaude lassitude 

chante le présent résonne au passé

et je gage que ces notes rouleront dans cent ans 

si bien que l’instant est l’éternité 

victoire sourde d’un velours absolu

doux accents d’un flûté préhistorique 

amené à durer ce que durera la terre

fièvres 16 cathédrale II(mars avril 2020)

cathédrale II

quand j’y pénètre 

je ne peux m’empêcher de la nommer

je dis cathédrale 

et le mot soudain à lui seul 

imite l’écho des lieux où j’avance 

il emplit la bouche

résonne au bord des lèvres 

comme si je l’avais crié dans la nef

l’édifice est à la fois

le vide du vaisseau lumière 

et le plein gris de la pierre

la parole vive et son écho noir

elle est présence aux yeux et aux tympans

elle ne cesse d’être la star de nos terres

et de sonner grave corde de violoncelle

par la plaine qui nourrit les hommes

et lorsqu’on habite à deux pas

il nous semble – éternels superstitieux – 

que la maladie et la mort

tous virus confondus

en deviendraient presque acceptables

tant elle est devenue avec les ans les décennies

à force de vibrer dans notre imaginaire 

un prolongement de notre corps friable

impavide presque ironique

elle brave orages tempêtes épidémies

à son omniprésence 

nous voici réchauffés

ivres de pouvoir respirer dans son ombre

et ce qui se transmet à travers mille ans 

c’est la folle satisfaction qu’ils eurent à l’édifier

heureuse affaire d’audacieux maçons

leur rêve réalisé est encore chaud

nous en sommes les fragiles garants 

si bien que dire cathédrale 

c’est chanter la joie d’être ici maintenant

et vivants

fièvres 15 intermède (mars avril 2020)

intermède

il fut un printemps

où après la menace du feu d’enfance

je me sentis étrangement immortel

le ciel avait viré sauvage

pur de ses présences humides

il vacillait vers les jours

que l’on veut croire infinis

c’était juin et la lumière faste

quand le chant vient aux lèvres à la demande

mes dents faisaient éclater un fruit

  • brave pomme de l’automne lointain – 

des racines aux cimes

les arbres avaient les mêmes promesses

je crus un moment que les oiseaux

m’écoutaient

et nouvel Orphée j’empruntai

aux rengaines à la mode

une jolie mélancolie fluide

qui m’emplit de frissons fous

au long du chemin qui suivait la rivière

j’appris à calquer mon pas

sur les remous du courant

qui mourait à mes pieds

je me souviens avoir pensé

que j’avais tout

j’étais l’eau le feu l’air et le temps

ébloui

je me penchai sur l’eau

un visage trouble surgit

une femme cria derrière moi

tu vas pas te jeter à l’eau 

ému j’avançai d’un pas

et j’en fus quitte pour un bain de pieds

terriblement réfrigérant

fièvres 14 cathédrale I (mars avril 2020)

14 cathédrale

 

ce rêve de pierre 

hante la contrée depuis près de mille ans 

et les vitraux – autant de prismes – 

filtrent le blanc du ciel

pour dorer le pavement de cent couleurs 

de loin face à l’horizon elle s’intercale en majesté

oblitérant en magicienne souveraine 

l’angoisse de l’infini

elle est au temps empoisonné du virus 

l’incarnation de l’élégance qui dure

mais ses découpes savantes 

éclatent aussi comme autant de signes de notre pouvoir 

chaque jour où je la salue 

il me revient que l’on doit faire confiance

aux savantes élaborations de notre esprit 

ses flèches sublimes dirigées contre les maux du ciel 

font d’elle un arbalétrier venu du fond des temps 

la lutte pour la vie la projette 

défi robuste et joyeux loin devant  

son allure de lutteuse ramassée sur ses épaules 

confirme la résolution des blouses blanches

et ouvre la lumière sur la nuit des chercheurs 

preuve par la pierre posée que ce sera possible

elle se penche au dessus du rempart

sourit sans rien dire 

comme il sied à la sagesse 

qui toujours de son sourire distancié 

nous encourage à lutter

contre nos fols errements 

fièvres 13 bras (mars avril 2020)

13

bras

chaque seconde de ce temps s’écoule à l’ombre 

des ailes d’un vaste oiseau de nuit 

qui leste nos épaules d’un poids de deuil 

certains en grimacent à jamais 

beaucoup l’éprouvent dans leur cage thoracique

fiévreuse soudain rigide

le corps refuse son office 

et l’angoisse zélée 

se rue vers la gorge et le ventre 

Mélusine habile à saisir le vif 

la peur coince les nerfs puis les pas 

les malades garrottés s’offrent 

en moulins solitaires aux moindres brises

les bras s’appellent depuis les oreillers 

au temps de la bonace 

ils enlaçaient les arbres 

caressaient les corps pour dire le désir 

rameutaient les amis aux joues rouges 

et faisaient valser les fiancés du samedi soir 

mais les bras ne sont plus que ballants 

et tournant le dos à l’impossible vie de rien 

virus oblige 

je me bricole des préoccupations graves 

que je balaie d’un revers de main

restent les coups de téléphone qui sont autant de coups 

frappés à la porte de solitude 

mon domaine est envahi de voix aimées 

qui voudraient tant franchir cet espace absurde

occupé ce jour encore par la bête à l’affût 

qui rôde alentour 

prête à me faire basculer dans l’abîme 

d’un simple coup de patte

fièvres 12 collines (mars avril 2020)

collines

j’aime l’élégance des collines proches
quiètes et roides un peu
elles me protègent de loin là-bas
je les devine visitées de lilas suspendus
taches fidèles que la saison arrose
et ma peur et mes pas procèdent en pensée
bousculant l’interdit qui barre les chemins
leurs pentes viennent se glisser dans mes rêves
les belles pourtant m’ignorent quand je les hèle
je ruse
et déroulant la plaine
je les fais doucement revenir au creux du lit
où je me protège tant bien que mal contre la bête
rien à faire
elles refusent ma prière
loin de me réchauffer
leur glauque nocturne s’accoquine aux étangs
c’est un chant de deuil qui les berce
elles couvent un malheur
leur menace m’est leçon
je me souviens qu’elles furent Chemin des Dames
un jour de printemps ignominieux
où la boue collait au sang neuf
des jeunes gens surarmés
l’acier y a tout fondu rouillé glacé
les collines demeurent exsangues
et j’ai beau les solliciter contre l’épidémie
elles disent qu’elles ont trop donné déjà
qu’elles ne peuvent rien pour moi
que les printemps parfois dans leur exubérance
sont assassins comme sont souvent les hommes

fièvres 11 évasion (mars avril 2020)

évasion

j’entends encore la sève

glissant sous l’écorce des hêtres

aux printemps précédents 

chanterelle des brindilles 

basse continue des racines 

et les arbres jouant des harmonies 

tandis qu’aux cimes les percussions dansaient 

il est étrange que la forêt me soit interdite

l’essentiel me manque

au jardin de chez nous bien sûr je joue à la nature 

mais c’est un paradis mimé

ma main fait bouffer les cheveux du saule bleu 

je salue certes avec révérence et respect

cet ambassadeur gracieux des halliers et des berges

qui s’éjouit sur mon gazon du jour 

quelque chose pourtant fait défaut 

peut-être la terre et sa pelure

les cours d’eau les collines

le vent dans les branches éperdues 

l’ombre des forêts qui frissonnent 

j’erre en esprit aspirant au souffle éternel des marées

de l’ouest rugissant 

l’immensité des eaux des bois

tout fait défaut à  mon rêve d’évasion 

dans mon jardin petit je lis ma destinée trop courte

on m’interdit d’imaginer au-delà de ma haie

où est passé l’autre monde aux figures vastes

ces vagues qui respirent toute terre bue 

sans virus

et qui se ruent pour féconder la terre

sans nous

au bord du même estran où nous naquîmes

fièvres 10 affairées (mars avril 2020)

affairées

acrobates du manège migratoire
les hirondelles semblent hésiter à rentrer
j’ai hâte de les revoir
leur carrousel malicieux bousculerait nos déveines
effleurant sol et ciel
je les vois frotter la terrasse rayer les nues
dessiner de leurs lacets noirs et blancs
du bout de l’aile
les couleurs neuves de l’an
leurs tourbillons revigorants
balaieraient à point nommé notre air torpide
lèveraient le couvercle enté sur nos crânes
quand l’épouvante dénoue tous nos liens
je songe que leurs affairements de demoiselles
est le miroir rêvé d’une course réelle
mille semelles claquent aux corridors
les hôpitaux aux gorges éteintes
résonnent des efforts incessants
de nos berceuses de printemps
demoiselles des soins forcément belles
qui étanchent la longue douleur de l’air
devenu scandaleusement irrespirable
les infirmières viennent aux poumons expirants
elles ne cessent d’avoir souci du plus élémentaire
les bouches ouvertes souffrent
vieux oisillons dépendants
elles seules s’arrangent tranquilles avec le mal
négociant chaque jour mille guérisons

fièvres 9 vivant (mars avril 2020)

Vivant

au temps de la détresse
il vaut mieux se laisser porter
se faire goujon en rivière
muet sans remous
caché sous la rive dans les roseaux
loin du brochet insatiable
qui dévore tout ce qui passe
ma vie se fait petite
mais où sont les caresses les regards
que l’on recevait comme une pluie d’été
aux confins des avenues
je me souviens qu’on rentrait
se regarder au miroir étonné
ce n’était pas forcément désir de l’autre
c’était un sentiment d’appartenance
à la vive humanité fragile
oh cet éphémère où nous avons été
grouillants de langages et de rires
jusqu’au plus sombre des gargotes
ce sang qui bat où est-il passé
et le rire des halliers
et la salle des pas perdus
je n’entends plus que mes battements
ça pulse infime et sourd
sur un fond de silence
je rampe sous le gris du temps
sous les berges de plomb
où l’on vivote en rêvant
la fin du désarroi

fièvres 8 le dit de la bête (mars avril 2020)

Le dit de la bête

quand il parvint au plateau 

il songea un moment aux épreuves traversées

traînée de poudre des annonces publiques 

puis prison

les corps jonchèrent sa mémoire

il entendit les étouffements à mille lieues

on ne chantait plus

la mort sous le masque blanc

de rares Augustes rôda aux rues 

ils ne faisaient rire personne

les hospitaliers s’épuisèrent à éponger le mal 

– les vrai héros songea-t-il sont comme vous et moi- 

il avança lentement sur le haut de la colline

terrain miné la bête guettait 

lui qui jadis accueillait les visages en naïf

voilà qu’il devint soupçonneux

se regardant au miroir il songeait 

j’ai changé 

la bête se moque de moi

il oublia de se raser

on verrait moins ses rides naissantes

et le souci de vivre et l’angoisse à la gorge 

qui fait le teint sévère

dépouille l’innocence

et rend bête comme la bête

après bien des errements le silence du sud-ouest 

fit résonner ses pas

le soleil abandonna ses ocres longs

pour le généreux rouge des coquelicots

il inspira le vent redevenu salubre 

poussa enfin cette chansonnette 

qui fait la joie des miséreux 

et rassure les craintifs