galets

fragile roulis

des inusables galets

j’envie à l’intérieur de vous 

le roc dissimulé

la pierre qui roule dans la mousse du temps 

le ru vous bouscule 

sans même vous griffer

juste l’usure 

je veux chanter la bonne mine de vos joues 

le blême ivoire des arrondis parfaits 

autant de visages rieurs

qui clignent au ruisseau en se cognant 

le joie de dévaler en croulant

gravier de vos vies avancées

vous pourriez faire un effort amis 

pour une once d’éternité

que vous glisseriez sous ma peau 

os surnuméraires

histoire de perdurer

jusqu’à l’intérieur du rire où je me protège encore

jusqu’au fond de ma poche 

je me vois bien dans la cascade des jours

arborant à mes joues votre fluide rigueur 

vous êtes beaux 

et quand dans l’allée je vous écrase

je me sens plus fragile que vos cris 

alors dans la nuit je vous écoute

si vous saviez 

au bord du sommeil vos côtoiements 

chuchotent mille espérances 

oui chaque caillou a sa note

votre petite musique de nuit me déroule ses gammes

mais je vous prie de garder souvenir de mes pas

car mes mélodies aussi dorment là 

jusqu’au bout de la nuit 

croque le jour 52

j’ai eu des peurs de vivre brièvement l’avouerai-je

qui tiraient les battements du  coeur vers le bas

j’allais ainsi longeant les racines des pins des ifs

puis le regard s’élevait sous l’effet du vent d’ouest

et la pluie cessant s’ouvraient des bleus éblouissants

Séparés

pose ton doigt sur la bouche 

cesse de chuchoter

tout a fui

l’air vibre en vain 

les lèvres tombent 

demain est un autre silence 

que sont les amis devenus 

les routes partent vides

vers l’horizon proche inatteignable 

ma mie pleure au village

j’ignore si elle m’entend

mais je devine que sa présence

avance là-bas en robe bleue

plis à peine froissés

sous les charmilles interdites

visitées des bouvreuils et des verdiers

elle se souvient du temps 

des chants à gorge pleine

où plus grands que le monde

nous nourrissions l’espérance

de marcher côte à côte 

libres de tout 

insatiables

vers l’infini couché des nuits

croque le jour 46

le silence serpent se glisse à l’intérieur des mots

il dit c’est toi c’est moi mais ne siffle jamais nous

nos paroles posées sur le vide ont du jeu

un courant d’air ferme une porte quelque part

je sursaute et me revoici vivant ouvert souriant

croque le jour 45

l’avril rustique frémit hardiment vers le tiède

avant l’aube les éclats pincés d’oiseaux tapis

anticipent la lumière sans fin des joies de juin

pourtant l’enfance de l’an y accroche encore ses lèvres

elles seules balbutièrent alors les mots argentés du vivant

croque le jour 44

les rares aigus des enfants perdus dans la cour de l’école

s’étouffent sous quelques pas qui claquent sur un faux rythme

c’est un ensemble maladroit qui joue sa musique jusqu’à l’avenue

les notes émiettées dans le silence éclatent à travers l’air froid

des cris de joie isolés craquent longtemps sous les arbres roses

croque le jour 43

qu’advienne quelque avanie affront trop humain

en toute saison je ferme les paupières

j’invente un printemps de val blond et de lac

où affluent les fausses notes de canards graves

bourrasques de rires que rythme le gracieux ressac

croque le jour 41

quand dès l’aube tout chiffonné je ravale ma façade

m’apparaissent cruelles les craquelures du crépi

la vérité s’étale sous les tendres passages des phalanges

mes yeux créanciers de mes rires délaissent l’ironie 

et je me quitte après avoir face à la glace salué ma bonne vieille maison

croque le jour (qui tombe) 40

après avoir gazouillé hirsute dans les brindilles 

le passereau se serre sur lui-même soigneusement 

plume à plume et à l’instant des lueurs mortes

son corps soudain noirci s’abandonne à l’arbuste grave

l’enchanteur du ciel semble alors une obscure motte de terre