l’an futur

l’an futur

il y aura forcément 

du sourire et des gâteaux

les vignes croissant à deux pas

le champagne couvrira les voix

et l’on enterrera feuilles rêves et soupirs

dans un immense présent

gouffre intouchable pourtant 

même au jour de bascule

on ne sentira pas le cliquetis

féroce de l’horloge électrique 

et la main sur la bouche

j’observerai la nuit du fol hiver par la croisée

nuages graves lune grise

 je ne suis pas pressé

ce novembre me va

je pense souvent penché sur l’âtre

à ce jour du bilan

fumée brune et bleue

tout me souffle l’éphémère des joies

c’est ainsi qu’auprès du feu

je songe combien est charmant notre petit novembre

esseulé crémeux sobre

je fais couler en gorge un peu d’eau piquante

et levant le liquide léger

à travers sa transparence

j’aperçois dans le ciel

un avion tout chargé de lointains visiteurs 

qui faufile son col autour des nuages 

je bois à leur santé

souhaitant bon voyage

à ceux qui volent 

et à moi qui demeure

10 réflexions sur « l’an futur »

      1. “L’éphémère des joies”, écrivez-vous.
        Mais les fêtes – dont celle que vous évoquez – ne sont-elles pas accueil des souvenirs, et certains sont de joie hors du temps, là où l’éphémère se lie à l’éternité.

        1. Je vous suis. Les épiphanies nous catapultent en répétitions, anniversaires, fêtes, fusions finalement dont en effet Hölderlin disait qu’elles avaient à voir avec l’éternité (“comme au jour de fête” poème énigmatique et si beau). Il est curieux que vous ayez repris mon expression pour rappeler cette fidélité à soi-même dont le tohu-bohu consommatoire présent tend à nous faire oublier les modestes harmoniques d’éternité.
          être vivant, c’est parfois participer à ces fêtes autant que faire se peut, mais accepter d’y être dissous dans la globalité.
          il me semble que Jean Jacques parle aussi de la fête en ces termes. Dans les “rêveries” je crois. Je laisse ce souvenir jouer sans vérifier; il y est question d'”oublies” et j’ai toujours pensé que jean Jacques avait choisi ce mot pour les résonances avec le souvenir.

          1. Je viens de regarder la version longue (180mn) d’Apocalypse Now – final cut, de Copola. Je me souvenais du roman de Conrad Au coeur des ténèbres qui a donné naissance à ce film terrible sur l’horreur de la guerre. Copola le traînait dans sa poche pendant le tournage… apocalyptique.
            Et je pensais aussi à tout ce que vous a inspiré la guerre de 14/18, le Chemin des Dames.
            Le colonel Kurzt meurt en murmurant : L’horreur…l’horreur… Une façon d’échapper à sa folie meurtrière.
            Mystérieusement cette horreur est opposable à la joie et au commentaire lourd de sens que vous venez d’écrire. Comme la nuit s’oppose au jour et l’ombre à la lumière. Laideur et beauté. Horreur et plénitude. Vie et mort. Souffrance et bonheur.
            Cette déchirure des contraires travaille toute votre écriture.

  1. J’écoute, retransmis sur Arte, le dernier enregistrement d’Arthur Rubinstein, à Londres, en avril 1975. Ultime cadeau
    à 88 ans… avant qu’il ne perde la vue quelques mois plus tard. Il a choisi le concerto pour piano numéro 2 de Chopin. Une oeuvre qu’il aimait. En osmose parfaite avec l’orchestre. Quelle interprétation et quel jeu fluide. Nul besoin de partition, l’oeuvre est là dans son coeur et au bout de ses doigts. Parfois une note suspendue… j’attends la suite en apnée. Parfois une nuance imprévue qui serre le cœur.
    C’était aussi un lecteur passionné (Dostoïevski, Baudelaire, Shakespeare…).

    1. J’ai souvenir de son sourire, les yeux déjà abimés, il jouait vraiment par coeur, “par coeur”. Il habite chez Chopin. Personne n’a ce son. Cziffra pour les études, Arrau pour les nocturnes, mais les valses, les préludes et les concertos sont à lui pour longtemps. Ah j’ai oublié les mazurkas; d’autres sont venus c’est vrai (J M Luisada), mais dès que ça bouge un peu joyeux, au-delà du tragique, que ça redanse, Rubinstein est là; la pierre qui dort en son nom miroite joyeuse. Etrange carrière d’un qui nous vient par son père de pas très loin de Chopin et qui nous le restitue heureux. La joie après avoir traversé le Rubicon du tragique.

      1. Il était tant habité par ce concerto. Très beau visage marqué par la vieillesse et la cécité proche. On aurait dit qu’il créait cette musique. J’étais subjuguée.
        Et tout cela avec dignité et sobriété. L’essentiel était dans cette musique si merveilleusement interprétée.

        1. Un homme de très grand âge qui chante la joie de vivre, avec mélancolie pourtant: rien de plus beau. Oui, l’interprète a cette illusion et donne à l’auditeur cette impression: il crée l’œuvre; à y regarder de près (cette liberté de ton, cette fraîcheur distanciée) c’est vrai puisqu’on ne l’avait jamais entendue comme ça auparavant.

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