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masques
il y a beau temps
que l’avenue a dissout les rires aux quatre vents
passants du silence
dites
que sont vos visages devenus
je vois bien le mien au miroir du matin
mais les vôtres
barrés de ce pansement grave
blessés d’on ne sait quelle guerre
vous avancez dans un brouillard diffus
présences spectrales
barbouillées de blanc de bleu
je vous entends à peine
je vous dis bien le bonjour
mais vous semblez murmurer
les voix vos voix me font défaut
englouties sous ces masques têtus
hélas parfaitement justifiés
(étouffons un peu
pour ne pas étouffer tout à fait)
et manque affreux
l’absence de nos lèvres
nous rend tous égaux en laideur
la partie nue émergée de notre corps
ce visage qui faisait notre identité
iceberg de nos émotions
voilà qu’il est littéralement
défiguré
reste le miracle des yeux
oui les regards sourient
dans la nuit blanche de l’été
leurs reflets n’ont jamais été aussi beaux
cils et sourcils sont devenus des signes
aussi importants que les gestes
perché au dessus du masque
le clin d’oeil se risque alors en lieu et place
de nos mains interdites
et des paroles mal osées