croque le jour 35

bouches peaux et corps s’interpénètrent 

elle et lui s’adorent sous la foudre de mars

les frontières de l’un s’ouvrent à l’accueil de l’autre

c’est le même jeu de joues chaudes et d’odes à la joie

ces rouges fusions font l’amour et la paix

croque le jour 34

voies et chemins sont bouchés par le mal

quand allons-nous retrouver la belle allure

lorsque nos semelles ne touchaient plus le sol

oh nos bras nos jambes tes cheveux noués serrés

et ta voix de soprane étouffée sous le masque

croque le jour 33

tu ne t’approches pas alors comment s’entendre

tu t’approches trop près comment éviter le choc

toujours ma présence tes humeurs vont vers la bousculade

le respect nous préserve de la dévoration réciproque

l’art d’être à l’autre est ce sourire où les dents restent au palais

croque le jour 32

les tartines de l’aube s’élaborent sous les socs rugueux

la terre tranchée accueille les assauts des pluies bleues

du soleil cru bientôt les épis cèdent sous le vent 

ça balance de joie en un rythme ralenti profond

pour finir le pain grillé sous la dent se fait sourire craquant

croque le jour 32

fragilité du petit mars balbutiant

le froid l’effleure on dirait nous défaits et nus 

l’âge approchant les tremblés assaillent les doigts

c’est la saison entre glace tassée et rire libre 

où comme les premières corolles nous désarmons les giboulées

croque le jour 31

saules verts aux feuilles fleurs mes bons amis

vos papillotes de mars annoncent négligemment

– balancement fluide de vos horloges branches –

un temps de vaste santé qui s’ouvre à tous les vents 

et souffle la vie au sein des vallons défaits du virus

croque le jour 29

beaux comme David nous allions à la source

nous laver du jour le lissé des joues

évidence du sourire mon âme tu te rappelles 

ce visage soleil les émaux du regard 

tout a glissé replis mais le souvenir en est si beau

croque le jour 27

des oiseaux fourragent le soir dans la gouttière

en plein couvre feu pattes sur le zinc

ils font grincer leurs griffes puis pépiant

palabrent toute la nuit pour préparer notre affaire

et portent à l’aube notre message vers les dieux lointains 

croque le jour 26

l’obscur chemin de la joie souviens t’en

serpenta longtemps aux charmilles jolies

sa gravité sur les cailloux fit grincer nos pas 

puis l’avance s’enlisa au fil des décennies

mais où sont nos rires contre l’effroi du temps