connaissez-vous le pays aux contours incertains
quand le pas broie du noir
quand la mer dès l’aube – paupières cireuses –
charrie des masses d’encre voilées
à peine inspirée
l’iode de novembre
se fait fièvre aux poumons
les cimes dépouillées
charmes ormes chênes
xylophones affairés
s’entrechoquent dans la brume fatigue
l’affaire de vivre
en plein doute
fait de novembre un où es-tu entêté
c’est à peine si l’on avance aux halliers glacés
le corps dépose les armes
au bout des alarmes maximales
la onzième saison sonne derrière la mort
et c’est alors
au bout de l’an ou presque
que remonte facile la mélodie des doigts
dans le filet des jours
la pluie joue du piano
le vent souffle ses symphonies improvisées
l’époque affolée bascule
dans la saison des oeuvres chaudes
le noir rédige enfin
sur le blanc silence des brumes qui se lèvent à volonté
le chant joyeux des enfants de la vie
(Mon Brassens est de ces œuvres chaudes à venir)
“Soir d’automne –
Il est un bonheur aussi
Dans la solitude.
De temps en temps
Les nuages nous reposent
De tant regarder la lune.
Rien qui m’appartienne
Sinon la paix du cœur
Et la fraîcheur de l’air.”
Anna de Noailles
“Les nuages nous reposent / De tant regarder la lune”
est très plaisant, comme une légère facétie.
les deux derniers vers montrent le talent sûr de la poète; elle sent bien que “la paix du coeur” sonne froid, cliché et de manière inattendue la “fraîcheur de l’air” vient faire son tour comme une brise qui élargit le propos alors qu’on a eu “Rien qui m’appartienne”… c’est fin !
Oui, Anna de Noailles aimait les paradoxes, la légèreté et le silence. Comme vous aimantée par la mort, comme vous esquissant ses paysages par petites touches.
J’ai aimé l’amitié lumineuse entre elle et Marcel Proust et leur longue correspondance.
J’aime ce poète énigmatique, l’alouette Persane, disait Morand.
Et je lis et relis votre poème Novembre qui tant vous ressemble.
En fait , ce sont trois haïkus de Buson , Basho et Issa trouvés dans l’anthologie Fayard. sélection de R.Munier et Y.Bonnefoy.
Le poème d’Anna de Noailles en écho au vôtre était :
L’Automne
“Voici venu le froid radieux de septembre :
Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
Mais la maison a l’air sévère, ce matin,
Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.
Comme toutes les voix de l’été se sont tues !
Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
Que la bise grelotte et que l’eau même a froid.
Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin
Elles iront mourir sur les étangs demain.
Le silence est léger et calme ; par minute
Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
Et puis tout redevient encor silencieux,
Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux
S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
Et la vieille maison qu’il va transfigurer
Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer.”
Désolée pour ces ratures en littérature. Beaucoup de difficultés ces jours-ci pour poster des commentaires. Ou ils s’effacent ou ils apparaissent incomplets. Comme ce jour où le poème d’Anna de Noailles avait disparu !