Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton.
Vers le front
Du grave au suraigu vive expiration verticaleLe train siffle dans novembre achevé
Et tu frémis au seul souffle de la vapeur
Alarme alarme
Tu relèves ton col
Mince protection contre les froids à venir
Tu écartes une escarbille fichée au coin de l’œil
Les doigts déjà noirs pressent les paupières
Soudain plus rien qu’une brume épaisse
Qui rampe bourrue contre tes bottes
Elle te monte au manteau
Te prend les tripes
Ton corps attend sur place que la vapeur se fasse filiforme
Des toux d’automne et de tabac se chevauchent derrière toi
On s’insulte en se passant par les fenêtres des sacs disputés
Rien ne t’échappe comme si – mémoire nuit noire –
Le train va partir il est parti
Tu restes un moment sur le marchepied face au vent
Qui noie le corps de toute sa glace rouge
La mécanique engendre un thrène baroque fatal
Vibrations d’un gigantesque insecte nocturne
Tu t’engouffres dans le couloir qui pue le tissu humide et les habitudes crasses
Et n’entends plus sur fond de craquements assourdis
Que les rames lentes de la barque
Qui de sa proue mord l’espace vague
– Cadence muette –
Et résigné
Tu baisses le front