Staline et son sosie

L’engrenage happant, un beau jour de 1934, un modeste comptable juif ukrainien du nom de Evsee Loubitsky tel que le révéla le journal Le Monde citant la Rabotschïa Tribuna:

Comment sa ressemblance avec Joseph Staline, qui lui vaut les sarcasmes de ses amis, en vient à attirer l’attention des services secrets en quête d’un sosie du dictateur. 

Comment, pour parfaire cette ressemblance, on fait subir au comptable plusieurs interventions chirurgicales dans une datcha des environs de Moscou avant d’assassiner médecins et proches susceptibles de révéler l’imposture.

 Comment, des années durant,  Loubitski, qui a perdu jusqu’aux raisons de se révolter, s’adresse sous haute surveillance au peuple de la place Rouge et débite aux délégations étrangères, dans les salons du Kremlin, ses discours appris par cœur. 

En 1952, lorsqu’il invente le  “complot des médecins juifs”, Staline est pourtant le premier à s’inquiéter: si mince qu’elle puisse paraître, ne vient-il pas de fournir à son sosie une raison de le trahir? Loubitski est envoyé au goulag. 

(Cette histoire rigoureusement vraie, est contée dans le livre de Marcel Cohen “Faits” Gallimard 2002. On admirera la concision tranquille de l’auteur pour conter des faits aussi spectaculaires qu’ignobles. Tous les foyers communistes de France et d’ailleurs avaient, dans les années 50 encore, un portrait de Staline encadré au mur. C’était sans doute Loubitski.)

2 réflexions sur « Staline et son sosie »

  1. Le 12 mars 2021, dans la série “Croque le jour” vous éditiez ce poème :

    “tu ne t’approches pas alors comment s’entendre

    tu t’approches trop près comment éviter le choc

    toujours ma présence tes humeurs vont vers la bousculade

    le respect nous préserve de la dévoration réciproque

    l’art d’être à l’autre est ce sourire où les dents restent au palais”

    Un autre art d’être à l’autre ..

    1. Oui c’est vrai, je suis fasciné par l’art d’être à l’autre! Et que vous mettiez ce petit texte en regard d’une histoire de Staline qui dévore l’Autre est d’une jolie ironie.

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