tandis qu’après les pluies
le juillet joli fait craquer la feuillure des croisées
ouvrant sur le poli des champs
au bord de la moisson
où les ocres se mêlent au presque gris
j’entends par la brise colportée
la voix des amis en allés vers le château
dont on ne revient pas
même à genoux
je songe
que fais-tu là toi que voilà
étendu au tendre gazon doux
alors que la fureur de la vie les écrasa
leurs lèvres murmurent encore
n’entends-tu pas à travers les brins d’herbe
le sifflement cru du soir de leur départ
alors allongé contre le grave des troënes
soudain de l’ombre noire
je les vois resurgir
douloureux souriants
on s’ennuyait de toi
disent-ils
le fleuve a bien voulu cette fois couler vers l’amont
ses larges méandres c’est bien connu
chérissent les rêveurs
car tout fait retour
à qui sait écouter le fond de sa mémoire
là où la joie de vivre rechante l’hymne du moment
“au bord de la moisson
où les ocres se mêlent au presque gris”
Avant que la mémoire submerge ce paysage, j’aime m’arrêter à cette palette fine d’ocres et de gris des blés sous la chaleur de juillet. Un bleu décoloré creuse les bistres. Épaisseur de l’air. Rien qui saille. Puis tout craque et chancelle. Par la brèche des mots se fraie le chemin de mémoire transperçant le silence. Ils revendiquent un plein de présence… Souffle du temps
Cette brèche s’accomplit aujourd’hui même: les moissonneuses engagent leur combat annuel ce jour, à cette heure, étrange dévoration qui précède la nôtre et donne au pain futur un côté engouffrement qui sidère la terre. La poussière s’y met dans un cri rageur de moteur à explosion répercuté au vallon: on dirait la guerre, mais la moisson c’est la paix de l’estomac plein. René Char: “L’indifférence à l’histoire et l’obsession de la moisson sont les deux extrémités de mon arc”.
Magnifique !
Merci chère Christiane ! Avec l’espérance de faire mieux !