quand je partis pour le grand voyage
je me chargeai de bagages crâne têtu
bras ferraillant d’illusions féroces
le fil du temps me délia de la broyeuse
et ce jour mon skiff file joyeux vers l’indicible
Le blog de Raymond Prunier
quand je partis pour le grand voyage
je me chargeai de bagages crâne têtu
bras ferraillant d’illusions féroces
le fil du temps me délia de la broyeuse
et ce jour mon skiff file joyeux vers l’indicible
des oiseaux fourragent le soir dans la gouttière
en plein couvre feu pattes sur le zinc
ils font grincer leurs griffes puis pépiant
palabrent toute la nuit pour préparer notre affaire
et portent à l’aube notre message vers les dieux lointains
l’obscur chemin de la joie souviens t’en
serpenta longtemps aux charmilles jolies
sa gravité sur les cailloux fit grincer nos pas
puis l’avance s’enlisa au fil des décennies
mais où sont nos rires contre l’effroi du temps
papillons fous et robes folles
vont se croiser en foule aux avenues
le frivole va tenir le haut du pavé
et les talons claquer au macadam
au jardin déjà se risquent les crocus
c’est sous la peau qu’afflue le printemps
il soupire là chassant les pullovers
je ne sais plus dis mon âme ce qui me va
ce sourire c’est sûr avec la chemise bleue
mars m’allège déjà de douceur élégante
passant devant sa cour vide
l’école où je fus résonne drôlement
des cris d’enfants fusent au passé
on pleure quelque part je crois
dans un froissement de gravier
et les secondes vont goutte à goutte
malgré nos phalanges soudées
les amours volent comme plumes
magie des visages éclairs de beau
dans l’orage des saisons qui se moquent
pour peu que la lune ait mis la clef sous le ciel
la nuit d’épidémie s’habille de suie
le virus rampe dans notre désert silence
mon seul reflet sur la vitre me salue
le noir pèse sur les carreaux la terre ne tourne plus
l’amer elixir d’enfance mit en berne mes cordes vocales
puis le beau du monde me submergea de ses refrains jolis
loin des foules des fureurs cultivant tête et pas
préférant à la rudesse des êtres la splendeur des clairières
je chantai l’oreille tendue vers l’echo très bleu des forêts
s’éloignant le gel accorde un répit à la peau
peut-être est-ce la fin des lèvres déchirées
les voici lisses et riantes malgré l’épidémie
elles vont s’ouvrir avec les fleurs et chanter
seule la peur de l’autre pourrait dégriser les bises
il fut toujours maladroit moulinant les paroles
sans s’y attarder il laissait le bonjour aux oiseaux
rôdait autour des nuages avalait les syllabes
et câlinait trop longtemps les chats en allant à l’école
sa mère amoureuse du maître fit des mots chaque jour
j’ai saisi sa main gantée de froid
au bord de ses yeux l’hiver avait perlé
un souffle muet a monté de ma bouche brume
serrant ses doigts sur le quai j’ai suivi son regard
puis la machine a toussé – choc sec- sur les rails parallèles
quand le gel dans sa sournoise violence frappe à ma porte
je repense à l’effroi qui me prenait aux pieds
grelottant au fond du lit anticipant les griffes des engelures
ainsi ai-je traversé les crevasses de l’enfance sans songer
que je vivrais un jour dans ce home chaud qui m’est château
mes amis vos poignées de main me manquent
ma paume reste vide de vous pauvres de nous
l’épidémie a interdit de ferveur nos métacarpes
je vais doigts ballants nos coudes s’effleurent misère
où êtes vous ma voix sous le masque dites est-ce bien moi
un soir un matin et dans l’entre deux l’infini
de la nuit bavardage muet où je demeure ôté de moi
où je repose tout rivé à la terre noire intérieure
horizontal ligoté dans mon âge berceau blanc
puis voici ce matin la vie qui déplie le ciel et la lumière méritée