l’Aisne

la rive glisse contre moi
sous mes semelles se tassent graviers et glaises
et là devant
aventure de ma vie
coulant à ciel ouvert
le flot prisonnier fracture des joyaux des micas des soleils
la boue verte est parsemée des pattes des becs
traces esquissées dès l’aurore des lieux
par les envahisseurs sans loi ni limite

laissez-moi dit la rivière
gardez-moi de l’effroi des folies
je dégoutte de cette craie qui n’écrit jamais
mon lit et mon ciel froids et gris
font un unique linceul
aux soldats d’autrefois

je revins souvent
m’asseoir auprès de la voix
la peur crachée dans les remous se dénouait
ce fut l’enfance au bord du fleuve dur
que j’enviai longtemps d’aller à la mer
se faufilant risque tout
jusqu’aux confins des sables brûlants

2 réflexions sur « l’Aisne »

  1. Le temps s’écoule comme l’eau de cette rivière et passe indifférent à l’atrocité et aux plaisirs estivaux. La terre, elle, garde dans ses entrailles la Mémoire. C’est elle qui déracine nos amnésies vagabondes…

    Entre plénitude et souvenir. C’est un magnifique poème qui touche les sens en étant riche de sens et de décence.

    Merci

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