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chaumes
après le passage de la dévoreuse de juillet
qui anticipe sur nos bouches affamées
ils se dressent
ocres et gris parfois rouges
puis sous l’effet de la lumière adulte
les brins crépitent en un murmure immense
chacun d’eux veut conter l’histoire
de la terre et des grains
épis et tiges se sont balancés librement
et voilà leurs derniers témoins qui palabrent
et se disputent sur les champs
nous étions ensemble et nous voici querellant
ma mie que sommes-nous devenus
piques trop brèves
le vent ne nous inclinera jamais plus
la terre à deux doigts
ne permet plus la grâce oscillante
qui fit la stupéfiante splendeur des blés
dont nous étions la racine première
pauvres chenus
ils lèvent sur la terre tassée
de petites pointes benoîtes
que je froisse négligemment
comme on marche au désert
chevilles harcelées du picotis des sables
une plainte ose enfin s’allonger vers le soir
autre chose contrarie mon pas
ah c’est l’enfance ténue qui revient
féroce arrachement
annonçant le crissant retour d’automne
des charrues et des socs