jardin
jadis empli des aigus cabriolés des enfants
le jardin resplendit ce jour pour presque rien
il ne se ressemble plus
il a cette grâce un peu des anciennes gloires
je cultive la prestance de ses arbustes
qui cachèrent des visages malicieux
mais les roses à foison disent les murs sans échos
me reste cette brise un peu fraîche
flot continu de consolation nord ouest
rappelant joies et peines du jour le jour
c’était au temps où l’on naviguait à vue
je crois que le silence épidémique qui m’y enferme
lui donne des allures de royaume des ombres
il me leste la joie de vivre
regrets souriants
tous les verts se rassemblent à la fenêtre
où j’attends dans le silence le retour des échos du monde
qui miment si parfaitement
les diastoles systoles de mon corps vif autrefois
une branche m’effleure en marchant
c’est le bras de ma fille petite
un caillou me fait trébucher
c’est mon bambin en peine
je me penche je ne marche pas je glisse
courbé vers les ombres
ma voix dit dans la nuit
n’aie pas peur on verra demain
je me redresse
le rire d’un merle en noir et blanc
a la mélancolie sûre d’un tissu qu’on déchire
des soupirs rampent sous la haie
au milieu des tulipes graves et des crocus aigus
c’est dans cet antan toujours repris
que m’arrête le roucoulement des tourterelles
rengaine recours qui dans sa chaude lassitude
chante le présent résonne au passé
et je gage que ces notes rouleront dans cent ans
si bien que l’instant est l’éternité
victoire sourde d’un velours absolu
doux accents d’un flûté préhistorique
amené à durer ce que durera la terre