aube d’automne

rivé à la vitre 

j’admire le réveil automnal

les volutes les brumes devant lesquelles je frotte en vain mes paupières 

puis la croisée puis les lunettes 

inutiles folies que je frotte encore

résigné je m’installe à califourchon

les genoux contre le radiateur 

j’entre yeux grands ouverts aux nuées terrestres

il va se jouer des aventures 

à bord de l’avion cargo qu’est devenu le salon

où vas-tu dit une voix

je ne sais vers le neuf je crois 

les poèmes les amours et moi perdus 

un monde blême badigeonne mon jardinet 

et soudain 

un lumignon perce la cotonnade

je fixe au levant l’avancée terrible

je crois que j’ai peur

mais le coeur consent à dire oui aux éclats

ça claque au visage 

crescendo d’étoile vivante 

la vitre explose de ses mille feux 

bonjour bonjour

ça court ça clame ça s’enflamme  

dissous les recoins gris

chats et oiseaux en boule se lèvent d’un même élan

l’herbe devient noire puis bleue

l’azur décroche une à une 

les nuées floconneuses du couvercle gras

au ciel c’est la haute mer qui s’avance

je ferme les yeux pour mieux voir le miracle 

ce bleu rieur qui mord chaque seconde un peu plus 

sur ce qui fut notre linceul du jour

l’air muet s’en vient flamber

je sens le soleil qui me brûle front et joues 

déchirant mes rêveries closes

qui sous mes yeux dessillés 

s’ouvrent au monde entier

3 réflexions sur « aube d’automne »

  1. J’ai vécu cet émerveillement dans un vrai avion lorsque, perçant la couche dense nuages sombres, nous nous sommes retrouvés dans l’immensité bleue et lumineuse du ciel avec sous l’avion la blancheur étonnée des nuages.
    Mais j’aime beaucoup votre voyage immobile, genoux appuyés sur le radiateur !

    1. Immobile contre le radiateur ou à 800 kilomètres à l’heure, c’est le même. Et ce n’est pas le même. Vous avez raison d’évoquer ce déchirement des nuages et cette ascension dans le bleu inaltérable. Je vois très bien ce dont vous parlez.

      1. C’est vrai, à cette altitude et à cette vitesse de croisière, l’avion semble immobile. On ne voit plus la terre. Seule cette étendue de nuages où se réverbère la lumière. On ne voudrait jamais redescendre , juste être immobile et pacifié.

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