vers le solstice: crise d’automne

ce qui crève les yeux

c’est l’abandon du vert et des fleurs

on change les vêtements

la mer glacée des aubes

vient réclamer sa part

et c’est le noir morose des terres

et le vivement brun qui mord

à cru dans la mosaïque des prés

les lèvres du temps

ne marchandent plus 

les feuilles disent dépitées

qu’elles n’y croient plus 

c’est alors le presque silence

de leur descente froissée

ça ne cesse plus de chuchoter

sous l’ouest bruissant 

on voudrait avancer les mains

on voudrait apaiser l’effroi

on voudrait revoir une fois

les vallons aux vaches paissant

mais l’hélas des jus nouveaux

coule écarlate à la gorge 

vin pur pour enivrer pour oublier

les feuilles de marronniers sont des décors

bruit furtif tragique

elles sont étouffées repliées

c’est l’usure des peaux du temps 

mes enfants revenez venez 

m’enseigner la renaissance

souriez moi encore un peu 

votre voix même s’étouffe

dans la brume du mois

râclez vos gorges

toussez dans l’aube vos misères

on va prendre des trains de nuit  

chargés de tous les vivants 

en route vers la nostalgie 

de l’encore moins 

toujours moins

on a raison de s’embrasser

il reste peu de temps peu d’encore

je vois bien là-bas un second soleil

mais c’est loin tellement loin