voix

des voix montent parfois 

de l’intérieur de la placette

elles chantent crient parlent aussi 

j’essaie d’en capter la joie 

pour la reverser dans ma vie 

car tout cet étranger que sont ces rires

qui enflent entre les demeures

signent la présence de l’autre 

et je sens que mon corps approuve

l’appel très cru des paroles 

surtout lorsqu’elles sont lointaines 

vague murmure incompréhensible 

qui est la vraie rumeur du monde

j’y entends la chaleur de l’instant

les voix sont des êtres de chair

la vie les meut 

contre la peur joie d’être ici et maintenant

on y parle du temps qu’il fait 

contre celui qui passe

éclats de voix comme des entraves aux horloges

les gorges graves aigües disent 

je suis là je suis là

tu m’entends tu m’entends

et chacun n’a de cesse de monter sa voix 

contre l’autre

bribes d’écume qui sont de chacun 

le cri de naturelle fierté

et ce concours murmuré durera

autant que la terre habitée

42 réflexions sur « voix »

  1. Oui, même épris de solitude on aime savoir qu’on est pas seul au monde.
    Les voix qui viennent de l’extérieur, signes de présences multiples, tantôt agréables, tantôt nous agressant.
    Les voix que j’aime retrouver sont souvent dans les livres. Chaque personnage a une voix bien singulière qui a pris naissance dans notre imaginaire.
    Et puis les voix des gens qu’on aime comme une fête au téléphone. On les reconnait, mêmes écrites. Alors on les lit avec la vraie voix de l’être que l’on connait.
    Enfin, il y a le drame : la mort. La voix qui s’efface, celle qu’on écoute sur un répondeur longtemps après que l’être aimé nous a quitté.
    Je me souviens d’un film de Luigi Comencini “L’Incompris”- Son meilleur film.- de cet enfant de 11 ans, Andrea, qui cache son chagrin après la mort de sa mère, écoute en secret sa voix sur le répondeur et l’efface par maladresse. Le père le croit insensible et Andréa souffre de son abandon et s’enferme dans le silence. Film si léger (quotidien entre les deux frères), si grave.
    Oui, une voix peut être bouleversante…

    1. Freud: “Quelqu’un parle, le jour se lève”.
      Définition de cet art douloureux qu’on voit si bien à l’œuvre dans “En thérapie”.
      La parole en vrai accouche les esprits. Le psy n’a presque rien à dire. son silence laisse monter la voix. Son silence accueille la voix. Son silence attend. Et quand il intervient, il vient entre, il entre dans l’esprit de l’autre pour lui dire: je suis l’autre, reconnais moi et tu es guéri. Le film de Comencini que je n’ai pas vu me bouleverse, rien qu’à lire ce que vous en dites.
      Voyez ce que je dis de “la voix de Gould”…

      Et j’en dirais et j’en dirais
      Tant fut cette vie aventure
      Où l’homme a pris grandeur nature
      Sa voix par-dessus les forêts
      Les monts les mers et les secrets
      Et j’en dirais et j’en dirais

      (Aragon: je chante pour passer le temps; la version Léo Ferré est magnifique!!)

      La voix à ceci de particulier c’est qu’impalpable pourtant, on dit qu’elle se brise. Cette brisure m’émeut rien que d’en parler.

      1. C’est étonnant puis très juste ce que vous rappelez de l’excellente série “En thérapie” qui passe actuellement le jeudi sur Arte.
        Oui, ce regard, ce silence accueillant, ce travail qui se continue d’une séance à l’autre, jusqu’à ce que le patient écoute la voix qui vient de lui, la reconnaisse. L’accoucheur bienveillant qui ne juge pas est là mais le patient sait qu’un jour il n’aura plus besoin de lui pour aller. La voix du psy, rare, qui renvoie celui qui se confie à lui-même est comme un coquillage posé sur une oreille. On croit entendre la mer et c’est l’écho de soi qui fait rumeur.
        Rien de tel que le silence pour entendre cette voix. Comme une conscience qui pèse chacun de nos actes, chacune de nos pensées.
        Je vais, dans les rues calmes, me diriger vers le bureau de vote pensant à la suite de ce dimanche, au nautonier qui sera choisi dans les urnes et à ceux que le scrutin aura laissé hors de ce choix. Je pense à ces voix muettes qui se glisseront dans un bulletin ou une enveloppe vide.
        Le film de Comencini vous bouleverserait… Gould ? Je chercherai en rentrant.

          1. Ça pépiait de partout dans la rue, dans la boulangerie, dans le bureau de vote où des voisins se retrouvaient par hasard, ou celles des assesseurs détendus car tout était fluide…
            Contraste avec le roman de Silverberg que je découvre dont Soleil vert à fait une belle chronique.
            Voix des écrivains dans leurs fictions, dans leurs poésies, dans leurs essais.
            Voix-silence des lecteurs qui écoutent les voix des personnages, des poètes, des philosophes.
            Dans “Les ailes du désir” de W.Wenders les anges perchés sur les hauteurs écoutent les voix des passants dans Berlin. Un film d’une grande beauté.
            Et maintenant sur France Inter, la voix de Romy Schneider puisque la cinémathèque fait mémoire de cette belle présence en quête d’absolu. Près d’elle celle de Michel Piccoli, de Costa Gavras, de Claude Sautet.
            Il y a peu on évoquait celle de Michel Bouquet. Souvenirs sur le fil d’une voix…
            Heureuse de vous lire Raymond.

  2. Je pense ce matin , Raymond, à une autre sorte de voix qui habitent l’espace urbain c’est celui des promeneurs ou voyageurs (métro et bus) qui dialoguent dans leur smartphone avec un correspondant pour nous invisible et inaudible. Ces voix de plus en plus fréquentes m’évoquent un enfermement. Les gens parlent, seuls, au milieu de la foule …
    Le téléphone et ses variantes. Des voix sur un fil, sans présence réelle de l’autre…
    Ce que j’aime entendre, les enfants en groupes jouant et courant. Des petits feu-follet…

    1. C’est à ce signe que l’on peut dire que notre temps devient fou: on voit des gens monologuer dans la rue et on trouve cela normal. Ce phénomène est si neuf qu’il m'”étonne” encore, au sens de Racine: étonné = frappé par la foudre.
      Je suis là décousu, affreusement pataud, dégoulinant de stupeur; cloué au pilori du macadam, je me demande si je rêve, ce sont les chauffards des trottoirs, ils bousculent, fixés à un autre lointain et invisible. Ce sont des manières de mystiques pour temps de déshérence.
      Dans une farce dont j’ai perdu le texte, j’ai inventé un moine vêtu de sa bure qui à la fin reçoit un coup de fil de Dieu sur son portable qui lui annonce sa mort; le moine épouvanté s’effondre sur la scène en lâchant son portable.
      J’ai un très bon souvenir du public, mort de rire.

  3. J’ai retrouvé sur une étagère un très beau petit grand livre que Pierre Assouline avait chroniqué. “La voix sombre” de Ryoko Sekiguchi, paru en 2015 chez P.O.L..
    Une belle méditation sur la voix et la mort, la voix et la radio, le grain de voix des écrivains que l’on reconnaît en lisant leurs livres . Un livre qui palpite quand on le lit. Très beau. Léger. Aéré.
    C’est une Japonaise écrivant en français, vivant à Paris.
    Un passage page 90 :
    “La voix enregistrée apparaît au présent, mais la voix qu’on se remémore, dans quelle temporalité s’inscrit-elle ? (…) Ces voix demeurent elles là où elles ont été émises, dans l’air ?”

    1. La voix c’est le temps mouillé de langage. C’est uniquement présence jusqu’à l’invention diabolique du gramophone. Puis du magnétophone puis de tous ces trucs machins qui aiment la trace phonique. Mais dites moi où elles sont ces voix: que sont ces voix devenues/ que j’avais de si près ouÏes…
      Il me semble que parfois en rêve, les voix reviennent. De même si je me demande comment était la voix de Michel Bouquet il me semble que je pourrais en décrire la rondeur menaçante. Mais on triche, on a des enregistrements.
      J’aimais bien le caractère éphémère de la voix. Mais je ne l’ai jamais connue vraiment. Elles étaient toujours enregistrées les voix de personnages connus. Vers 11 ans j’ai été opéré d’une mastoïdite. C’était en mai 58. C’est ainsi que j’ai découvert la voix de De Gaulle. A travers un pansement. C’était douloureux mais à l’hôpital toutes les radios hurlaient les événements d’Algérie. C’était ahurissant. La voix de De Gaulle; les appels de De Gaulle sont demeurés à ma vie attachés. Cette voix invraisemblable de caverneux, de solennel, qui finissait par être angoissante, comme venue de la mort elle-même. Je puis bien dire que j’ai entendu la voix de la mort. Mon oreille déchirée me le disait. Une voix pareille ne s’oublie pas.

    2. Vous avez grande(?) raison de me signaler le livre de Ryoko Sekigushi; je l’ai visité un peu grâce au système de chez POL (on peut feuilleter) et je vois bien que ce livre me correspond parfaitement.
      Disons que c’est une piste pour quelqu’un qui avait rêvé des traces de pas et qui tout soudain s’aperçoit que les traces de voix s’imposent brusquement à mon silence. Il y aurait dans l’air un mouvement poétique semblable aux voix gelées chez Rabelais. La disparition d’être chers est liée étroitement à la voix; le titre du petit livre de Ryoko S le laisse “entendre”. C’est magnifique !

      1. Heureuse de cette rencontre de ce livre de Ryoko Sekiguchi et vous.
        Pierre Assouline a le don de repérer des bons livres. Je l’écoutais dimanche matin sur France Inter répondre aux questions de l’espiègle Eva Bester dans l’émission “L’Embellie”. Pierre Assouline revenait sur cette phrase du conte de Daudet La chèvre de Monsieur Seguin : “il faut tenir jusqu’au matin”. La résistance….
        Il disait que cette phrase lui avait sauvé la vie, une nuit où il était perdu en haute montagne dans une tourmenté de neige.
        Ainsi la voix des livres, des poèmes nous revient au juste moment comme celle des proches qui se sont… éloignés.
        Pour lui , des souvenirs égrenés pêle-mêle : Winston Churchill, Jean Moulin,
        Le livre de Job, Don Quichotte, un film : The Hours de Stephen Daldry, de Strauss (Vier Letzte lieder), de Schubert ( Le voyage d’hiver), la poésie de Celan, l’aviron … Son père… L’écriture…
        C’était bien de le retrouver à la voix (j’avais raté le début de l’émission).
        C’est bon de vous lire, Raymond.

        1. Vous en savez des choses sur P. Assouline. Je l’aime vraiment bien, ses choix sont la plupart du temps excellents. Il a un fond tragique dont il ne fait pas montre. En ce sens c’est la classe.
          Pourtant m’agace un peu sa fascination pour la période noire. Je ne vois pas grand intérêt à se pencher sur les pauvres jobards qui ont marché dans la kombine. Son judaïsme apparaît alors comme une souffrance; il lèche ses plaies. Ah je ne le connais pas bien. Je me dis que quand même Hergé et Simenon valent peut-être le détour. Surtout Hergé que j’adore, je devrais lire sa biographie.
          Je me disais dans les vieilles années que je lirais tout ça quand je serais en retraite. Après 15 ans de retraite je n’ai rien lu de tout ça. ça m’intrigue. C’est la faute à l’écriture. Contrairement aux apparences lecture et écriture ne font pas bon ménage en littérature.
          J’adore: il faut tenir jusqu’au matin. Lisant la chose à mes enfants ma voix s’étranglait sur ce passage.
          A part ça je n’arrête pas de penser à la vue de Delft. Je voudrais en faire un texte. Sylvie Germain et Dariula mériteraient d’être repris sur cette vue. Je pense constamment au printemps.
          C’est bon de vous lire aussi.

  4. J’aime beaucoup écouter la radio la nuit. Il y avait une émission que j’adorais “Du jour au lendemain”. Alain Veinstein y recevait des écrivains . Un micro entre lui et l’écrivain et beaucoup de lenteur, d’écoute et de silence. De l’espace vide surgissait une voix. Une parole de vérité. La voix coïncidait avec la parole . Le silence laissait entrer cela : de l’inconnu. Une parole nue. Celle Pascal Quignard était pleine de sauvagerie, abrupte, vulnérable. Une voix silencieuse. Un parler mutique. De longs, très longs silences.
    Vous, j’imagine que vous auriez été très silencieux comme si vous ne pouviez trouver votre place. Comme un acte manqué. Votre attitude, votre écoute, feraient que l’autre parlerait. Dans vos textes vous apprenez à vos lecteurs à voir les choses, ce qui se passe entre les choses.
    Je vous imagine, un livre serré entre les mains. Silencieux. Puis étonné. A votre heure, vous diriez quelque chose d’important qui aurait traversé votre gorge. Un moment de grâce et d’harmonie. Ce serait à cause de l’obscurité du passé.
    C’est beau que vous écrivez un billet sur les voix du dehors qui vous apportent de la joie.

    1. Vous me créditez d’un pouvoir d’écoute qui coule entre les mots que j’inscris (presque sans le vouloir consciemment). Merci. C’est aussi que ne pas dire tout dans un texte est une nécessité: il faut libérer le lecteur, l’élégance est à ce prix. Le tort de bien des livres (les polars) c’est comme le phénomène physique du livre placé devant le visage, le livre n’ouvre pas sur l’horizon du monde mais bouche la vue.
      La tâche de l’écrivain est pourtant de faire palpiter le contenu, de faire vibrer voire frémir le lecteur frustré du monde ambiant durant le temps de la lecture. Le monde doit faire retour à travers les lamelles que forment les lignes du livre; on les écarte et on VOIT. Et on voit bien davantage que ce que l’auteur avait à l’esprit.

      Ce que vous dites m’émeut beaucoup: “je vous imagine etc… “

    2. Vous me créditez d’un pouvoir d’écoute qui coule entre les mots que j’inscris (presque sans le vouloir consciemment). Merci. C’est aussi que ne pas dire tout dans un texte est une nécessité: il faut libérer le lecteur, l’élégance est à ce prix. Le tort de bien des livres (les polars) c’est comme le phénomène physique du livre placé devant le visage, le livre n’ouvre pas sur l’horizon du monde mais bouche la vue.
      La tâche de l’écrivain est pourtant de faire palpiter le contenu, de faire vibrer voire frémir le lecteur frustré du monde ambiant durant le temps de la lecture. Le monde doit faire retour à travers les lamelles que forment les lignes du livre; on les écarte et on VOIT. Et on voit bien davantage que ce que l’auteur avait à l’esprit.

      Ce que vous dites m’émeut beaucoup: “je vous imagine etc… “

  5. Là c’est facile, ce sont les thèmes qu’il a abordés dans l’émission. Une salve de questions ne permettant que des réponses brèves. Mais chacun de ces thèmes a été développé par lui dans des émissions plus longues voir séries ou dans ses romans.
    Ce qui m’étonne c’est la permanence pour lui de nouveaux projets donnant naissance à de nouvelles émissions, écritures ou lectures publiques. (Il me donne un peu le tournis même en le suivant de loin.) Comme si la pause, il se l’interdisait sauf en présence de la musique ou d’un livre lu.
    Son blog a été longtemps un rendez-vous quotidien. J’aimais ses billets, échanger avec certains commentateurs. Puis la lassitude m’est venue de l’atmosphère de cet espace commentaire trop difficile à vivre sereinement.
    Mais il reste l’homme de radio et l’écrivain. Cela suffit à ma joie.
    La période noire… sa passion d’explorer l’âme humaine en ses défaillances face à l’Histoire terrible de ce XXe siècle.
    Vous même interrogez inlassablement ces terres où sont morts terriblement des générations de jeunes hommes qui auraient pu connaître le bonheur.
    Les amitiés littéraires sont les plus belles, liées aux livres, à la passion de l’écriture, de la voix, de la parole. Elles laissent les corps au repos pour occuper l’espace de la pensée et du cœur.

    1. “Les amitiés littéraires sont les plus belles, liées aux livres, à la passion de l’écriture, de la voix, de la parole. Elles laissent les corps au repos pour occuper l’espace de la pensée et du cœur.”
      C’est peu dire que j’adore ces propos que vous tenez là.
      Je trouve toujours de quoi manger dans les billets d’Assouline. Toujours. Il use en plus dune préciosité qui me le rend plus sympathique encore. Mais cette obsession de Céline et des collabos, franchement ça n’a rien à voir avec mes petits frais assassinés. Je n’aime pas cette histoire médiocre d’un pays devenu médiocre hanté de personnages tous médiocres: Morand, Giraudoux et les autres(40-45). Mes jeunes assassinés (14-18)étaient les meilleurs de la jeunesse de France (sinon ils ne se seraient pas engagés dès les débuts), ils sont morts tous les romanciers poètes peintres musiciens géniaux qui auraient pu éclore sans cet assassinat de masse; où est l’auteur du grand Meaulne? Péguy? ce poète dont j’ai oublié le nom (Jean de la Ville de Miremont), tant de génies, tant de grands esprits autour de Bergson et d’Alain…
      ça n’a rien à voir avec les réfugiés à Sigmaringen, avec toutes ces larves grotesques qui intéressent Assouline.
      Toute guerre est ce que dit Sophocle: c’est le temps où les pères enterrent les fils. Les fils, les meilleurs fils sont morts en 14 18, je demeure persuadé que leur absence, leur vive présence potentielle, leur dynamisme élégant et joyeux a manqué aux années 20 et 30.
      Je m’interroge sur le plaisir de vivre. Il est introuvable chez Céline. Les autres romanciers français n’ont que peu d’intérêt.
      Je vous le dis, sachant que c’est hautement discutable.

  6. La vue de Delft. Ce qui est saisissant dans “La Recherche” c’est qu’elle correspond à l’écriture. Réussir avec les pensées et l’écriture cet éclat de lumière si juste dans cette toile.
    Je trouve extraordinaire de puiser dans la contemplation d’un tableau aimé une réponse recherchée pour l’écriture. Il y a souvent osmose entre les arts. Ce matin écoutant Vivaldi sur France musique, le ciel lumineux en sa joie trouvait sa traduction. Vous, vous auriez écrit. Moi, mes mots, ils se réservent pour le dialogue et fuient leur trace d’encre sauf dans la correspondance , mais être en tête-à-tête avec eux sans l’Autre me souffle “danger”…

  7. De quelles profondeurs jaillissent les sources de vôtre inspiration pour vous, écrivains ? Quelque chose d’obsessionnel sans cesse réitéré, se projette inlassablement dans votre écriture par vagues successives. Avec le temps une ampleur harmonique dans ce mouvement en “spirale”. (Vous l’évoquiez récemment)
    Le lecteur inversement déplie tous ces replis secrets. Avez-vous tourné le dos à l’existence pour entendre tout cela ? Comme si rien ne passait jamais… hors du temps, instants éternels…
    Vous écriviez récemment, cette pensée de L.F. Céline : “C’est vivre qu’il aurait fallu.”
    Merci à vous, poètes, pour ces éclosions de silence.

  8. La voix de Glenn Gould

    “Dans les enregistrements de Gould on entend sa voix.
    Mais ce n’est pas sa voix. Ce chant parasite est la part intérieure du langage, remuement mélodique qui se manifeste sous les mots et qu’on n’entend habituellement qu’à peine, pris par le sens, empressés à se défendre du désert d’être soi. Ce gâchis chanté s’éveille aux confins des cordes vocales, là où les harmoniques s’essaient à la présence de Glenn. Au beau milieu de Bach, sa ritournelle risque son petit glas contre le trop plein de clarté du Cantor, si clair qu’il en est transparent, et la voix devient un peu de brume, ce peu de gorge qui fait défaillir le parfait, comme la vitre appelle le souffle pour affirmer qu’elle est là.
    Et l’on voit bien que ce n’est pas la voix de Gould, mais celle de Glenn, le fils. Aucun lié chez lui, il n’est plus question de plaire, à quoi bon ; aucune pédale pour faire durer, non, c’est jouer qui importe, se souvenir et rejouer encore. Hommage, révérence chantée(…)”
    Vous pourriez le remettre en entier ?

  9. “C’est vivre qu’il aurait fallu”. J’ai lu cela chez vous. Ce n’est pas de L.F. Céline. Lui, c’était “c’est ne pas naître qu’il aurait fallu. Quand avez-vous écrit cela ? Je trouve cela très fort comme si on était passé à côté de la vie…

      1. Le contraire car Céline écrit :C’est naître qu’il n’aurait pas fallu. Et vous lui répondez : Naître, hélas, ne suffit pas. C’est vivre qu’il aurait fallu !

        1. « [Ma mère] elle a tout fait pour que je vive, c’est naître qu’il aurait pas fallu. (…) La vie c’est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit ».
          Mort à crédit / L.F. Céline

  10. Superbe billet chez Pierre Assouline ( RdL) à propos d’un livre que j’aime déjà…
    “La récitante” de ??? Ève Marie des Places…

  11. Dans ce roman, un personnage est prof de maths au lycée de Laon : “elle aimait cette ville haute, sur sa butte, au milieu de plaines à betteraves, et les seize bœufs qui veillent sur elle depuis les tours de la cathédrale.”

      1. Accrochez-vous, la demoiselle (fille de la prof) qui devient lectrice de la belle langue française (vous allez vous régaler) a, en aparté, une langue à décorner les bœufs ! Rien ne lui fait peur. Elle aime se choquer avec un langage cru. Sexe et corps nommés comme par des mauvais garçons. Le contraste des deux univers se dissout dans leur amour commun de la lecture et de la solitude dans la langue littéraire.
        Commençant à vous connaître un peu, la traversée du livre est assurée.
        Moi, je me régale !

  12. Et , oh, délice, La Récitante devient encadreur de tableaux et cette activité lui permet de rencontrer un vieil homme fou de peinture et de … un peu faussaire. Et là, il y a tous les artistes que j’aime. Littérature et art, liberté de vivre et de penser. Tout ce que j’aime !
    Mais pour Laon… On n’y revient pas parce que la mère meurt. Désolée, Raymond. C’est pas de chance ! Mais ce roman est jubilatoire, tellement léger dans sa noirceur. Une fantaisie rare. Ce n’est ni un homme ni une femme qui l’a écrit ce livre mais un caméléon !

    1. Ah ah en effet ça m’a l’air passionnant !! Je ne m’en fais pas pour Laon; la ville tiendra bien encore quelques millénaires. Vous êtes une chambre d’écho plutôt positive !!

  13. Chambre d’écho plutôt positive ? Je ne sais. Le livre de lit vite, construit sur un leitmotiv. Cette femme est de marbre. Elle traverse ces stades d’activités dans émotion, retrouve régulièrement ses frénésies sexuelles rapides, sans bonheur, pleines de mépris pour “l’outil” homme.
    Les cercles d’initiés qui l’utilisent (littérature, écrits érotiques, art des faussaires) ont des faces d’enterrement, tout de noir vêtus, “silentiaires”.
    L’enthousiasme je me
    le crée toute seule avec ma mémoire des oeuvres citées ( jusqu’à saturation) sans émoi.
    Seule la dernière page donne un souffle ému et une clé à ce récit qui ressemble à un Journal et qui est certainement une fiction un peu hautaine, émaillée d’un langage qui se veut jeune et grossier.
    Oui, une aisance dans le future et la construction mathématique de l’écrit mais froid, désabusé.
    Si c’est ça la liberté, c’est moche !

  14. Vous vous souvenez quand nous avions échangé sur Hölderlin ? Eh bien Paul Edel vient d’écrire un billet magistral sur le livre de Teboul (1979) que j’évoquais avec passion. “Cours ,Hölderlin, cours”. Et son billet est vraiment bon.

    1. Merci encore Christiane; si c’est pour Hölderlin et Teboul c’est précieux…
      Vous pouvez mettre le lien… je ne parviens pas à joindre l’article de Paul Edel. Merci encore !

Les commentaires sont fermés.