la jeune fille appelle de loin
j’ai sa voix aux tympans
ruisseau d’émeraude brisée
c’est si léger que le vent un peu l’efface
bruissements maritimes des saules bleus
elle avance frêle par le sentier
aucune herbe froissée
je l’attendais au solstice
je l’interroge sur son retard
elle moque ma bouderie
pose deux doigts sur mon avant-bras
pour prévenir la plainte
son léger contact – de nos jours incorrect –
assure ma gaieté
et sa chanson toute en gravité jolie
répète que la saison l’appelle
elle dit elle dit
j’assure les serments obligés
je célèbre mon retour aux jours accourcis
la plaine de juillet miroitait là-bas
j’ai voulu voir tes blés mes fleurs
nous allons inventer les sourires
contre la peine épidémique
au temps de la lumière crue
frappons nos mains
pour échauffer encore sève et sang
les heures galopent aux moissons
cette vie n’est pas si vaine
où l’on s’abreuve
aux yeux velours des aubes turquoises
ne manquons pas d’écouter les chaumes
qui préparent en creux
la tendreté des brioches à venir
Une douceur légère dans ce paysage crayeux où la mémoire de fracasse sur les désastres de la guerre. Tout est poésie et gravité, ici. La navette des mots passe et repasse et la toile se fait du tisserand qui peint le passage du temps.