Alban Nikolai Herbst: Misère de la musique (9/9)

L’escouade enfonça la porte. Instinctivement, Madame Marx s’interposa entre les assaillants et Silvia Weinbrenner. Quelques balles fusèrent et la vieille femme fut touchée. Elle se recroquevilla sans une plainte. La jeune femme était à genoux près du corps et sur ses cuisses reposait la tête de Kastendieck : elle serrait ses tempes dans le creux de ses mains. Elle se résolut à lever les yeux, le regard perdu dans le lointain.
– Je ne sais pas, dit-elle, il est mort simplement comme ça entre mes mains.
Avec soin, elle posa la tête à côté d’elle, se redressa et jeta un regard glacé dans la pièce.
– Il m’a aimée, je tenais à vous le dire.
Sans se préoccuper davantage du corps, Silvia Weinbrenner se fraya un chemin à travers les hommes en armes qui s’écartèrent respectueusement pour la laisser sortir. Une volée de pigeons blancs se bousculèrent dans leur envol. Des cris de joie accueillirent la jeune femme, mais elle parut n’y prêter aucune attention. Lorsque son mari se précipita à sa rencontre, elle ne le reconnut pas.

Epilogue

Silvia Weinbrenner garda le silence sur ce qui s’était passé dans la petite pièce. Elle quitta la ville sans jamais retourner dans ses foyers. Depuis, son mari estime qu’il n’y a rien de plus affreux que la musique.