ogives

je rêve d’ogives

j’envie la permanence de leur vivacité 

elles s’inclinent serrées sur leurs siècles

-les pierres toutes à la fois – 

elles ne cessent de rebondir contre les piliers

construisant un espace qui croise 

et brode là haut des clefs de voûte

dont je fais mon miel

j’appelle alors mon nom

ce qui fait retour n’est plus ma voix 

je l’ai bien en tête pourtant elle chante baryton 

il me semble qu’elle revient aggravée

comme une question 

c’est moi en écho je crois

c’est moi qui roule là-haut cet orage 

enfant au filet suraigu

j’ignorais qu’un jour le presque même corps

s’autoriserait ce volcan

parmi les pierres calées savantes 

ce grondement de tempête

vibrations élaborées 

où un homme parle seul 

le ciel se couvre

cascades d’ogives si bienvenues 

il était temps que le corps retombe 

prenne toute la place

à l’intérieur de la chambre d’écho

qu’est la chapelle cathédrale

chevet où les sons se mêlent

mimant les bruits du ciel et de la terre

7 réflexions sur « ogives »

  1. Quel atmosphère de songe digne d’une toile de Chagall. S’agit-il d’un rêve de pierre ? Négation du temps, lévitation, ivresse de l’impossible. Vertige devant ce monde irrationnel. Vous faites un drôle de géomètre un peu acrobate !

    1. Je reconnais que ce texte n’est pas toujours clair. Ce sont des réminiscences de mon enfance que redouble la présence obsédante de l’architecture gothique dans notre cité. Je ne parviens pas à faire passer l’exploit que ce fut. Dans mon livre sur Laon c’était le chapitre essentiel. Mais là sous forme de texte poétique c’est beaucoup plus contraint. Je travaille présentement sur les cimes. J’espère les atteindre !!
      Je vous souhaite de la joie de vivre à foison; les jours se font jour chaque jour, quel bonheur !

      1. Toujours dans cet espace entre ciel et terre. Après le jaillissement des troncs des hêtres, l’élancement des colonnes et ces ogives se nouant à la croisée, la structure aérienne de ces arcs qui relient un chapiteau à un autre, une colonne à une autre et s’appuient sur les contreforts massifs des murs de pierre. Résistances et poussées. Là, domaine de la pierre, arbres du monde. Lien entre les deux à l’époque de la construction des abbayes, des cathédrales, des églises, des cloîtres. Savoir des maîtres d’œuvre et familles des chantiers.
        Toujours aussi cette relation avec la déclinaison solaire des équinoxes, variations du clair et du sombre et acoustique de ces éléments, impliquant un certain cours du temps dans l’année liturgique, leur force sonore quand les chants lumineux des moniales s’élèvent, cithares et voix.
        Votre cosmologie témoigne d’une unité étonnante. Vous vous identifiez à tous les matériaux : terre, bois, pierre, eau.
        Vous me donnez envie de relire l’ouvrage de Fernand Pouillon “Les pierres sauvages”.

        1. Moi aussi. Le livre de Pouillon m’avait enchanté, puis je l’avais rendu à la bibliothèque, misère! Les ogives me fascinent aussi vous le voyez bien, à cause du contenu – risquons le mot – politique – de l’aventure: chaque pierre tient à l’autre et il faut à l’ogive un Chef, une clef de voûte. Chacun nous formons avec les autres ces arcs qui ouvrent des espaces où les paroles résonnent longtemps. La poésie des ogives est lourde de son poids ( plus elle est lourde plus elle a de chances de tenir) et des sons qu’elle amplifie. Ce ne sont plus les messes, mais les concerts qu’elles accueillent.
          Je crois que je n’en ai pas fini avec elles. Les ogives sont nées du croisement des courbes que formaient les arches du roman. Les arches du roman étant elles-mêmes la structure obligée des édifices humains de chez nous; l’arrondi qui parodie le ventre de maman.
          Mais je fais vite; trop vite. ces rêveries ont de longs bras qui demandent prudence, ce que je ne fais pas.

      2. Ce livre, “Laon ou la cité intérieure”, je le découvre. J’aime beaucoup les têtes de bœuf reprises des dessins de Villard de Honnecourt (architecte du XIIIe s.) imprimées sur la couverture et la page de titre et tout ce premier chapitre et immensément le chapitre “Vitraux’.
        Me voici donc p. 59 à “la croisée du transept (…) au centre de la plus haute poussée intérieure (…) immergé dans la douche clamante(…)”
        L’oculus au creux du regard. J’ai ressenti aussi dans les églises romanes “la répartition égale de la pierre et de la vitre (…), La nuit, le jour,la mort et la vie…”
        “chœur arrondi. Dieu est rond. Il est englobement, endettement…”
        Une merveille, ce livre.

  2. C’est la “cité intérieure” du poète qui s’inscrit dans les pierres de cette ville, ses remparts (protection et exclusion), ses ruelles, sa cathédrale, (les bœufs immortalisés parce qu’ils traînèrent les blocs boueux pour la construire). C’est à la fois la pierre, la cité de Laon, ses bâtisseurs mais aussi un homme qui s’interroge sur le sens de sa vie, sur son passé.

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