Monologue du célibataire ( 2 )

Retrouvez le premier monologue de la série ici.

Ah, tu veux encore l’enfant,
La main, la brume, tout ça ?..
Non, écoute, je crois que j’ai tout dit
Et je n’en suis pas fier fier…
Oui, le problème tu vois c’est qu’il n’y a plus de guerre,
On ne peut plus jouer les héros,
Enfin je veux dire…
Euh… l’homme, comme il ne peut plus être un héros
Il se vautre au salon en regardant le foot,
Bière en main,
Ou il tourne en rond
Enfin, il ne peut plus partir de la maison avec une vraie bonne raison,
La guerre, ça, c’était du solide,
La patrie, tout ça, tu avais un rôle,
Tu avais une raison pour partir, pour tout quitter,
Les gosses, la bonne femme,
Le bon motif, quoi, égoïste mais moral,
Ta mauvaise foi devenait bonne foi,
Tu vois ce que je veux dire…
Ah oui, la paternité…
Ouh, ça je ne sais pas,
Ça fait rigoler, non ?
Parce que dans les rues je vois bien des panneaux marqués : ‘Maternité’
En gros comme ça, en lumineux,
Mais des ‘Paternité’ on n’en voit pas
On ne sait pas où c’est la paternité…
Oui, c’est ça, la maternité on voit bien ce que c’est…
C’est le bébé tout sanguinolent qui sort,
Le placenta, le cordon qu’on coupe, la mère qui est contente, le bébé qui pleure, qui tète…
Ça, on voit bien.
Mais le père, lui, il est sûr de quoi ?
Il n’est même jamais sûr qu’il est le père…
Tiens, ça doit être pour ça qu’il donne le plus souvent son nom à la mère et à l’enfant.
Et puis, oh, il faut bien que je le dise,
Tu sais, le truc de l’enfant la main dans la brume, tout à l’heure
Les cinq doigts, mes larmes,
Oui, oui, c’était de l’épate,
C’était pour faire pleurer dans les chaumières,
Du vrai gros mensonge bien viril,
Ça ne m’est jamais arrivé, non, non,
Enfin… je l’ai vu au cinéma.
Les hommes, c’est ça, je crois,
Du cinéma, enfin, du théâtre,
Enfin, ils mentent…
Pourquoi ? Par ennui, je crois, par ennui…
Oh, siii, j’ai interrogé les copains qui ont des enfants…
Si, si, en fait, ils ne savent pas à quoi ça sert, les enfants.
En jetant leur semence,
Ils pensent tout de suite que le produit de leur organe sera mortel
Un enfant pour eux c’est un prolongement,
Mais ils savent dès le début que ce sera provisoire…
C’est pour ça qu’ils ont inventé Dieu, les hommes…
Ou qu’ils se saoulent au bistrot.
Ils pensent toujours au train,
Au vaste train ferraillant qui un jour nous emmènera, là-bas …
L’air de rien, le train de rien…