une aube

l’aube bouge

cri étouffé

il est déjà question de joie 

je sais 

le filet du rêve déchire les mailles 

c’est blanc doré

les doigts serrés sur le battant

j’imite le lever en ouvrant un peu la fenêtre

un flot de fraîcheur déferle

la lumière de la chambre jaunit

un rayon s’arcboute sur l’horizon

puis escamote la nuit à son seul appel

c’est un poing qui se ferme sur l’obscur

il écrase sans pitié mes imaginations 

et me projette en plein bleu

sans que ma gorge ait vibré

sans que j’aie eu le temps d’articuler 

un bonjour que je voulais 

urbain bienveillant 

et qui soufflerait dans mes poumons le grand présent 

une vie pure s’accroche aux secondes qui cliquètent 

chantant une mécanique 

lyrique à force d’écoulements lumineux réguliers 

j’y crois comme au premier jour 

mille précautions en ouvrant le battant au plus large

je m’allonge épuisé et me rendors longtemps

sur l’oreiller de juillet

5 réflexions sur « une aube »

  1. Des mots qui traduisent avec tant de précision ce surgissement de la lumière à contre-nuit.
    Les aubes ces temps-ci sont grises et mouillées. Un passage de nuages sombres. Des regards anxieux cherchent une fin à toutes ces crues, cherchent le bleu et la lumière du soleil.
    Ailleurs, l’aube est noircie par les fumées des incendies.
    Votre poème fait du bien.

    1. N’est-ce pas une formule qui est la plus consolante qui soit: “faire du bien”…MERCI.
      Je me demande souvent si comme pour le printemps L’AUBE n’est pas cette excellence encourageante, si la lumière n’est jamais plus belle qu’à sa naissance.
      Je n’oublie pas l’idée de pureté qui rôde alentour, à deux doigts de l’aube.
      Non que la nuit soit impure, mais l’apparition de la lumière chante la pureté; je songe à la statue de Memnon. C’est le contraire du chant des sirènes. Peut-être Mozart. ou le début de la cantate 21: long solo de hautbois, puis soudain émergence de la voix humaine qui dit: “Ich, ich, ich”…
      C’est une aube collective…

      1. C’est tellement juste ce lien avec la pureté et la musique de Mozart.
        Ici, dans les arbres proches un merle chante juste avant l’aube. J’aime l’écouter et dès que le jour se lève, il arrête de chanter. C’est très mystérieux.
        La pleine lune, les soirs d’été, me donne même joie, comme celle que je ressentais, enfant en regardant le ciel.
        Ce monde lumineux est aussi celui du vaste espace noir….

        1. Absolument vrai. C’est mystérieux. De même que le soir avant la tombée de la nuit, tous les oiseaux se taisent d’un coup. Il me semble qu’ils s’arrêtent au moment où le soleil a vraiment passé la ligne d’horizon… leur silence, alors qu’il fait encore jour, un peu, s’installe à cause des rayons incidents du soleil disparu. La sphère s’absente et le chant meurt. Mais il y a un mystère du lumineux qui perdure et que les oiseaux ne chantent pas. Un merle parfois vient ponctuer la chute de l’astre; c’est aussi l’oiseau du désastre. Il n’en reste pas moins que notre aventure de vivre dans la lumière avance encore un peu plus loin; c’est une manière d’au-delà, ici et maintenant, comme si, de fait, une main maintenait un espace respirable et souriant entre le jour et la nuit. Si l’on voulait trouver un lieu où les œuvres naissent, je n’hésiterais pas à nommer cet entre deux, par ailleurs innommable.

          1. Vous n’êtes pas que poète. Vous parlez comme Hubert Reeves…

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