je me souviens de l’enfant sage
où sur la scène du souper
ma bouche refuse d’engloutir
le chou et toutes ces choses vertes
qu’on a coutume d’enfourner vite
en fermant les yeux
c’est l’oesophage qui dit non
à deux doigts du pharynx
qui ne peut pas dire non
s’engage une lutte muette et grave
entre le regard de la nourricière
et l’instant où la bouchée enfin déglutie
un sourire s’esquisse tout intérieur
plus tard il faudra digérer
couleuvres avanies
pressions du goût commun
de bons esprits pousseront à la roue
emportée par le jeu du monde
il faudra goûter jusqu’à leur musique
et la vilénie légitime de l’âge venant
s’épanouit alors le rictus de jalousie
et sa propre rage à ravaler les envies
d’autrui parfois de soi
Mais j’ai souvenir d’une limonade
un jour dans mon palais
subtile beauté des étincelles en bouche
sous le soleil d’avril
et cent battements de cils
au fond du quartier doux
c’était le printemps été de tous les jours
et de nos bouches enfin utiles
s’échangeant mille souffles colorés
mon amour je t’aime etc
aspirant goulûment l’autre
et dévorant les fruits de la passion
jolie salade de fruits défendus