Permission / Fronturlaub (nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.

Permission

On la lui a accordée
Un an ou deux qu’il l’attendait il ne sait plus
Il sent
Dans le froid de la salle où la décision lui a été notifiée
Voix moqueuse d’un officier à un officier
Qu’il va lui falloir s’armer de sang froid
Pour accueillir l’abîme de paix
Qui court sous ses pas au-devant de lui
Un silence mord de partout
En lieu et place des actes hideux
(Combien en a-t-il fait tuer)
Des mots reviennent charmants
Joie caresse tendresse sourires
Il ne leur octroie aucune réalité
Il sait qu’ils existent enclos dans sa mémoire
Il sort de la mairie
Livret en main il descend les marches
Le couchant de novembre lui explose au front
Des larmes inondent le col de la vareuse
Ses pas sur le gravier lui rappellent l’allée de la maison de Mireille
Des soleils vont accourir bientôt plus tard les mimosas – mais il sera déjà reparti
Le stupéfiant fracas de la méditerranée
Attention à ne pas devenir fou
Ah oui il va se raser tout le bas du visage
Glabre propre grave vrai
Il pourra enfin toucher le piano Mireille les livres
Il se voit très gêné muet rougissant quinze jours durant
Jusqu’à ce que
L’antique machine le reprenne
Dans ses mâchoires d’acier de boue de pluie.

Fronturlaub

Und dann bekam er ihn
Zwei Jahre drauf gewartet, er weiß es nicht mehr
Er hört
Im kalten Raum, wo man’s ihm sagte
Den einen Offizier sich lustig machen
Es solle gefälligst aufpassen
Daß ihm der Frieden
Nicht den Boden unter den Füßen entziehe
Rundum beißende Stille
Statt scheußlicher Taten
(Wie viele noch? Die fallen – müssen?)
Und dann Retour charmantes Getue
Freude Tätscheln Schulterklopfen Lächelei
Es kommt ihm wie nicht wirklich vor
Nur, daß es im Gedächtnis haften geblieben
Er verläßt das Rathaus
Wehrpass in der Hand und die Treppe hinab
November-Sonnenuntergang, der auf seiner Stirn explodiert
Tränen auf dem Kragen der Matrosenbluse
Schritte auf Kies wie auf dem Weg zu Mireilles Haus
Sonnenräder werden kommen, später dann Mimosen – aber da ist er wieder fort
Unglaublich dröhnt das Mittelmeer
Pass auf, daß du nicht verrückt wirst
Oh ja, daß er sich rasiert, wird ihm keiner nehmen
Glatt proper gravitätisch wahrhaftig: Er
Endlich das Klavier berühren und Mireille, die Bücher
Und dann zwei Wochen lang verlegen, stumm, das Erröten
Bis die alte Maschine
Ihn wieder aufnimmt
In ihre Stahlbacken inmitten Schlamm und Regen
Permission – E. Detton

Crève-Chœur / Kummerchor (nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Crève-Chœur

Sur le modèle de leurs granges
Les hercules de chez nous dressèrent églises et abbayes
Qu’ils tassèrent au vallon
Pour faire joli et méditer
Pieusement dans l’ombre
Des siècles durant
Leurs paumes chaudes transmirent à la pierre leur amour de la vierge
– Rêvée dès l’enfance auprès d’âtres éclatants –
Tranquille la belle voluptueuse
Sourit longtemps
C’était maman et mon amie mêlées
J’étais l’enfant sur le bras gauche
Protégé par les plis élégants de la Madone
Puis un jour sans prévenir sans pourquoi
De graves brutes ferraillantes se ruèrent sur les blocs savamment agencés
Et cette intelligence monumentale s’en fut au ruisseau
Ça croula dans le flot
Obus mitrailles cris en écho peines inconsolables
Tout fut ligué contre les chœurs ouvragés
Chapiteaux catapultés tympans crevés
Le sourire de l’ange s’ouvrit sur le ciel dépeuplé
Nefs et vitraux sombrèrent
Ce qui éclata dans les cloîtres bascula dans l’outrage cru
Et nous voici aujourd’hui
Interrogeant les ruines dans les après-midis de novembre
Le val est clair mais l’ombre des piliers flous
Dressés dorénavant sur le vide
Chante en mineur les psaumes désaccordés du silence.

Kummerchor

Nach dem Vorbild ihrer Scheunen
Errichteten unsere Kawenzmänner Kirchen und Abteien
Die sie ins Tal stellten
Es hübsch zu machen und zu meditieren
Fromm im Schatten
Der Jahrhunderte während
Ihre Handflächen dem Stein ihre Liebe zur Jungfrau übertrugen
– Erträumt von Kindheit an neben dem Knistern der Kaminfeuer –
Ruhig lächelte die sinnliche Schönheit
Eine lange lange Zeit
In ihr vermischten sich Mutter und Freundin
Ich war das Kind auf dem linken Arm
Im Schutz der eleganten Falten der Madonna
Eines Tages dann – ohne Vorwarnung ohne Grund –
stürzten sich Berserker auf die wohlgefügten Blöcke
Und was Meisterhand erschaffen, fiel in den Bach
Zerbröckelte im Wasserlauf
Granaten Maschinengewehre der Schreie untröstliches Echo
Alles vereinte sich gegen die kunstvollen Chöre
Katapultierte Kapitelle geplatzte Tympana
Das Lächeln des Engels dem entvölkerten Himmel zugewandt
Schiffe versanken und Kirchenfenster
Was in den Kreuzgängen zerbarst, kippte um in wilder Empörung
Und wir heute hier
Befragen die Ruinen an den Nachmittagen im November
Das Tal ist hell, vag nur erheben die Schemen
Der Pfeiler sich über der verbliebenen Leere
Verstimmt gesungene Psalmen der Stille in Moll

Crève-Chœur – E. Detton

Une lettre / Bis dahin (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Une lettre

Solange
Chère femme
Dis aux petits que je marche vers le front de la loterie majeure
Ils comprendront
Ne leur parle pas d’honneur
Ni de sol à défendre
Nos vingt-huit arpents nos trois vaches
Ne valent pas ma vie
Je m’ennuie tant de vous
Lorsqu’aux étoiles se mêlent les fusées éclairantes
Larmes suspendues sanglots au ciel de novembre
Je vois notre passé
Si je tire le gros lot (promis)
Nous irons pique-niquer là-haut
Soyez patients
Il viendra bien le temps de la guerre démodée
Elle dégoûte tellement
Avec ses bottes ses rats sa boue ses effluves folles
Dans cent ans je le jure ils auront nos crimes en horreur
Pour le bébé que tu attends
Attends
Ne l’accouche pas trop tôt
Ce monde ne le mérite pas encore
Quand il viendra (avec la paix)
Il sera le seul ange du temps de grâce très pure
En attendant
J’entends le claquement des culasses
Il est douteux que je t’embrasse un jour prochain.

Bis dahin

Liebe Frau
Sag den Kleinen, ich sei an der Front der Großen Lotterie
Sie werden verstehen
Sag ihnen nichts von Ehre
Nichts von Boden und Verteidigung
Unsere achtundzwanzig Morgen unsere drei Kühe
Sind nicht mein Leben wert
Ich vermisse euch sehr
Wenn Sterne und Fackeln sich vermischen
Hängen Tränen, ein Schluchzen am Novemberhimmel
Ich seh’ unsere Vergangenheit
Wenn ich das große Los ziehe (versprochen)
Machen wir Picknick da oben
Habt Geduld
Irgendwann kommt der Krieg aus der Mode
Nichts als Ekel
Diese Stiefel, diese Ratten, dieser Schlamm und Gestank
Hundert Jahre und sie fassen’s nicht mehr, was wir verbrochen
Auf das Baby, das du erwartest
Warte
Entbinde es nicht zu früh
Die Welt verdient es noch nicht
Wenn es dann kommt (mit dem Frieden)
Wird es sein der einzige Engel in reinster Gnadenzeit
Und während ich warte, knacken die Gewehrverschlüsse
Ob ich dich jemals wieder küssen werde…
Une lettre – E. Detton

Les fiancées d’Hurtebise / Die Bräute (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Les fiancées d’Hurtebise

Quand la brume s’y met
Comme on le dit de la gale et des poux
Des silhouettes vacillantes se pressent en foule au Chemin des Dames
Ce sont les fiancées d’Hurtebise
Qui chaque novembre reviennent maudire leur injustice
Promises
Amoureuses
Amantes
Elles soufflent devant elles leur tempête virginale
Chaque pas qu’elles posent fait trembler la terre
Où reposent à jamais leurs hommes perdus
Elles n’implorent ni dieu ni ciel
Elles avancent au rythme de leur colère
Et gare à celui qui traîne au Chemin
Le voilà bientôt pétrifié de giboulées noires
Englouti par le blizzard de minuit
Des vagues de jeunes femmes se succèdent
Grondent crient hurlent
Où sont nos promis nos amants et leurs corps

La bise mord voracement mes joues
Je me plaque contre le mur du cimetière
Et prie le ciel
Que la tornade m’épargne.

Die Bräute

Wenn der weiße Nebel steiget…
Wunderbar? Nein, wie Krätze und Läuse
Ein Stoßen und Drängeln hebt an auf dem Chemin des Dames
Die Bräute sind’s von Hurtebise
Immer wieder im November, sie fluchen und fluchen
Sie, Verlobte
Sie, Liebende
Sie, Geliebte
Ungewitter, jungfräulich, wirbelt
Aus jedem Schritt, lassen Erde erzittern
Die in ihr liegen, die Männer, ihr war einmal
Flehen weder Gott noch Himmel an
Ihr Schreiten skandiert ein Fuchsteufelswild
Und weh dem, der sich vertrödelt auf dem Chemin
Schwarz gehagelt, von Schloßen erschlagen
Verschluckt vom Mitternachtssturm
Junge Frauen, immer wieder, wie Wellen
Knurren und schreien und heulen
Wo die Verlobten, was Leib uns und Lieb’ ist gewesen?

Unersättlich der beißende Kuß in die Wange
Ich lehne mich gegen die Friedhofsmauer
Sonst bin, in dem Wirbel, ich vollends verloren

Les fiancées d’Hurtebise – E. Detton

Après / Danach (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Après

Après la guerre
Au retour de l’âge d’or donc
Attentif à tes pupilles fenêtres
Je redécouvrirai enfin les espaces de tes rêves blés prairies faîtes et halliers
Éclats bleus éclats blancs
Miroirs graves des étangs
Puis j’écraserai d’un baiser
Chaque volet de tes paupières velours
Pour saluer l’oubli des obus et le repli des fusils
(Leurs consolations je n’en veux pas )
Je veux tes yeux
Vivre à la lumière de ton estime
Etre libre avec toi
Croquer tes joues et à travers tes boucles
Au courant de nos haleines éperdues
Souffler ma peine qui s’éteindra d’un coup
Nous exigerons alors autre chose une autre présence un autre quelqu’un
Un enfant peut-être
Dont le corps très chaud palpitera
Fin réelle des ténèbres
Survie des vies
Qui étaient nôtres si peu.

Danach

Nach dem Krieg
Zurück im goldenen Zeitalter
Mit deinen Augen als Fenster
Deine Träume wieder beschreiten: Weizen- Wiesen- Dickichtsein
Blaue Streifen weiße Streifen
Schwarze Spiegel teichgeboren
Deine samt’nen Lider
Meinen Küssen opfern
Ade Granaten, ade das Laden und Abfeuern der Gewehre
(Wie auch sollte mich das trösten?)
Ich seh’ doch deine Augen
Leben hat Wert dein Licht
Frei sein mit dir
Anliegen an deinen Wangen
Atem, der spielt mit verlorenen Locken
Und meinem Kummer, der plötzlich ausgelöscht sein wird.
Um dann etwas anderes zu wollen, ein anders anderes
Ein Kind vielleicht
Dessen warm pulsierender Körper
Das wahre Ende der Finsternis
Leben Überlebende
Die unsere waren für so kurze Zeit
Après – E. Detton

Un père / Ein Vater (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Un père

Il avait fait cent mille pas
Il avait même tenté de dormir deux cents nuits
Depuis la seconde où il l’avait appris
Mais il était resté sur la place à jamais
Debout
Stupéfait
Granitique
Sourd à l’instant
Aux chants des oiseaux et surtout aux pas des enfants
Aux ris du soleil contre la grille aux gonds secs
L’horloge aurait dû arrêter de carillonner
Quand le maire avait osé dire – neutre féroce grave –
Il est mort ton gars ton soldat
D’autres mots s’étaient bousculés
Héros médaille champ d’honneur
Il avait repoussé le maire des deux mains
Il avait senti qu’’il n’oserait plus dire
Mon fils
Il le revit éclatant de rire dansant sur les labours
S’essayant contre les flaques aux folies bicyclette
C’était fou
Il avait fallu ensuite
Rouler une cigarette acheter le journal boire avec femme et amis
Toutes choses à jamais impossibles impossibles impossibles.

Ein Vater

Er hatte sogar versucht, zweihundert Nächte zu schlafen
Seit der zweiten, da er’s erfahren
Aber er blieb auf dem Platz für immer
Stehen
Benommen
Steinern
Taub geworden
Dem Gesang der Vögel und mehr noch den Schritten der Kinder
Den von der Sonne angestrahlten quietschenden Scharnieren
Die Uhr hätte nicht weiterschlagen dürfen
Als der Bürgermeister zu sagen wagte – sachlich grimmig gewichtig –
Tot ist dein Junge dein Soldat
Andere Wörter drängelten sich vor
Held Medaille Feld der Ehre
Er stieß den Bürgermeister mit beiden Händen von sich
Er spürte, er würde sich nicht mehr trauen zu sagen
Mein Sohn
Er sah ihn wieder lachend und tanzend beim Pflügen
Wie mit dem Fahrrad er Pfützen aufspritzen ließ
Zum damisch werden
Dann dauerte es
Eine Zigarette drehen die Zeitung kaufen ein Glas mit Frau und Freunden
Alles auf immer pas possible pas possible pas possible

Un père – E. Detton

Monument aux Vivants / Denkmal für die Lebenden (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Monument aux Vivants

Au milieu du village sous l’arbre de la liberté
Lisant leurs noms sur le marbre griffé des décennies
Je redoute de lire le mien propre
Mais non dis la voix de Paix c’est fini
Ça bat sous ton pull
A gauche
Ici pourtant sous mes yeux un presque homonyme
Avec sans doute femme ceinturons enfants habitudes marteaux préjugés tournevis pinces coupantes
Et obéissance à la loi et colères justifiées et chansons préférées et messes du dimanche
Habitudes rituels
Je te vois je te nomme je t’appelle
De ma voix fort banale couverte par le raclement des bennes lestées de betteraves
Laissez-moi lire je vous prie
Laissez monter de mes lèvres vivantes
La buée qui se mêle aux brumes de novembre
Chaque syllabe de vos noms évoque un être de sang
Qui vénérait la vie
Moi vivant promis
Il n’y aura pas d’oubli
Toi et toi mes amis
Et parfois miracle l’un d’eux me répond
Même prénom que moi quelle joie
Sa mère son père l’appelèrent comme on le fit de moi et le silence en est allégé
Un vrai dialogue s’installe au goudron de la place
Monument le mot le dit
C’est ce qui reste quand on va tout oublier
Cela demeure je suis là je suis là
Souvenir vivant très présent
Qui reviendra vous saluer tous les jours.

Denkmal für die Lebenden

Mitten im Dorf unterm Friedensbaum
Ihre Namen auf Marmor, an dem Jahrzehnte genagt
Und ein bißchen Angst, meinen eigenen dort zu finden
Aber nein – so die Stimme des Friedens – es ist vorbei
Was da schlägt, schlägt links unter deinem
Pullover
Hier vor meinen Augen ein fast Gleichnamiger
Hatte ganz sicher Frau Gürtel Kinder Gewohnheiten Hämmer Vorurteile Schraubenzieher Kneifzangen
Und Gehorsam dem Gesetz gegenüber, einen gerechten Zorn, Lieblingslieder, Sonntagsmessen
So Gewohnheitsriten
Ich seh’ dich, nenn’ dich, rufe dich
Und meine Alltagsstimme geht unter im Lärm der Anhänger voller Zuckerrüben
Laßt, daß ich lese, laßt, bitte,
Daß aus meinen lebendigen Lippen steige
Der Dunst, der sich vermischt mit Novembernebel
Jede Silbe eurer Namen ein Wesen aus Fleisch und Blut
Das Leben verehrend
Ich, der Lebende, verspreche
Es wird kein Vergessen geben
Du und Du, meine Freunde
Und zuweilen das Wunder einer Antwort eines von ihnen
Der Vorname wie meiner, welche Freude
Seine Mutter, sein Vater nannten ihn, wie mich die meinen nannten, so leicht jetzt die Stille
Daß sich entspinnt ein Zwiegespräch mit dem geteerten Platz
Denk-Mal das Wort, es sagt’s ja schon
Das ist, was bleibt, wenn wir alles vergessen
Das bleibt und ich bin da, bin da
Hier und ungeheuer jetzt Angedenken
Ich komm’ wieder vorbei, Tag für Tag euch zu grüßen

Monument aux Vivants – E. Detton

Mères / Mütter (nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Mères

Divinités prosaïques encloses dans la nuit des cuisines
Tabliers bleus ou blancs – puis à trente ans noirs
Nous avons langé les petits tendresse
Leur offrant inépuisables l’élémentaire
Angoisses apaisées au puits d’amour et source intarissable du lait de vie
Il en fallut des pas des peines des nuits
C’est fou ce que c’était prenant cette tendresse à pleins bras
Notre corps entier s’est crevé à la tâche de les faire croître
Rituels fêtes danses sérieux et surtout respect nous leur avons tout appris
Tout – respect et encore respect – ce n’était jamais assez
Eduqués à la dure
Ils ont été tirés vers le haut
Ainsi nous sommes nous fané à contrarier leurs désirs il les fallait obéissants
Puis un matin une aube d’été sans pourquoi
Nous les avons vus partir – souvenir très net du mouchoir ruisselant
On les barde de ferraille sur la tête aux bras
Ils creusent – les avions nous seulement conçus pour ça –
Tombes et tranchées
Tranchées et tombes
Les lettres étaient boueuses
Pleines d’amour pour nous lointaines et de haine envers les germains à deux pas
Fusées de détresse dans la nuit de l’Ailette
Qui éclairaient leurs bouilles épouvantées
Et dans la pluie des obus s’engloutit le respect imprimé à leurs fronts
Aujourd’hui assises dans le square pacifié les mères murmurent doucement les prénoms
Caressent les minois balancent tranquillement les petits corps qui s’envolent
C’est un chant qui se souvient de ce qui aurait pu être
La guerre n’est plus de saison
Les hommes se cherchent un nouveau rôle sur les rives de cet automne
Mais il est tard et les mères de novembre là-bas n’attendent plus de merci.

Mütter

Prosaische Gottheiten, eingeschlossen in die Nacht der Küchen
Blaue oder weiße Schürzen – ab dreißig dann schwarze
Wir haben die Kleinen gewickelt und nicht gespart
Mit Zärtlichkeiten, unaufhörlich, das einzig Wahre
Am Brunnen der Liebe besänftigte Ängste, nie versiegende Quelle, Milch des Lebens
Es brauchte Schritte, es brauchte Mühen und Nächte
Wer weiß schon, was es bedeutet, mit vollen Armen diese Zärtlichkeit zu leben
Unter der Last, sie wachsen zu lassen, brach unser Körper zusammen
Rituale, ernste Tänze und vor allem Respekt – haben wir ihnen alles beigebracht
Alles – Respekt und nochmals Respekt – es war nie genug
Auf die harte Art erzogen
Sie wurden großgezogen
Und welkten dahin beim Vereiteln ihrer Wünsche, denen sie Gehorsam schuldeten
Dann eines Morgens im Sommer, wenn es dämmert, ohne ein Warum
Wir sahen sie gehen – deutlich noch die Erinnerung an das triefende Taschentuch
Man versieht sie mit Schrott auf dem Kopf, an den Armen
Sie graben – nur dafür haben wir sie empfangen –
Gräber und Gräben
Gräben und Gräber
Ihre schmutzverschmierten Briefe
Voller Liebe für uns in der Ferne und voller Hass für die Vettern dicht dabei
Notfackeln in der Nacht der Ailette
Die ihre erschreckten Gesichter bescheinen
Und im Hagel der Granaten geht alle Ehrfurcht flöten, die ihnen auf der Stirne geschrieben
Heut’ am friedlichen Platz sitzen sie, die Mütter, murmeln leis’ noch die Vornamen
Streicheln Frätzchen, schaukeln gemach ihre kleinen Körper, die sich davonmachen
Ein Lied, das sich erinnert, was hätte sein können
Der Krieg hat nunmehr weder Hoch- noch Nachsaison
Und die Menschen auf der Suche nach etwas Neuem für sich an diesen Herbstufern
Es ist spät, und die Novembermütter da unten haben aufgehört, auf ein “merci” zu warten.
Mères – E. Detton

Retour de fantômes / Rückkehr der Gespenster

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Retour de fantômes

Haillons boueux
Vareuses où courent les poux
Vous revenez mains mortes orties aux canons des fusils
Plaintes à vos lèvres déchirées
Qu’avez-vous à me reprocher fantômes de novembre
Oui moi j’ai vieilli gras et libre en paix
Je sais bien
Et la peine et la joie et écrire et chanter
Alors que vous cueillis et noyés sous le nombre
N’avez pas eu le loisir d’affirmer vos pas d’étreindre et d’enfiévrer vos bras
A peine nommés par vos mères vous fûtes expédiés chez les ancêtres
N’ayez crainte nous allons vous rendre hommage et déposer des gerbes
Mais non disent-ils tour à tour
Et la rumeur de mille voix enchevêtrées
Fait fuir d’un coup tous les corbeaux
Comprends enfin notre retour qui te dit de rire
– Les mâchoires encore encombrées de glaise et de craie
Soudain me reprochent mes chagrins et ma peur de l’hiver –
Danse clament-ils danse sur les ombres très obliques de nos croix qui prennent la terre entière
Rougis les radis jaunis les blés
Croque les pommes du temps
Explose de joie simple
Vis
Et ton hommage de novembre vaudra toutes les fleurs.

Rückkehr der Gespenster

Verdreckte Lumpen
Joppen voller Läuse
Ins Gras beißen vor Gewehrläufen, als tote Hand, so kehrt ihr wieder
Eure Klagen, eure zerrissenen Lippen
Was, November-Gespenster, habt ihr mir vorzuwerfen?
Gut, ich bin beleibt und frei gealtert im Frieden
Ich weiß
Müh’ ist und Freude und Schreiben und Singen
Ihr, die man abgepflückt und zum Untergang geführt,
Kaum blieb euch Zeit, euch zu behaupten, fiebernd die Arme auszustrecken
Kaum nannten euch die Mütter beim Namen, wart ihr schon bei den Ahnen
Nein, wir werden zu eurer Ehre keine Blumensträuße niederlegen
Ja, was denn? sagen sie der Reihe nach
Und das plötzliche Tausendstimmengewirr
Läßt alle Krähen auffliegen
Wisse, wir kehren zurück, dir zu sagen, daß du lachen sollst
– Die Kieferknochen noch immer voller Ton und Kreide
Und plötzlich tadeln mich meine Sorgen und meine Angst vor dem Winter –
Tanzen sollst du, so ihr Geschrei, tanzen auf den schrägen Schatten unserer Kreuze, die die ganze Erde einnehmen
Laß die Radieschen rot, das Korn gelb werden
Beiß in den Apfel der Zeit
Platz einfach vor Freude
Lebe
Und deine Novemberhommage gilt alles, was Blumen sind
Retour des Fantômes- E. Detton

Les Fleurs de Germain / Germains Blumen (Nov.17)

Voici le deuxième poème traduit en Allemand par Helmut Schulze. Retrouvez également Chemin des Dames

Germain

Permets que je porte un peu les fleurs poussées dans ton jardin
Je veux être avec toi lorsque les pétales
Sur la glace de la dalle
Effleureront les feuilles brunes d’où l’inspiration renaîtra
Au plein de novembre
Le onze bien sûr mais aussi aux alentours
Armistice tache d’huile
Un bonheur petit va faire sa fête de paix
Vois l’Ailette cicatrice devenue ce lac légèrement lesté de voiles
Et les cycles qui se croisent là-bas
Sonnettes faciles cris d’enfants en lieu et place des plaintes aux deuils fous
Les petits courent sur la grève pour se jeter dans les bras de leurs pères
Ces jeunes hommes non morts non mitraillés non fusillés
Qui tournent le dos au vieux siècle
Et disent bonjour à leur vie
Sans besoin du casque ferraillant ou de bêtes molletières
Germain
Dépose tes fleurs avec moi
Je les saluerai chaque jour lorsque tu seras rentré au pays
Ne t’en fais pas
Dépose tes fleurs
Tranquille
Je m’en occupe
Je les ferai bouffer du bout des doigts
Elles feront joli dans l’hiver
Je suis à deux pas.

Germain

Laß, daß ich ein Weilchen die Blumen trage, die in deinem Garten gediehen
Ich will bei dir sein, wenn die Blütenblätter
Auf dem Eis der Steinplatte
Die braunen Blätter leicht berühren, und das Atmen wieder beginnt
Mitten im November
Am elften, sicher, auch um den elften herum
Waffenstillstand, und um sich greift
ein kleines Glück mit seinem Friedensfest
Sieh die Ailette, Narbe, die zu diesem See geworden, gespickt mit Segeln
Und die Fahrräder, die dort unten einander kreuzen
Kindergeschrei wie Schellengeläut statt rasender TrauerklagenDie Kleinen laufen am Strand den Vätern in die Arme
Diese nicht toten, nicht durchsiebten, nicht füsilierten jungen Männer,
Die dem alten Jahrhundert den Rücken kehren
Und Hallo sagen zu ihrem Leben
Ganz ohne Schutzhelm und Wickelgamaschen
Germain
Leg deine Blumen mit mir nieder
Ich werde sie täglich grüßen, wenn du zurück sein wirst in der Heimat
Mach dir keine Sorgen
Leg deine Blumen nieder
Ich kümmere mich darum
Ganz sacht, ganz wie mit Fingerspitzen
Sie werden hübsch aussehen im Winter
Ich wohn’ gleich um die Ecke.
Les Fleurs de Germains – E. Detton