fièvres 13 bras (mars avril 2020)

13

bras

chaque seconde de ce temps s’écoule à l’ombre 

des ailes d’un vaste oiseau de nuit 

qui leste nos épaules d’un poids de deuil 

certains en grimacent à jamais 

beaucoup l’éprouvent dans leur cage thoracique

fiévreuse soudain rigide

le corps refuse son office 

et l’angoisse zélée 

se rue vers la gorge et le ventre 

Mélusine habile à saisir le vif 

la peur coince les nerfs puis les pas 

les malades garrottés s’offrent 

en moulins solitaires aux moindres brises

les bras s’appellent depuis les oreillers 

au temps de la bonace 

ils enlaçaient les arbres 

caressaient les corps pour dire le désir 

rameutaient les amis aux joues rouges 

et faisaient valser les fiancés du samedi soir 

mais les bras ne sont plus que ballants 

et tournant le dos à l’impossible vie de rien 

virus oblige 

je me bricole des préoccupations graves 

que je balaie d’un revers de main

restent les coups de téléphone qui sont autant de coups 

frappés à la porte de solitude 

mon domaine est envahi de voix aimées 

qui voudraient tant franchir cet espace absurde

occupé ce jour encore par la bête à l’affût 

qui rôde alentour 

prête à me faire basculer dans l’abîme 

d’un simple coup de patte