A propos de Brassens

Un Brassens tout intérieur

Surgi du zoo humain, ce gorille très emballant méritait bien une étude poétique détaillée de sa manière et de son absence de manières. Il avait, il est vrai, été plongé à vif dans le crime légal (guerres mondiales) et en avait gardé comme le Montaigne des guerres de religion un scepticisme bien tempéré, moquerie de nos vacations, tendresse envers les pauvres bougres. Le rire est un humour tout de compassion mais armé de distance méfiante envers le monde. Voilà ce que commente en courts chapitres l’auteur, poète rêveur, de ce livre unique, malicieux et parfaitement informé. Une moitié du livre s’applique par ailleurs à décrypter les chansons; on croyait les connaître par cœur, mais le cœur est tout près, trop près : il est trompeur, on en oublie l’intelligence du texte, ses rimes, ses raisons, ses musiques… on découvre ainsi tout ce qu’il fallait désincarcérer de sa mémoire affective, pour faire fête, comme il se doit, au talent exceptionnel du chanteur compositeur. 

Ce livre est nécessaire à qui veut prétendre connaître ce Brassens intérieur qui n’a de cesse de nous échapper. 

Le livre est agrémenté de photos et d’illustrations originales qui à coup sûr ajoutent à l’émotion du lecteur passionné. 

Raymond Prunier

Brassens ou le désaccord parfait 

Ed. Mille sources 2022

Pour toute commande: gilbert.beaubatie@gmail.com

ou 05 55 26 27 77

25 € + 3 € de port

tourterelles

coulé obsédant des tourterelles 

je l’écoute yeux mi-clos

je songe que les anges soufflent la même syncope

le chant ne rit ni ne pleure

medium ourlé flottant dans les ombres

c’est le ton du temps tiède

qui n’a de cesse jamais

le vent se glisse alors sous la reprise uniforme

qui scande en secret les secondes présentes

glycines

drapé solennel de bleu vieilli

elles désignent en suspension 

le sol d’entrée où claquent mes pas 

je vois vibrer en lanternes serrées

les grappes qui ponctuent mes allers et venues 

de leurs fragiles oscillations 

comme autant de NON qui se moquent 

de mes farcesques vacations

l’après mai

lorsque la fenaison s’avance 

au coeur des piquetis enchantés 

qui font de mai l’exception pour les yeux 

les herbes dansent une dernière fois en robe lentes

leurs grâces s’inclinent sous les roues

des grillons cachés craquent en syncopes

dans le juillet des chaumes menacés

puis les sillons finissent par accueillir goulûment

sous la terre neuve que l’acier dévore 

les restes rasés des miracles engloutis

lilas

froissements tendres contre la croisée

les trilles des passereaux

se mettent à gloser

sur l’aube et les lilas

on efface des brumes quelque part

le parfum partout 

glisse au lever ses violines bleuissants

grappes en route vers la survie

engoncées dans leurs tricots serrés

Chez nous les lilas, c’est deux semaines de foisonnements parfumés. Un jardin sans lilas c’est la moue assurée du passant; ils forment un unique fil invisible qui court les venelles et s’envole avec les hirondelles revenues. Ils sont à notre septentrion l’équivalent froid des mimosas du sud, ces larmes du soleil qui réchauffent le coeur.