fièvres 16 cathédrale II(mars avril 2020)

cathédrale II

quand j’y pénètre 

je ne peux m’empêcher de la nommer

je dis cathédrale 

et le mot soudain à lui seul 

imite l’écho des lieux où j’avance 

il emplit la bouche

résonne au bord des lèvres 

comme si je l’avais crié dans la nef

l’édifice est à la fois

le vide du vaisseau lumière 

et le plein gris de la pierre

la parole vive et son écho noir

elle est présence aux yeux et aux tympans

elle ne cesse d’être la star de nos terres

et de sonner grave corde de violoncelle

par la plaine qui nourrit les hommes

et lorsqu’on habite à deux pas

il nous semble – éternels superstitieux – 

que la maladie et la mort

tous virus confondus

en deviendraient presque acceptables

tant elle est devenue avec les ans les décennies

à force de vibrer dans notre imaginaire 

un prolongement de notre corps friable

impavide presque ironique

elle brave orages tempêtes épidémies

à son omniprésence 

nous voici réchauffés

ivres de pouvoir respirer dans son ombre

et ce qui se transmet à travers mille ans 

c’est la folle satisfaction qu’ils eurent à l’édifier

heureuse affaire d’audacieux maçons

leur rêve réalisé est encore chaud

nous en sommes les fragiles garants 

si bien que dire cathédrale 

c’est chanter la joie d’être ici maintenant

et vivants