une rencontre

je me souviens d’un dimanche d’été
des glycines graves pendaient sur les ruines
l’amertume à la bouche
j’allais par le pont gris
vers une fin de journée à l’orange insultant
j’entendis mon prénom

le coeur me cloue
je m’installe sur la rembarde à peine refaite
et sa voix de verre brisé depuis l’intérieur de ses cordes
me salue sérieuse
la jupe de tissu bleu pâle immobilise ses plis
j’ose lever les yeux au-delà de ses cheveux
elle me parle de nos familles
d’une vague parenté
montre la bague héritée de sa mère disparue
je ne vois que le ciel déclinant
la bague la broche l’épingle le peigne
tout m’est à distance
j’ignore si elle est belle (il me semble)
un nuage lui fait une coiffe vaporeuse
j’aime ta chemise blanche dit-elle
elle rougit replace sa mèche
une rare voiture tousse
remous sous le pont
des cris un coq une voix un pas un chant
un avion traverse l’espace en oblique
ça hurle
je rêve d’une musique qui guérirait ma douleur
elle pose sa main sur la rembarde
il va falloir que je la fixe
et surtout surtout que je lui parle
un mot un seul
je découvre ses yeux
ma voix m’est étrangère
quand je parviens enfin à articuler que je l’aime