Il faut lire LE CHEMIN 14-18

“Le Chemin” est un recueil paru en 2019. Les poèmes que j’ai composés sont traduits par un poète allemand (Helmut Schulze) et illustrés par une peintre proche de Laon (Elisabeth Detton).

Ce beau recueil a été édité ici:

EDITIONS LUMPEN
Jean-François Garcia
179 rue de l’abbé Georges Hénin
02860 Colligis-Crandelain
editionslumpen@gmail.com
http://lumpen.fr/

1 Il serait absurde de croire que ces poèmes sont seulement des poèmes sur 14-18. Notre temps flotte constamment là devant, c’est nous maintenant par rapport à l’évènement qui s’est produit entre 14 et 18. Notre temps est au centre. Les vers ne sont pas rimés ni ponctués, les vers racontent, non, ils chantent, non, ils échangent des plaintes, car être vivant en 2019 peut sembler très proches des misères de ce temps effroyable. Se promener au Chemin dit des Dames c’est s’enchanter s’enrouler s’emballer de la tragédie, y puiser un nouveau chant qui ressemble à notre condition présente de vivants, car les vivants ont pour tâche première de témoigner. S’ils ne le font pas qui témoignera des jeunes gens assassinés?

2 C’est un appel à aimer le Chemin, à aller sur le Chemin des Dames pour écouter ce que racontent les arbres et les herbes et nos pas de vivants qui résonnent au vallon. Je n’ai pas mis de rimes ni de ponctuation car je veux que le lecteur s’y retrouve seul sans béquille face à la tragédie humaine, face aux coeurs battants qui soudain ne battirent plus, et le lecteur aura alors l’impression d’être nu, à nu au milieu de l’océan des blés. Chaque coquelicot sera une goutte de sang, son aura durera alors ce qu’auraient dû durer ces vies cassées, brisées, mordues par la mitraille.

3 Je voulais chanter avec les jeunes gens assassinés la vie avec eux, chanter la joie de vivre contre la tragédie de mourir, c’est donc aujourd’hui que l’on chante, ici, dans ce recueil, pour leur donner au-delà de l’absurde perte de leur présence une manière de se réjouir, je dirai la distance d’être en empathie avec eux, je dirai qu’ils sont proches de moi, je chante en eux la peur de mourir, la peur de vivre, le temps présent dangereux et finalement aussi dérisoire que le leur, aussi important aussi puisque c’est celui où ils vécurent, semblable au temps où nous vivons présentement.

4 Il faudra bien que l’on s’habitue à écouter chanter les vers sans rime ni ponctuation, car une musique nous habite, nous devons la greffer sur ce recueil pour que l’on puisse en effet reprendre les témoignages de ce temps que nous ne vécûmes pas et qu’ils vécurent à peine. Nous vivants nous réinsufflerons de notre haleine douce de vivants attentifs, ce chant presque tranquille, récitant des vers de ce recueil pour faire rechanter ceux qui chantèrent si peu. Nous irons au bois, eux n’irons plus, donc chantons pour eux aujourd’hui maintenant.

5 Nous allons recommencer à rêver, nous rêverons pour eux, avec eux, dans ces textes hallucinés que l’on peut appeler des poèmes si l’on veut, mais ce sont des histoires, des scènes où on les voit vivants, où ils content leurs misères et leurs joies, leurs petites joies minuscules hantées de la terreur imminente. Je me demande si leur condition est si différente de la nôtre présente… oui la leur est éphémère, donc parlons racontons, chantons, nous, les vivants, leur affaire brève, leur épouvante monstrueuse. Nous leur devons bien ça, au moins ça, ce filet de voix doubles qu’est ce recueil bilingue.