un pétale

la consolation est du côté des fleurs

des doigts giroflées aux effluves légères

car dès qu’il gèle

l’air se fait minéral et novembre désole

où prend-on alors en hiver

ce minimum fragile

un pétale

qui rassure de nous ressembler

vieille affaire du trop doux

joues caresses cheveux morsures

et la tendresse joie d’être un moment épargné par la faux

et les bruits crevants du vrai

tu as vu le carrosse des années

ce désastre

sans l’espoir d’une éclosion renouvelée

je me sens ce novembre 

interdit de chant de souffle

et de peau sans cesse effleurée

un pétale dit-elle soudain

un pétale est un autel pour la rosée

car la peur de vivre au printemps fait sourire

et la brume d’avril

déposera bientôt l’aube mouillée au creux du velours

vermillon

14 réflexions sur « un pétale »

  1. De l’autre côté de la langue affectueuse du “pétale” commence l’irréversible. Le poète n’échappe pas à lui-même… Il ne cesse de se rencontrer partout mais avec l’impossibilité d’un retour en arrière.
    Tout est déjà joué quand la parole du poème commence. L’écriture est est la preuve de tout ce qui a précédé. C’est comme si le reste des mots allait épuiser le reste de vie.
    Et c’est très beau.

    1. J’espère que, lisant mon poème, le lecteur ira lire également votre commentaire, c’est si doux à lire, si tragique aussi et comme vous avez raison sur l’irréversible et sur le reste de vie.
      Pauvre petit pétale.

      1. Oui, Raymond…

        “Pétale” et tout est dit.
        Dedans le mot ailé,
        la légèreté de vivre,
        la rosée au matin,
        l’aquarelle d’un poème
        au premier chant du jour,
        mais au revers hélas,
        la fragilité, la chute,
        et dans le soir qui point
        le deuil de la lumière,
        la complainte du vent
        qui l’emporta au loin
        comme amis de Rutebeuf.

        1. C’est beau Jacques, c’est beau. Une vie en quelques vers.
          Il faudra revenir sur Rutebeuf et ses amis. Mais pas aujourd’hui où il fait si beau. Je vous en reparlerai.

  2. Tous ces blancs quand vous choisissez les vers libres plutôt que la prose… Impression qu’ils vous guettent, que vous tentez de fuir leur emprise. Impression qui disparait quand vous choisissez la prose.
    Je pense à la peinture de Malévitch.

    1. Le renvoi interruption de la ligne, c’est quand je m’enfuis d’avoir osé.
      Le blanc est menace; sa présence accélère, force mon propos.
      C’est un silence qui vient cogner contre la parole écrite.
      Il se fait un sacré bruit, un bruit sacré, quand la parole rencontre le blanc.
      Ce sont des fruits suspendus au dessus d’un lac de silence.
      Le passage à la ligne est une danse qui s’invite à l’intérieur de la parole. Mais elle menace de tout saccager.
      Mon rêve est que la parole ne cesse jamais: que le blanc surgisse et c’est la défaite, c’est pourquoi il faut un autre vers puis un autre.
      Pour les petits poèmes je suis sur une mer de glace; les vers se réchauffent et se protègent mutuellement.
      Le blanc c’est toutes les couleurs, donc il faut contre ce brouillage multicolore, gribouillis, inventer un monde stable, clair, le plus clair possible.
      Le blanc est une avance dans la neige; chaque parole est une trace de pas qui affirme ma présence.
      Je pense ici à la neige qui déborde partout et tout le temps dans le château de K. Il s’essouffle(tuberculose). On ne connaît pas la fin. Ou plutôt on la connaît trop bien.
      Le blanc c’est l’évanouissement après avoir été présent. On voit de quoi il est question.
      Le blanc c’est le “tu ne chanteras pas” que l’on trouve à la fin de tous les asterix; bâillonné, ficelé; je n’ai jamais souri de voir le barde rendu muet.
      Son contraire est le “bon génie” qui enchante la maisonnée toute blanche. Le musicien.

        1. “Voici le temps des portes qui se ferment. Les mots sont à l’abri. Ils passeront l’hiver dans leurs coquilles. Ils dormiront. Au dehors le jardin peut disparaître. ”
          Claude Esteban

      1. “Maintenant il voyait le Château qui se détachait nettement là-haut dans l’air lumineux ; la neige qui s’étalait partout en couche mince en accusait nettement le contour. Elle semblait d’ailleurs moins épaisse sur la montagne qu’au village où K. avait autant de peine à marcher que la veille sur la grand-route. La neige montait jusqu’aux fenêtres des cabanes et pesait lourdement sur les toitures basses, tandis que là-haut, sur la montagne, tout avait un air dégagé, tout montait librement dans l’air, c’était du moins ce qu’il semblait d’ici.”

        Oui, la neige déborde de partout dans “Le Château” de Kafka…

  3. Ou encore aux désirs de Stéphane Mallarmé pour les blancs typographiques typographiques quand il envoyait ses poèmes à son éditeur . Il le priait alors de porter attention à la mise en page. Il fallait, disait-il « de l’air entre les vers, de l’espace, afin qu’ils se détachent bien les uns des autres par l’opposition du compact et du dispersé, du plein et du vide, pour éviter qu’ils ne forment une suite narrative.”
    Vous souvenez-vous de ce vers dans “Brise marine” ?
    « le vide papier que la blancheur défend »
    Ce qui est blanc dans la page, n’existe pas. C’est du silence, du non-dit. Ce qui est noir, c’est l’encre. Et je pense à Soulages, aux encres de V.Hugo, aux corbeaux noirs de Van Gogh. Entre le noir et l’infini il y a le blanc. Toute écriture est une lutte contre le silence.
    Un jour, nous avons parlé de Junichirô Tanizaki et de ce livre mystérieux “Éloge de l’ombre” (paru chez Verdier). Il y évoquait la couleur de l’obscurité qui entoure la blancheur et la flamme fragile d’une chandelle qui éclaire l’ombre d’une lueur indécise. C’est un peu le chemin de l’écriture poétique. La clarté ténue du poème couleur de crépuscule. Le contact de vos mots-pétales est doux comme une feuille… d’arbre.

  4. Oui Raymond…

    “Pétale” et tout est dit.
    Dedans le mot ailé,
    j’entends la légèreté de vivre,
    la rosée au matin,
    l’aquarelle d’un poème
    au premier chant du jour,

    mais au revers hélas,
    la fragilité, la chute,
    et dans le soir qui point
    le deuil de la lumière,
    la complainte du vent
    qui l’emporta au loin
    comme amis de Rutebeuf.

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