fièvres 18 cathédrale III(mars avril 2020)

cathédrale III

ses formes géantes me dépassent

elle me rassure 

l’ombre d’aube

le porche rose du soir aux yeux cernés

sont à l’image des êtres majeurs qui m’engendrèrent 

je revois au parvis mon enfance petite

je trébuche aux pavés comme l’enfant qui s’essaie

l’émotion est aux hésitations que je reconnais

tel fut mon pas un jour

la pierre rugueuse est un peu leur peau d’adultes

contre laquelle j’eusse aimé parfois donner du poing 

mais qui fut tendresse sans doute et force

et reçut mes chagrins

cette sécurité qui me retint au bord du vide

à laquelle je m’accrochai

sur le balcon des bras là haut le promenoir

ce qu’on appelle la foi est tellement touchant 

l’enfant au parvis et la pitié de soi balbutiant des ave

ce vaste édifice me toise comme ils le firent 

aujourd’hui c’est lui qui me prie

il me demande d’être adulte

il me supplie de loin je l’entends

les neufs cents ans ce sont mes six décennies et plus

le passé de la cathédrale et mon passé c’est tout un 

le chant des tours c’est babel

c’est le rose des humeurs et des langues

les mille voix des vies croisées 

qui m’édifièrent 

vont comme vagues à travers la plaine

l’océan du temps j’en suis le maître

voilà ce que dit l’édifice

et les fameux boeufs mon dieu 

mais c’est pour me dire le travail

que vivre est une tâche

aussi dure aussi gracieuse que la pierre taillée

qui se dresse sous mes yeux jusqu’au vertige