l’âme de l’été en bleu adorable
laisse mon regard filer
jusqu’aux abîmes d’infini
la chaleur enivre mais le vent m’inquiète
un froid se glisse au long des os
qui tremblent comme fétus
sous la lame des moissons
Le blog de Raymond Prunier
l’âme de l’été en bleu adorable
laisse mon regard filer
jusqu’aux abîmes d’infini
la chaleur enivre mais le vent m’inquiète
un froid se glisse au long des os
qui tremblent comme fétus
sous la lame des moissons
“Mozart composait au lit. Il travaillait dès le réveil, dans le silence du matin jusqu’à dix ou onze heures. Après, il se levait, sa journée était faite, il s’apprêtait, il se frisait, il se poudrait. Sa femme Constance étant encore à dormir, il lui laissait un mot: ”Je souhaite que tu aies bien dormi, ma chérie. Prends garde de ne point prendre froid. Évite toute occasion de chagrin au cours de la journée. Je serai à souper auprès de toi à 9 heures. Je ne vois rien de si doux que ta joue.””
( P. Quignard ”l’homme aux trois lettres” ed. Grasset p.116 )
Prodigieux érudit, Pascal Quignard est aussi un styliste hors pair. Sans doute l’écrivain le plus cultivé de France, il sait varier les approches comme on le voit ici, mêlant l’anecdote à la profonde connaissance des génies du passé. Je ne cesse de le lire et de le relire; il est un enrichissement permanent pour notre plus grand plaisir. Il paraît tant de livres que nous ne mesurons pas la chance d’avoir Pascal Quignard bien vivant, écrivant, parmi nous.
elles n’ont eu de cesse de bricoler leur nid
cent générations à manier galets et gadoue
toute ma vie j’ai vu les mêmes et différentes pourtant
hirondelles qui se suivent et se couvent en secret
dans le castel où sous mon toit elles miment l’éternité
ne suis-je pas tout compte fait leur locataire provisoire
vache j’eusse aimé brouter les coquelicots
qui errent éblouis au flanc des blés
les ruminant j’eusse meuglé contre le couchant
de mon écharpe tragique et du bout de ce mufle
écarlate ralentir le déclin des vives soirées de juin
les trames du matin au fond du lit
esquissent des espérances miraculeuses
une fois debout chaussons aux pieds
je traverse hésitant la brume du salon
croise le miroir et me souhaite un bonjour quand même
sous mes doigts le soir s’éteint au chevet
j’abandonne la terre à l’univers
mon corps consent à s’absenter
joues et rêves s’échangent sur l’oreiller
puis vient l’embaumement familier de la nuit
le déclin se lit à l’horizon sur le visage
il a débuté ses ravages
balayant la joie d’été
feu d’artifice de ce qui fut
et le printemps au sourire lisse
s’enfonce lentement sous le tain du miroir
un hibou dans la nuit
c’est un assaut velours
contre le vertige des étoiles
rempart d’échos
qui protège les rêves
cette allumette craque en rêve
souvenir des bords de l’âtre
qui enflammèrent mes nuits de neige
l’orage d’été a ces mêmes éclats
et je souris du retour complice
du couple des solstices
quand le grain de ma voix m’échappe
que les mots meurent au désert
tout au fond de ma gorge sèche
le roc de mon âge souffle un vieil air
ma mie s’enchante au seul appel de son prénom
et nos pas glissent de concert vers l’oasis
les enfants se tutoient
de leurs voix flûtées
ils s’avouent de graves secrets
montagnes d’énigmes
qui plus tard s’effacent dans la foule
dès qu’un passant leur dit vous
quand le matin s’éveille
qu’il cale ses voiles
sous le souffle du temps
mes mains tendues font
un rempart fragile contre
le soir qui faseye à l’horizon
ce bol de porcelaine tout neuf
où mes paumes pâles se réchauffent
je sens mes mains qui s’animent de leur sang
je hume alors le fort du café noir
et l’aventure du jour m’emmène au château
où s’avance pas après pas le graal de Perceval
cette nuit qui procède vers nous
induit mille vertus d’étoiles
et nos visages c’est toutes les lunes
qui conspirent contre l’obscur
dans ce bal oublié des danseurs
inventons aujourd’hui le sourire de minuit
la brise porte en son souffle tout un monde
de branches frémissantes
qui aspirent hors sol
le juin limpide
on entend les étoiles du jasmin qui se frôlent
au cru des tiges
une enfant siffle au coin de la rue
l’histoire d’une amour mélancolique
et d’un qui n’en peut mais de vivre
puis le solstice des angoisses
se dissout bientôt au noir des frondaisons
le vent léger expire une joie de rêve
ça y est ça y est
il se passe quelque chose
la brise redouble son fouet
les nuées d’ouest affluent
la pluie s’effondre
le jardin à peine sec
réinterroge ses racines
tout est bien tout est beau
miracle
les miroirs d’azur soudain écartent les blancs frissons
les troënes frottent leurs tiges au soleil
un poivre amer et pur
monte en poussières mouillées
longtemps l’aventure d’être sera cet unique parfum
paradis des pavillons de chez nous
calés contre de gris et bleus bosquets engazonnés