fièvre 45 chaumes (juillet 2020)

45

chaumes 

après le passage de la dévoreuse de juillet 

qui anticipe sur nos bouches affamées

ils se dressent 

ocres et gris parfois rouges 

puis sous l’effet de la lumière adulte 

les brins crépitent en un murmure immense

chacun d’eux veut conter l’histoire 

de la terre et des grains 

épis et tiges se sont balancés librement 

et voilà leurs derniers témoins qui palabrent 

et se disputent sur les champs

nous étions ensemble et nous voici querellant 

ma mie que sommes-nous devenus 

piques trop brèves 

le vent ne nous inclinera jamais plus

la terre à deux doigts 

ne permet plus la grâce oscillante 

qui fit la stupéfiante splendeur des blés 

dont nous étions la racine première

pauvres chenus

ils lèvent sur la terre tassée 

de petites pointes benoîtes 

que je froisse négligemment 

comme on marche au désert 

chevilles harcelées du picotis des sables

une plainte ose enfin s’allonger vers le soir 

autre chose contrarie mon pas 

ah c’est l’enfance ténue qui revient 

féroce arrachement 

annonçant le crissant retour d’automne 

des charrues et des socs