Les havres éternels

Puis sur la pointe des pieds elle avança vers le forsythia, je la vis là-bas sur le goudron que le couchant dorait, son pas mettait en pluie les secondes passant d’aujourd’hui au jadis et retour, vive présence de l’existence suspendue à travers son avancée réelle et pourtant ralentie ; son cou soulignait un repli de cheveux que j’avais entraperçu dans mes errances, était-ce quand les branches de troènes bas griffaient mes tympans ou quand libre encore je me voyais déjà revenu de toute épreuve parce que j’avais enfin vécu plus de temps dans l’enfance qu’il ne m’en restait à parcourir pour être adulte? C’est si loin. Elle me faisait signe du bout de ses cheveux maillés de boucles infimes que je voulais toucher comme un drapé de jour qu’on rêve de froisser pour qu’il se passe quelque chose ; sa musique crépitait sous les semelles, elle reprenait le rythme d’une lente rengaine qui parle d’amour et de bateaux qui reviennent lorsque le soleil frappe au plus droit de nos contrées variables et fraîches. J’ai tant de havres en mémoire.

A l’instant, ma vie, ma longue vie tentait je le vois bien de me rejouer la jeune saison alors qu’au reflet de la vitre obombrée maintenant je réalise mon âge, visage grisé d’adulte en fin de course. J’entends à partir de ces cheveux qui surgissaient ce soir un peut-être oublié qui signe la liberté d’aller au milieu des silences, magie d’un soir dans la réalité du jamais plus, lorsque chaque pas compte sobrement l’énergie qui me reste et que je me crois cependant habité d’éternité, non de ce que j’écris, mais dans le moment où ces mots me sont dictés.