Une lettre / Bis dahin (Nov.17)

Ce poème de Raymond Prunier a été traduit par Helmut Schulze et illustré par E. Detton. 

Une lettre

Solange
Chère femme
Dis aux petits que je marche vers le front de la loterie majeure
Ils comprendront
Ne leur parle pas d’honneur
Ni de sol à défendre
Nos vingt-huit arpents nos trois vaches
Ne valent pas ma vie
Je m’ennuie tant de vous
Lorsqu’aux étoiles se mêlent les fusées éclairantes
Larmes suspendues sanglots au ciel de novembre
Je vois notre passé
Si je tire le gros lot (promis)
Nous irons pique-niquer là-haut
Soyez patients
Il viendra bien le temps de la guerre démodée
Elle dégoûte tellement
Avec ses bottes ses rats sa boue ses effluves folles
Dans cent ans je le jure ils auront nos crimes en horreur
Pour le bébé que tu attends
Attends
Ne l’accouche pas trop tôt
Ce monde ne le mérite pas encore
Quand il viendra (avec la paix)
Il sera le seul ange du temps de grâce très pure
En attendant
J’entends le claquement des culasses
Il est douteux que je t’embrasse un jour prochain.

Bis dahin

Liebe Frau
Sag den Kleinen, ich sei an der Front der Großen Lotterie
Sie werden verstehen
Sag ihnen nichts von Ehre
Nichts von Boden und Verteidigung
Unsere achtundzwanzig Morgen unsere drei Kühe
Sind nicht mein Leben wert
Ich vermisse euch sehr
Wenn Sterne und Fackeln sich vermischen
Hängen Tränen, ein Schluchzen am Novemberhimmel
Ich seh’ unsere Vergangenheit
Wenn ich das große Los ziehe (versprochen)
Machen wir Picknick da oben
Habt Geduld
Irgendwann kommt der Krieg aus der Mode
Nichts als Ekel
Diese Stiefel, diese Ratten, dieser Schlamm und Gestank
Hundert Jahre und sie fassen’s nicht mehr, was wir verbrochen
Auf das Baby, das du erwartest
Warte
Entbinde es nicht zu früh
Die Welt verdient es noch nicht
Wenn es dann kommt (mit dem Frieden)
Wird es sein der einzige Engel in reinster Gnadenzeit
Und während ich warte, knacken die Gewehrverschlüsse
Ob ich dich jemals wieder küssen werde…
Une lettre – E. Detton