Brassens ou le désaccord parfait

Loin des biographies ce livre est fait pour rêver. Pour rêver comme Brassens le fit pour nous. On rêve autour de sa voix de son allure de ses décalages, puis à la fin on a droit à des commentaires des chansons musique comprise. Tout cela compose un ravissant bouquet dont le parfum, vapeur joyeuse, nous explique ce dont on se doutait sans pouvoir toujours trouver les mots pour le dire. Car cet ouvrage ce sont des mots qui à leur manière s’élèvent aussi à l’unisson du grand auteur compositeur irremplaçable. Le pourquoi du comment de cette magie nous est restitué avec précision et poésie.

R.P.

7 réflexions sur « Brassens ou le désaccord parfait »

  1. Heureuse de voir s’inscrire ce livre écrit par Raymond Prunier, paru récemment et lu avec émotion.
    J’avais oublié les textes des chansons de Georges Brassens et pourtant elles produisaient en moi à chaque écoute le même plaisir. C’était sur le poste de T.S.F. familial. Années soixante. Entre feuilletons, informations et jeux radiophoniques cheminaient en boucle les chansons dont celles de Georges Brassens ou comme le chantait Charles Trenet, le Fou chantant, que l’on entendait aussi : “Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues…”.
    Ce livre, le premier que je lis sur Brassens, m’a permis de découvrir le poète, le musicien. Retrouver mystérieusement le son de sa guitare et celui d’une contrebasse dans l’ombre. Retrouver son sourire moqueur autant que timide, amusé, farceur, sa force tranquille.
    Brassens aurait eu 100ans en Octobre dernier.
    Ce livre me rapproche de Sète et de l’impasse Florimont dans le 14e arrondissement, toute proche de la rue d’Alésia. L’ombre de Brassens y flotte. L’homme s’y découvre. Le voici, le pied posé sur une chaise, grattant sa guitare calée sur le genou. La voix chaude et rocailleuse emplit ma lecture. les textes enfin écoutés – parce que lus – dans leur totalité dont j’apprends qu’il les retravaillait jusqu’à ce qu’écriture et musique aillent à l’amble. Sa diction parfois avalée par sa sombre moustache, ce phrasé incomparable. De la pudeur. Aucun effet.
    Un livre qui lie musique et paroles avec une grande émotion.
    C’était dans le poste de radio des chansons populaires.
    Je découvre qu’il était grand lecteur de poésie classique.
    Je découvre le cabaret de Patachou en 1952. Moustaches et mélodie. Les chansons se suivent : Le gorille, Margot, Hécatombe, La chasse aux papillons… Plus tard, Les Passantes (poème d’Antoine Pol, découvert chez un bouquiniste…) :
    “Je veux dédier ce poème / A toutes les femmes qu’on aime / Pendant quelques instants secrets
    A celles qu’on connaît à peine / qu’un destin différent entraîne / Et qu’on ne retrouve jamais…
    Tous ces amours inaboutis dont on sait qu’ils peuvent laisser une trace toute une vie…”
    Un poète authentique qui ne voulait pas chanter ses chansons ! puis qui les a merveilleusement chantées.
    Un livre qui entre dans l’intimité dune voix, de l’amitié fidèle, étonnante, des bistrots où il avait ses habitudes, où les copains parlaient de tout et de rien.
    Les chansons de Brassens, quarante ans après sa disparition n’ont pas pris une ride et les reprises nombreuses renvoient à Brassens.
    Il y a eu de mars à aout 2011, à la Cité de la musique, une belle exposition sonore consacrée à Brassens. Un temps pour retrouver ce musicien pétri de jazz (comme le rappelle Raymond Prunier) et admirateur de Charles Trenet. On pouvait, se promenant dans les deux espaces de l’exposition entendre de nombreuses chansons de l’artiste, des archives sonores méconnues, découvrir l’intime et l’homme de scène, le libertaire, ses chemins de traverse.
    Sans oublier certaines paroles :
    “Je suis de la mauvaise herbe, braves gens… Et je me demande pourquoi, Bon Dieu, ça vous dérange que je vive un peu.”
    Un livre donc, pour en revenir à Raymond, qui marie les origines de la musique et de la parole en une belle harmonie et qui est venu se planter dans mes ébauches de mélodie associées à quelques bribes de mots fredonnés. Une belle rencontre, un privilège. Une œuvre de poète qui garde vive la mémoire de Brassens.
    J’écris tout cela de mémoire ayant prêté ce précieux livre à mon fils. Donc pas de citations !
    Seuls de très grands poètes de la chanson comme Brassens, Ferré, Brel, Trenet, Gainsbourg (pour ne citer qu’eux)… ont pu produire des textes qui, dépossédés de leur mélodie peuvent encore être de la poésie. Mais leurs mélodie et leur voix me manqueraient.
    Quelques minutes d’une chanson… un bonheur absolu. Quelques heures de lecture… un autre bonheur absolu…

  2. Je remets mon commentaire du 4 mars :
    Note de l’éditeur :
    « De celui qui partit trop vite, ce livre fait certes un éloge vibrant, mais il propose également une exploration du chemin qui vit se déployer le vaste monde de ses chansons. Raymond Prunier s’efforce de retrouver, en un chant tout personnel, une voie parallèle qui dit les bonheurs et les peines de l’artiste d’exception que fut Georges Brassens. Le propos est nuancé et le plus souvent joyeux. Au bord du temps, en chapitres sensibles, le rêveur-auteur propose un lyrisme tout en prose mélodique. On devine que la fréquentation assidue des œuvres suscite des intuitions qui mettent en valeur le travail subtil des chansons dont la qualité est sans cesse renouvelée. Il fallait expliquer comment ces dernières dorment toujours dans nos mémoires et pourquoi elles s’éveillent encore à la demande ; à n’en pas douter, les chapitres successifs de l’ouvrage répondent à ces interrogations ; quant aux rêveries, inventées au gré des paroles et des musiques, elles combleront les amateurs éclairés (et les autres). »
    Les éditions Mille Sources (Gilbert Beaubatie) ont été créées au tournant du siècle, à l’occasion d’un hommage rendu au philosophe Gilles Deleuze, auteur, entre autres, de Mille plateaux.
    gilbert.beaubatie@gmail.com
    (234 pages – 25 €)

    Bravo, Raymond et pleins de vœux pour votre livre.

      1. C’est dommage. C’est une aventure de lecture majeure. Peut-être quelques rencontres-signatures avec le public dans des librairies permettraient de faire connaître le livre et l’auteur…

  3. Ce billet dont on ne sait si il est d’un lecteur ou de l’auteur s’amorce par ces mots : “Loin des biographies ce livre est fait pour rêver. Pour rêver comme Brassens le fit pour nous. On rêve autour de sa voix de son allure de ses décalages…”
    N’ayant plus provisoirement ce livre de Raymond Prunier, l’ayant prêté,j’ai laissé la mémoire travaillait plus que la relecture scrupuleuse de l’ouvrage. Il s’est passé alors que la pâte a levé. La présence de Brassens a fait lever le rêve et les souvenirs : la radio, les années soixante, une expo,certaines chansons qui mont touchée particulièrement. Il est des livres comme cela qui par leur rythme et leurs silences, laissent la vie s’installer calmement et couler comme un ru enchanté. En dehors de tout raisonnement. Les mots reviennent se répètent. La couleur Brassens apparait. J’aime réécouter ses chansons, leur fausse simplicité, ces accords sur trois notes, le contre-chant de la contrebasse de Pierre Nicolas comme un balancement, un pied qui marque la mesure. C’est cela aussi la puissance de ce livre : donner envie de découvrir tant de choses nouvelles tout en reconnaissant ses chansons dès les premières mesures. Ces chansons plaisaient à Brassens. Ces chansons plaisent à Raymond et ça se sent. Il semble nous dire “Écoutez les textes !”, car il aime parler des textes autant que de la musique.
    Le choix du titre ? “Brassens ou le désaccord parfait”… Il joue de l’absurde. Un duo de mots détonnant pour ce pourfendeur de cette société qui annihile si souvent toute pensée individuelle, toute liberté de parole. Ce poète chantant qui se donnait le droit au blasphème, à la caricature, à l’outrance mais aussi à la tendresse, à la pudeur, à l’amitié, à une langue savoureuse, vive et pétillante. Une belle symétrie. Raymond Prunier donne accès à cette grande humanité et à cette immense tendresse.

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