sensations d’automne

C’est le temps – plus qu’au nouvel an- où l’on fait les comptes, les fruits nous tombent aux mains, dans le silence, les jours sans vent; tout soudain la chute de la pomme se fait événement. Je me souviens ainsi de la chute d’une pomme sur le dos d’une vache dans la campagne, loin de tout, en bel automne, il m’a semblé que le choc allait faire vibrer la terre entière; pour me rassurer la vache n’avait pas bougé, pas un frémissement, rien, comme s’il ne s’était rien passé. La pauvre vache qui n’attendait pas la révélation newtonienne, n’avait rien senti. Je la fixai comme pour l’hypnotiser, mais va hypnotiser une vache au moment où les herbes repoussent après que l’été “ont l’herbe rajeunie”. J’eus l’impression au contraire que le choc sur sa peau anticipait les tambours que l’on ferait un jour de sa pauvre peau. Coup de gong, comme on appelle au repas chez les aristos. J’ai revu alors le moment où la pomme s’est détachée, pourquoi cette seconde plutôt qu’une autre? qui ou quoi avait suscité ce détachement? Il m’apparut alors que la peau de vache la pomme et ma présence solitaire devaient être entendues comme une musique sans musique autre que mes battements de coeur. La tête m’a tourné, l’odeur des pommes aidant je fus environné d’une atmosphère qui me revient lorsque j’écris le mot “automne”. Au bord de l’évanouissement sans cause, j’en conclus que le mûrissement des pommes à l’origine du geste d’Eve, n’avait pas que des bons côtés, le pourrissement n’étant qu’un mûrissement exagéré, un peu trop poussé. La cueillette est son anticipation. Curieusement lorsqu’on mord dedans elles donnent au palais une sensation de printemps qui n’a rien à voir avec les feuilles mortes et le mugissement désolé de la vache. C’est du printemps “prochain”, c’est notre prochain.

Croquer la pomme devient ainsi goûter la joie de vivre.

fin septembre

mes paupières s’alourdissent tranquilles 

les trains de Paris resifflent 

dans les nuées rampantes

qui s’accrochent aux prêles aux bruyères 

nostalgie aux épaules 

je glane les plumes des rapaces

et les dépose près de la lampe

où elles luisent longtemps 

jusqu’à ce que la poussière de novembre 

les enduise de la neige des jours 

mais ce n’est pas demain 

fin septembre m’ouvre encore les pupilles 

il fait joie dans les roses froides 

et je m’émerveille que ça tienne 

comme mes joues ton amour et la vie 

je note la raideur un peu des gazons

les ris amusés des soleils au rideau

et les parfums forts des terres délivrées des récoltes

on dirait un désert

or ce sont cent richesses

entassées dans les granges

sous mes pas encore verts

les feuilles tardent à tomber

je les attends debout sur la placette

plein vent