les flots se fendent sur les rocs
qui se tassent au lit du ruisseau
laissant un fil ténu se dévider là-bas
feminin masculin se couvrent dans l’urgence
sur la pente naturelle qui mène le monde
Le blog de Raymond Prunier
les flots se fendent sur les rocs
qui se tassent au lit du ruisseau
laissant un fil ténu se dévider là-bas
feminin masculin se couvrent dans l’urgence
sur la pente naturelle qui mène le monde
C’est le temps – plus qu’au nouvel an- où l’on fait les comptes, les fruits nous tombent aux mains, dans le silence, les jours sans vent; tout soudain la chute de la pomme se fait événement. Je me souviens ainsi de la chute d’une pomme sur le dos d’une vache dans la campagne, loin de tout, en bel automne, il m’a semblé que le choc allait faire vibrer la terre entière; pour me rassurer la vache n’avait pas bougé, pas un frémissement, rien, comme s’il ne s’était rien passé. La pauvre vache qui n’attendait pas la révélation newtonienne, n’avait rien senti. Je la fixai comme pour l’hypnotiser, mais va hypnotiser une vache au moment où les herbes repoussent après que l’été “ont l’herbe rajeunie”. J’eus l’impression au contraire que le choc sur sa peau anticipait les tambours que l’on ferait un jour de sa pauvre peau. Coup de gong, comme on appelle au repas chez les aristos. J’ai revu alors le moment où la pomme s’est détachée, pourquoi cette seconde plutôt qu’une autre? qui ou quoi avait suscité ce détachement? Il m’apparut alors que la peau de vache la pomme et ma présence solitaire devaient être entendues comme une musique sans musique autre que mes battements de coeur. La tête m’a tourné, l’odeur des pommes aidant je fus environné d’une atmosphère qui me revient lorsque j’écris le mot “automne”. Au bord de l’évanouissement sans cause, j’en conclus que le mûrissement des pommes à l’origine du geste d’Eve, n’avait pas que des bons côtés, le pourrissement n’étant qu’un mûrissement exagéré, un peu trop poussé. La cueillette est son anticipation. Curieusement lorsqu’on mord dedans elles donnent au palais une sensation de printemps qui n’a rien à voir avec les feuilles mortes et le mugissement désolé de la vache. C’est du printemps “prochain”, c’est notre prochain.
Croquer la pomme devient ainsi goûter la joie de vivre.
mes paupières s’alourdissent tranquilles
les trains de Paris resifflent
dans les nuées rampantes
qui s’accrochent aux prêles aux bruyères
nostalgie aux épaules
je glane les plumes des rapaces
et les dépose près de la lampe
où elles luisent longtemps
jusqu’à ce que la poussière de novembre
les enduise de la neige des jours
mais ce n’est pas demain
fin septembre m’ouvre encore les pupilles
il fait joie dans les roses froides
et je m’émerveille que ça tienne
comme mes joues ton amour et la vie
je note la raideur un peu des gazons
les ris amusés des soleils au rideau
et les parfums forts des terres délivrées des récoltes
on dirait un désert
or ce sont cent richesses
entassées dans les granges
sous mes pas encore verts
les feuilles tardent à tomber
je les attends debout sur la placette
plein vent
les yeux sont des vitraux plutôt que des fenêtres
car frôler les piliers sous la nef du regard
provoque un trouble solennel
qui sourit et projette une mosaïque
de frissons mauves et autres échos de couleur
26
frémir sans arrêt de chaleur
reboire la même eau chlorée
ainsi grincèrent l’été ses mois ses jours
au transept des nefs glacées
nos prières couvèrent notre fièvre en secret
25
quand la saison s’incline
le regard peu à peu s’humanise
les paupières visitées des nuages
s’ouvrent sur les rocs qui se pressent au ruisseau
j’en oublie la torpeur du vieux juillet torride
la ville mirobole à l’envi
manière de rêve immobile
son fleuve regarde passer les ponts
l’été lui va bien comme on le dit d’une robe
quand verrai-je Notre Dame rebâtie
22
enfants et oiseaux
ne cessent de danser
sur les pierres ancestrales
leurs pas trop purs
font craquer les rocs
une biscotte craque en fin de nuit
tremblés du café
mon reflet s’embrouille
je salue le jour
l’aube se lève et je bois mon portrait
vienne la valse des instants
la veine me bat sous la montre
le temps n’est après tout rien d’autre
qu’une affaire de paupières
qui vers le soir cessent de battre
19
je me souviens de la vague folle
qui retomba en longs plis mélodieux
la mer chassa les mouettes de son unique souffle
et l’effroi criard de ces enrouées
fit écho à ma chute dans la glace montante
18
les esquifs de papier que je délivrais en amont
resurgissaient vifs hors des piles du pont
pantins sur vaguelettes ils filaient loin
en route vers l’horizon j’interroge désormais l’océan
dis-moi où sont passés mes bateaux
l’à peu près des jours est notre chance
un sourire indulgent s’esquisse avec le pas
le vol n’étant permis qu’aux oiseaux
je me plais à sauter les flaques et les ornières
rythmant joies et risques sur le fil de mes refrains d’enfant
16
elles n’ont eu de cesse de bricoler leur nid
cent générations à manier galets et gadoue
toute ma vie j’ai vu les mêmes et différentes pourtant
hirondelles qui se suivent et se couvent en secret
dans le castel où sous mon toit elles miment l’éternité
ne suis-je pas tout compte fait leur locataire provisoire
15
les trames du matin au fond du lit
esquissent des espérances miraculeuses
une fois debout chaussons aux pieds
je traverse hésitant la brume du salon
croise le miroir et me souhaite un bonjour quand même