l’infirmière

l’infirmière

elle effleure de la poitrine le bras du malade

le tube crachote 

elle se penche

observe le corps en fièvre 

grièvement mordu par la bête

on n’entend plus que la mécanique

rythme insoutenable 

elle accompagne sa douleur de petits gestes

un pli qu’elle tire un pichenette machinale sur la perfusion

elle murmure que ça va aller puis se lance

dès que j’ai vu que c’était toi murmure-t-elle

je t’ai pris en charge

pas de hasard

je me souviens –  juste avant que tu me quittes –

de ta colère quand je barrais le voilier

je disais laisse-moi faire

je sais d’où vient le vent

je connais ses moindres souffles

et l’infini des eaux 

et les crêtes des vagues qu’on traverse de biais

laisse faire laisse faire

tu vois aujourd’hui encore

je te guide je précède ton corps 

ligoté étouffé écrasé

je ne t’en veux plus d’être parti

je vais alléger ta peine à vivre

c’est mon métier ma pitié

c’est toi 

reviens-moi stéphane

comme les migrateurs

aux prémisses du printemps

que nous montrions du doigt en riant

l’année dernière souviens-toi

il y a un an seulement

un an  c’est si loin

(publié ici il y a un an… pas si loin, toujours d’actualité)

2 réflexions sur « l’infirmière »

  1. Oui à cet hommage . Bernard Noël le sombre le doux le violent l’outrageant le poète l’écrivain offensif , et magnifique. A découvrir absolument La chair de l’autre, avec Fred Deux.
    A découvrir absolument aussi, Fièvre, Chronique du confinement, qui vient de sortir aux éditions Lumpen. Gouaches Elisabeth Detton, textes Raymond Prunier.
    Merci beaucoup!

    1. Merci Catherine Stef. Ces quelques mots me vont droit au coeur. J’ai connu un peu Bernard Noël; c’était un homme secret mais bouillonnant. Nous avions travaillé ensemble sur la poétesse Marguerite Clerbout. Nos petits mots (brèves lettres)évoquent une lecture commune d’un texte de Hofmannsthal qui le passionnait. J’ai l’infini regret ensuite de n’être pas allé le rencontrer à l’époque, tout près de Laon. Ma timidité excessive… ah là là !

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