baume rouge

quand l’an neuf pénètre

dans le tunnel glacé des hivers de chez nous 

je me souviens de la peur au corps d’enfant 

et du retour des rhumes 

frissons mouchoirs j’éternuais contre le vent 

mon visage éclatait aux chemins forestiers

aux avenues éclaboussantes

infamie des voitures obscures

j’allais à l’abri truqué de l’église frisquette

qui devait protéger le chrétien

mais en vain

la nef glaçait jusqu’aux semelles 

et pourtant 

j’ai toujours admiré

la déchirure de l’aurore

qui s’en venait soigner les ciels pathétiques

baume rouge pour matins désolés 

la peur d’un coup changeait de camp

je renaudais furieux contre notre espèce

donnais des coups de pied 

contre les gouttières qui crachaient aux trottoirs

jurant comme jamais qu’on ne me reprendrait plus 

à la fatalité subie

et c’est ce qui s’est réalisé

quand rabattant l’écharpe sur mon cou

je serre les poings dans les poches du manteau

libre du froid 

je souris de cette peur qui me figeait au sang

et se dissout au regard de toute beauté