frêle

la jeune fille appelle de loin 

j’ai sa voix aux tympans

ruisseau d’émeraude brisée 

c’est si léger que le vent un peu l’efface

bruissements maritimes des saules bleus

elle avance frêle par le sentier 

aucune herbe froissée

je l’attendais au solstice

je l’interroge sur son retard

elle moque ma bouderie 

pose deux doigts sur mon avant-bras

pour prévenir la plainte 

son léger contact  – de nos jours incorrect – 

assure ma gaieté

et sa chanson toute en gravité jolie 

répète que la saison l’appelle 

elle dit elle dit

j’assure les serments obligés

je célèbre mon retour aux jours accourcis

la plaine de juillet miroitait là-bas

j’ai voulu voir tes blés mes fleurs

nous allons inventer les sourires 

contre la peine épidémique 

au temps de la lumière crue 

frappons nos mains

pour échauffer encore sève et sang

les heures galopent aux moissons 

cette vie n’est pas si vaine 

où l’on s’abreuve 

aux yeux velours des aubes turquoises 

ne manquons pas d’écouter les chaumes 

qui préparent en creux 

la tendreté des brioches à venir

Une réflexion sur « frêle »

  1. Une douceur légère dans ce paysage crayeux où la mémoire de fracasse sur les désastres de la guerre. Tout est poésie et gravité, ici. La navette des mots passe et repasse et la toile se fait du tisserand qui peint le passage du temps.

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