hymne

tandis qu’après les pluies

le juillet joli fait craquer la feuillure des croisées 

ouvrant sur le poli des champs

au bord de la moisson 

où les ocres se mêlent au presque gris

j’entends par la brise colportée 

la voix des amis en allés vers le château

dont on ne revient pas 

même à genoux

je songe

que fais-tu là toi que voilà

étendu au tendre gazon doux 

alors que la fureur de la vie les écrasa

leurs lèvres murmurent encore 

n’entends-tu pas à travers les brins d’herbe

le sifflement cru du soir de leur départ

alors allongé contre le grave des troënes

soudain de l’ombre noire

je les vois resurgir 

douloureux souriants

on s’ennuyait de toi 

disent-ils 

le fleuve a bien voulu cette fois couler vers l’amont 

ses larges méandres c’est bien connu

chérissent les rêveurs 

car tout fait retour 

à qui sait écouter le fond de sa mémoire

là où la joie de vivre rechante l’hymne du moment 

4 réflexions sur « hymne »

  1. “au bord de la moisson
    où les ocres se mêlent au presque gris”

    Avant que la mémoire submerge ce paysage, j’aime m’arrêter à cette palette fine d’ocres et de gris des blés sous la chaleur de juillet. Un bleu décoloré creuse les bistres. Épaisseur de l’air. Rien qui saille. Puis tout craque et chancelle. Par la brèche des mots se fraie le chemin de mémoire transperçant le silence. Ils revendiquent un plein de présence… Souffle du temps

    1. Cette brèche s’accomplit aujourd’hui même: les moissonneuses engagent leur combat annuel ce jour, à cette heure, étrange dévoration qui précède la nôtre et donne au pain futur un côté engouffrement qui sidère la terre. La poussière s’y met dans un cri rageur de moteur à explosion répercuté au vallon: on dirait la guerre, mais la moisson c’est la paix de l’estomac plein. René Char: “L’indifférence à l’histoire et l’obsession de la moisson sont les deux extrémités de mon arc”.

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