Un poème de Hesse (1877-1962)

Ce petit poème est paru ce dimanche 17 février dans le blog d’Alban Nikolai Herbst. En hommage à ce blog exceptionnel et parce que nous entrons dans une période de brouillards, il m’a paru intéressant d’en reprendre le texte et d’en proposer une traduction. En France, nous avons une connaissance assez bonne des romans de Hesse, mais sa poésie toute de simplicité et de lyrisme proche du romantisme nous est demeurée fermée. Ses poèmes (près de 700) sont en revanche très lus dans les pays de langue allemande.

Im Nebel

Seltsam, im Nebel zu wandern!
Einsam steht jeder Busch und Stein,
Kein Baum sieht den andern.
Jeder ist allein.

Voll von Freunden war mir die Welt,
Als noch mein Leben licht war;
Nun, da der Nebel fällt,
Ist keiner mehr sichtbar.

Wahrlich, keiner ist weise,
Der nicht das Dunkel kennt,
Das unentrinnbar und leise
Von allen ihn trennt.

Seltsam, im Nebel zu wandern!
Leben ist Einsamsein.
Kein Mensch kennt den andern,
Jeder ist allein.

Dans la brume

Étrange de marcher dans la brume !
Chaque buisson, chaque pierre est solitaire,
Aucun arbre ne voit l’autre.
Chacun est seul.

Le monde m’était plein d’amis
Quand ma vie était encore claire ;
Voici que la brume tombe
Et l’on n’en voit plus aucun.

En vérité il n’est pas sage,
Celui qui ignore cet obscur
Qui, inéluctable et sans bruit,
Le sépare de tous.

Étrange de marcher dans la brume !
Vivre c’est être solitaire.
Personne ne connaît l’autre,
Chacun est seul.

6 réflexions sur « Un poème de Hesse (1877-1962) »

  1. Oui, cher Guy Féquant, sa simplicité même en fait tout le charme et ce sont cependant la situation de l’homme dans le monde, sa solitude qui en forment le sujet. Impossible d’être plus profond, impossible d’être plus concis. Et cette brume qui nous vient… A vous mes amitiés ferventes !

  2. Je pense que moi aussi je vais l’apprendre, il résume ce que nous sommes. Merci beaucoup pour cette belle traduction. Claude

  3. Oui, Claude, dans “apprendre par cœur” c’est “cœur” qui compte. J’ai presque envie de dire l’organe, à gauche, sous le pull, dans la brume. Apprendre par cœur c’est s’assurer qu’on vit, que le cœur bat. La mémoire, elle, suivra toujours.

  4. Ce poème je l’ai appris au lycée en langue allemande il y a bien 50 ans et je ne l’ai jamais oublié tellement il est simple et profond!

    1. Nous n’oublions jamais cet apprentissage. Cette poésie qui reste auprès du cœur; apprentissage par cœur, dit-on à juste raison. Nous portons la beauté dans notre mémoire et c’est pour la vie. Je vous sais gré de votre intervention qui met l’accent sur l’essentiel(“simple et profond”).

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