le malfaisant

les sons doux de sa flûte 

lui valurent d’emblée quelques pierres 

puis l’approche des jeunes femmes et des oiseaux aidant 

la douceur se posa sur la ville 

traîne bleue trop belle 

qui endormit l’énergie des commerces

l’artiste s’installa en toute étrangeté 

à la saison des jonquilles 

sous les porches de la cité 

les enfants dansèrent alors sans le souci 

ni de l’école ni des barytons paternels

il y eut certes des édiles sérieux 

insensibles aux airs et aux envols des oiseaux 

qui rêvèrent de son départ

mais sa musique 

pluie d’élégance magie de sa tendresse 

toucha la cité entière 

un chuchotis s’installa par la province 

c’était une drogue disait-on 

qui voilait les télés 

éteignait les vidéos 

et donnait une envie de vivre 

inaccoutumée

le printemps allumant les halliers

douceur de la flûte en prime

sourires et politesses furent de saison 

l’afflux des habitants 

attirés par la tendresse des sons 

fit la joie des citadins 

les rues grouillaient d’élégants

il convenait d’être beau 

tant la musique était douce

les robes chamarrées

valsaient dans les venelles 

la cité gothique en fut éberluée 

biches et ragondins pleurèrent 

le matin où la police l’arrêta

on décida de l’envoyer 

à l’île du diable où l’artiste 

n’aurait plus rien ni personne à séduire

et la violence revint à l’ordre du jour 

on ralluma les télés en soupirant 

des années plus ta rd

il y eut une éclipse de soleil 

afin que tout le monde sache 

que le malfaisant avait 

doucement passé la flûte à gauche