fièvres 32 coquelicots (mars avril mai 2020)

coquelicots

l’aube que je guette 

ce matin en bord de route 

où j’ai franchi les portes du sommeil

laisse enfin lever un fil d’azur 

qui tire le monde à sa traîne 

et s’épanouissant encore 

soulève les bleus de la terre 

pointes émergées du blé perdu 

le soleil ensanglante soudain le champ 

où j’ai dormi 

j’ai froissé dans la nuit mille coquelicots 

couvertures gigantesques qui balancent 

dès les premiers soupirs de brise 

leurs chefs miroitants 

les éclats s’échangent sous la houle 

mon effroi enfin dissipé

je découvre la chair de mon corps

qui 

chamade gigantesque 

bat la mesure de mon temps 

chaque fleur écarlate mimant 

les secondes arrachées à la vie courante 

l’horloge chante en rouge 

mes efforts halètent d’exister 

j’ose à peine reprendre souffle 

dans le silence baigné d’écarlate 

je pourrai dire qu’un matin

au lever j’ai vu surgir plein champ 

l’incroyable beauté d’un fil rouge 

à la fois peine et joie de vivre 

que chantent souvent 

yeux mi-clos

enfants et créateurs