pierres

je songe aux diamants d’autrefois 

tout le monde en avait un chez soi

ainsi nommait-on le saphir 

qu’on déposait sur le microsillon 

la musique rivière coulait au salon 

et par respect pour le précieux je n’écoutais 

que des musiciens morts nostalgie oblige 

ainsi ai-je appris à lever les yeux au ciel

car la rue bruissait de rythmes inaudibles 

j’ai dormi hors des lits du tout venant 

mes rêves étaient de pianos de quatuors

adolescent d’autrefois

surnourri de lubies musicales  

et lorsque j’ai découvert la cathédrale 

j’ai su enfin que la musique pouvait s’incarner

en évidence

les tours étaient des diamants 

et la nef devenait résonateur du passé 

il me suffit aujourd’hui de deux pas 

et tout revient comme au Rechercheur 

dans la cour de Guermantes 

la cathédrale chante comme moi 

elle aussi ressuscite le passé

chaque son de mon pas trouve son écho

les tours endiamantées mordent l’azur 

accrochent les nuages (ces poussières)

et ne cessent jamais leur grandiose requiem

les passés s’entassent 

les présents s’exaltent 

et les futurs bravent solidement les nues 

pierres précieuses inaltérables